La pollution de l'espace proche ne cesse de s'aggraver. L'arrivée des mégaconstellations, telles que Starlink, et des nanosatellites de type cubesat a déjà doublé le nombre de satellites sur orbite basse, multipliant les risques de collisions. Dans le même temps l'infrastructure orbitale habitée est elle-même en augmentation, ce qui accroît donc le risque de perte de vie humaine en cas d'accident. La situation a atteint un tel point qu'aux Nations Unies, des voix se sont élevées pour faire de l'orbite basse le 18e objectif de développement durable.
Prévisible, cette évolution n'a pourtant pas été évitée. « Avec le New Space, nous avons lancé plein de nouveaux objets et de nouvelles applications. Nous avons aussi plein de règles, normes, standards pour éviter la multiplication des débris, mais nous les appliquons pas, déplore Christophe Bonnal, expert à la direction des lanceurs du CNES. Je n'aurais pas dit ça il y a dix ans, mais la situation actuelle est vraiment inquiétante ».
Syndrome de Kessler
Chiffre significatif : entre 760 et 840 km d'altitude, une région où gravitent un grand nombre des principaux satellites d'observation, le nombre d'objets a été multiplié par 3,5 en vingt ans, mais le nombre de satellites actifs, lui, a été divisé par trois. Ce ratio décuplé entre débris et satellites est un symptôme du Syndrome de Kessler qui, à terme, pourrait rendre cet espace impraticable.
L'un des principaux objets dans la zone est le satellite européen Envisat, tombé en panne en 2012, et pour la désorbitation duquel, l'ESA avait initialement créé le programme CleanSpace, à la tête duquel Luisa Innocenti a fort à faire avec l'inertie des États membres pour qui nettoyer l'espace n'est pas vu comme une activité noble. « Nous avons essayé de présenter cela comme un sujet environnemental et responsable, donc très européen, et une ouverture vers le service au satellites sur orbite, raconte-t-elle, mais ils ont voulu avoir des informations sur le marché que cela représenterait et à ce stade nous n'en avions pas ».
Vers un marché prometteur ?
Le situation a évolué avec l'arrivée des mégaconstellations dont il faudra gérer la fin de vie. En 2019, une compétition a été lancée avec pour objectif la désorbitation d'un des principaux débris sous responsabilité européenne, dans le cadre d'un contrat commercial. La société suisse ClearSpace a été sélectionnée pour récupérer et faire retomber le capot d'un adaptateur resté sur orbite après un lancement de Vega. « Nous avons basé nos efforts sur des années d'études du problème au sein de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, explique Luc Piguet, président et fondateur de ClearSpace, et nous nous sommes monté en startup avec l'arrivée de Starlink, quand il nous est apparu qu'il fallait accélérer ».
Cette désorbitation active sera une première mondiale, mais elle ouvre la voie à un marché prometteur pour le service orbital, afin de réparer ou ravitailler les satellites, voire de venir au secours de ceux qui n'ont pu manœuvrer en fin de vie. Dans le futur, tous les satellites pourraient être équipés de systèmes d'identification passifs (réflecteurs lasers codés, puces RFID) et surtout de « prises » pour être capturés par d'éventuels remorqueurs au cas où leur système de désorbitation actif viendrait à tomber en panne.
Prévenir les collisions
Prévenir les collisions et aider le service sur orbite est à la base d'une autre activité commerciale, dont LeoLabs, aux États-Unis est un précurseur : le suivi des satellites sur orbite, avec plusieurs radars répartis au sol. « Nous fournissons des services pour l'évitement de collision, pour les opérations de proximité, à partir d'une unique plateforme, détaille Alan Declerck, directeur du développement de LeoLabs. Pour la première fois nous avons suffisamment de données pour pouvoir nourrir un traitement par intelligence artificielle ». Or, comme le rappelle Christophe Bonnal, cette connaissance de la situation est indispensable pour l'application des règles qui seront au cœur de la gestion du trafic orbital.
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