La startup européenne Space Cargo Unlimited se lancera dans la fabrication dans l'espace en 2025

La startup luxembourgeoise a signé un contrat de développement avec Thales Alenia Space pour développer un cargo spatial, qui servira d'usine dans l'espace. Premier vol prévu fin 2025. Objectif : créer des produits agricoles plus résistants, de nouveaux médicaments plus performants, de nouveaux alliages plus homogènes grâce à la fabrication dans l'espace.
Michel Cabirol
La startup Space Cargo Unlimited disposera dans trois ans environ d'un véhicule spatial automatisé réutilisable sans astronaute à bord (REV1), développé par Thales Alenia Space (iici, le cargo spatial va s'arrimer au module de service)
La startup Space Cargo Unlimited disposera dans trois ans environ d'un véhicule spatial automatisé réutilisable sans astronaute à bord (REV1), développé par Thales Alenia Space (iici, le cargo spatial va s'arrimer au module de service) (Crédits : Space Cargo Unlimited)

De la science-fiction il y a encore 10 ans à un projet bien réel et labellisé NewSpace, qui devrait prendre son envol à partir de la fin 2025. Créée au Luxembourg en 2014 par Nicolas Gaume et Emmanuel Etcheparre, la startup Space Cargo Unlimited (15 salariés) disposera dans trois ans environ d'un véhicule spatial automatisé réutilisable sans astronaute à bord (REV1), qui donnera aux entreprises la possibilité de fabriquer dans l'espace grâce à la robotique des produits agricoles plus résistants, de nouveaux médicaments plus performants, de nouveaux alliages plus homogènes (sans problème de densité) ou encore d'effectuer des expériences très utiles pour les sciences de la vie. Seul l'espace (microgravité, absence de poussière, zéro absolu...) offre ce champ inédit pour des expérimentations mais aussi pour la fabrication de produits que la Terre ne permet pas ou beaucoup plus difficilement pour atteindre ce niveau de performances.

« Space Cargo Unlimited entend devenir l'un des principaux acteurs de la révolution du NewSpace avec des produits et services d'avant-garde à forte valeur ajoutée, dans des domaines aussi variés que la recherche biologique appliquée en microgravité ou les nouveaux matériaux de fabrication », a souligné dans le communiqué publié jeudi le président de Space Cargo Unlimited, Nicolas Gaume, un serial entrepreneur (huit startup créées).

Pour financer complètement le développement de REV1, Space Cargo Unlimited (CSU) compte lever de nouveaux fonds entre 2023 et 2025 auprès de sociétés de capital-risque, telles qu'Eurazeo, Expansion (Charles Beigbeder), Thales Corporate Ventures et de business angels. SCU va réaliser 1 million d'euros de chiffre d'affaires en 2022 et a déjà investi dans son projet 5 millions d'euros en Recherche & Développement (R&D) en 2021.

Lire également : Space Cargo rapatrie son vin de l'espace en vue d'une publication scientifique

Un marché estimé entre 10 et 20 milliards en 2040

A travers son projet, Space Cargo Unlimited, qui a développé une expertise complète dans la gestion de projets complexes en microgravité pour développer des initiatives innovantes et utiles, veut saisir "le potentiel élevé, bien qu'encore inexploité, de la fabrication dans l'espace", explique-t-il dans le communiqué. Selon une prévision en 2021 de la banque Morgan Stanley, cette nouvelle activité représentera 10 milliards de dollars d'ici à 2040. Interrogé par La Tribune, Nicolas Gaume, qui juge ces prévisions conservatrices, estime plutôt ce marché à 20 milliards de dollars d'ici à 2035. La startup estime que son projet "présage la démocratisation d'un modèle commercial en orbite terrestre basse". Elle revendique être le premier opérateur commercial privé européen capable de fabriquer dans l'espace. Une performance à laquelle tient beaucoup Nicolas Gaume qui souhaite apporter cette capacité et cette autonomie à l'Europe. "Notre projet a un intérêt crucial pour la propriété intellectuelle", précise-t-il.

« REV1 offre une plateforme ouverte aux industriels, avec des délais maîtrisés et un coût prévisible pour favoriser la prochaine révolution industrielle (alias « Industrie 5.0 ») », a précisé Space Cargo Unlimited dans son communiqué.

L'exploration spatiale est en pleine voie de démocratisation. SCU entend donc profiter de la nouvelle offre à bas coût pour accéder à l'espace. Objectif : proposer aux clients publics (gouvernements, agences, laboratoires...) et privés (industriels) de Space Cargo Unlimited des prix accessibles : « quelques centaines de milliers d'euros pour une expérience passive, plusieurs millions d'euros pour une expérience active (fabrication additive) », précise Nicolas Gaume. Au-delà du « juste prix », le président de SCU veut également apporter à ses clients « une fiabilité » et une « une rigueur » en termes d'accès à l'espace.

Le projet de SCU est l'un des nombreux projets privés et publics qui foisonnent actuellement dans le monde pour exploiter les atouts de l'espace, voire en exploiter ses ressources naturelles pour les besoins de l'Homme dans l'espace, et plus précisément à moyen terme sur la Lune. Axiom Space veut par exemple construire une station spatiale commerciale. Et c'est également le cas pour le fameux projet Artemis, piloté par la NASA, avec le retour de l'Homme sur la Lune. Et plus précisément dans son domaine, Space Cargo Unlimited a plusieurs projets concurrents américains, dont celui de Varda Space (premier vol prévu en 2023), chinois, et britannique (Space Forge), face à lui.

Des cargos spatiaux

Comment Space Cargo Unlimited compte s'y prendre ? En faisant appel à un... acteur tout ce qu'il y a de plus traditionnel, Thales Alenia Space (TAS), et plus précisément au site de Turin spécialisé dans la fabrication d'engins spatiaux servant au transport spatial et à l'exploration spatiale. Dans ce cadre, TAS, société conjointe entre Thales (67%) et Leonardo (33%), et SCU ont signé dans le cadre d'un partenariat un contrat portant sur le développement de REV1, un véhicule cargo de rentrée atmosphérique versatile (adaptable selon les missions) ayant une capacité maximale de 1.000 kg (ou 1.200 litres). Soit un véhicule beaucoup plus imposant que son concurrent américain Varda Space (650 kg de masse pressurisée). Surtout le cargo de TAS est certifié dans le cadre du programme européen IXV (Intermediate Experimental Vehicle) dont la conception avait été confiée à la société franco-italienne. Ainsi fabriquera le cargo, SCU concevra quant à lui les équipements à l'intérieur du cargo selon le modèle fabless (sans unité de fabrication).

Après le vol inaugural fin 2025, Space Cargo Unlimited prévoit un autre vol en 2026, puis deux vols à partir de 2027/2028. En régime de croisière, SCU prévoit d'exploiter commercialement une flotte de véhicules cargo non-habités capables de revenir sur Terre. Pourquoi SCU a choisi TAS ? Parce que la société franco-italienne "joue un rôle de premier plan dans les systèmes de rentrée en orbite basse", estime Nicolas Gaume. Le premier exemplaire, REV1, dont la mise en service est prévue fin 2025, pourra s'adapter à tout système de lanceur disponible et compatible. Cette flexibilité d'emploi le rendra attractif pour réaliser de nouvelles missions, en particulier en orbite équatoriale. Il est conçu pour être réutilisable pour 20 missions au total, sachant que le véhicule et ses charges utiles resteront dans l'espace deux à trois mois par mission. La remise en état du cargo spatial sera partagée entre TAS et SCU.

En tant que maître d'œuvre, TAS sera responsable de la conception, de l'ingénierie et du développement du véhicule REV1. Ce programme bénéficiera de l'expérience acquise dans le cadre du programme Space Rider de l'Agence spatiale européenne (ESA), le système de transport réutilisable européen de prochaine génération pour l'orbite basse (LEO) qui est actuellement développé en co-maîtrise d'œuvre par TAS et le motoriste italien Avio. TAS Italie travaille également sur les programmes d'Axiom et d'Artemis (NASA). Un savoir-faire accumulé en tant que concepteur et fabricant, outre du Space Rider, de plus de 40 % du volume habitable de la Station spatiale internationale (ISS), des modules pressurisés (PCM) des vaisseaux de ravitaillement Cygnus de Northrop Grumman, et du programme IXV.

Quels objectifs ?

REV1 préfigure l'usine flottante de demain voyageant en orbite terrestre basse arrimée à une station (module de service), qui lui fournira l'énergie nécessaire à ses missions. Ce qui permettra de baisser les coûts d'exploitation du projet. Avec ce véhicule pressurisé, Space Cargo Unlimited réalisera son objectif d'exploiter le potentiel de la recherche en microgravité spatiale au profit d'applications commerciales sur Terre, par le biais de la fabrication en orbite. Ce cargo spatial, qui servira d'usine, sera utilisé pour des missions spécifiques, en particulier dans les domaines de la biotechnologie, des produits pharmaceutiques, de l'agriculture et des nouveaux matériaux, dans l'optique de définir de nouvelles méthodologies de recherche appliquée ou d'améliorer le secteur agro-alimentaire futur, entre autres.

« REV1 est le résultat ultime de nos programmes spatiaux passés. Nous franchissons maintenant cette nouvelle étape pour nous engager dans la nouvelle révolution industrielle spatiale au profit de la vie sur Terre », s'enthousiasme Nicolas Gaume. Mais au-delà, le président de Space Cargo Unlimited souhaite que cette startup ait un impact positif pour l'homme sur la Terre. Et l'agriculture de demain et la thérapie génique en font notamment partie.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 27/10/2022 à 18:37
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C'est beau de rêver à 15 de subventions. Surtout en Europe ! Angluée, non pas dans ses usines de l'espace mais dans ses usines à gaz !

à écrit le 27/10/2022 à 10:23
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Attention à l angélisme européen ignorant nos amis us, chinois ou russe qui ne tarderont pas à essayer de torpiller ce dispositif d avenir …

le 27/10/2022 à 17:24
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C'est le principe : on investit dans un truc coûteux dont les retombées ne sont pas garanties. Si ça fonctionne on revend aux US pour qu'ils volent les brevets et nous revendent les produits avec de gros bénéfices. Une fois qu'ils auront tout pillé e...

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