Selon des sources concordantes, le ministère des Armées s'apprête à commander un nouveau lot de bombes AASM (Armement air-sol modulaire) conçues par Safran. Cette commande, qui s'élèverait à 500 AASM environ selon nos informations, est destinée au renouvellement (recomplètement dans le jargon militaire) des stocks de l'Armée de l'air et de la Marine nationale en vue d'équiper les Rafale.
Ce qui est un renouvellement incomplet par rapport aux livraisons promises à l'Ukraine. Car dans le cadre d'un accord de gouvernement à gouvernement, la France a promis de livrer 50 AASM par mois en 2024 à partir de janvier. Soit 600 bombes propulsées - le modèle choisi par Kiev - livrées sur un an. Elles vont vraisemblablement armer en Ukraine des MiG-29 Fulcrum, l'un des principaux avions encore utilisés par l'armée de l'air ukrainienne (UAF).
Bombes réputées insensibles au brouillage
« L'armée de l'air et la marine nationale l'utilisent régulièrement avec succès lors des opérations extérieures, en particulier pour sa souplesse d'emploi quelles que soient les conditions météorologiques et son extrême précision », précise la DGA sur le site du ministère des Armées.
L'UAF, qui utiliserait déjà beaucoup d'AASM pour des frappes à distance, se montrerait très satisfaite de ce système d'arme qu'elle juge très efficace. Et Kiev demanderait déjà à Paris de revoir à la hausse les livraisons de ces bombes planantes réputées insensibles au brouillage. D'une portée d'environ 80 km si elle est propulsée par un moteur (Roxel), cette bombe permet des frappes simultanées air-sol et multicibles (fixes et mobiles) avec une précision décamétrique ou métrique. Un modèle low-cost (sans moteur) a également été développé pour le compte de l'armée française, qui a beaucoup utilisé cette version au Sahel notamment. Cet armement est complémentaire des missiles Scalp, réservés en priorité aux objectifs de grande valeur situés dans la profondeur d'un territoire ou d'un dispositif adverse. Jusqu'en 2023, la France avait prévu de doter l'armée française de 1.748 AASM, qui ont d'ailleurs tous été livrés avant 2019.
Safran, capable de monter ses cadences
Le ministère des Armées a adopté la stratégie de livrer à l'Ukraine des munitions dites complexes (missiles de croisière Scalp, missiles Aster, AASM...), proches de leur date de péremption. Ainsi, le ministère peut « jouer avec les stocks pour faire en sorte que l'Ukraine bénéficie du plus de munitions possibles, notamment pour les missiles les plus complexes, en jouant avec les dates de péremption », explique-t-on à La Tribune. Ce qui permet à l'armée française de disposer d'un niveau de stocks de munitions récents et suffisants pour ses propres missions. En outre, le ministère évite de dépenser des crédits pour remettre à niveau des munitions atteintes d'obsolescence, voire de les recycler en fin de vie.
Safran se dit capable de doubler ses cadences pour la production des AASM fabriqués à Montluçon dans l'Allier. Mais pour le faire, il a besoin de visibilité. Le 15 février, lors de la présentation des résultats 2023 de son groupe, le directeur général Olivier Andriès avait expliqué que Safran était « capable de monter en cadence. Aujourd'hui, nous avons une capacité de production qui n'est pas saturée. Nous pouvons monter en cadence assez rapidement. Et si on devait monter au-delà, nous sommes prêts à investir afin d'augmenter nos capacités industrielles mais il faut que cela ait un sens. Quelles sont les commandes à venir ? Nous n'allons pas juste investir comme ça ». Ainsi, les capacités actuelles de Safran, qui tournent actuellement qu'avec des commandes export, devraient, a priori suffire pour produire cette future commande d'AASM du ministère.
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