Dommage... Auteurs d'un rapport sur « le bilan du soutien militaire à l'Ukraine » plutôt complet, dont La Tribune s'est procurée une copie, les députés Lionel Royer-Perreaut (Renaissance) et Christophe Naegelen (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) auraient pu s'épargner une polémique sur le montant du soutien militaire de la France qu'ils estiment à 3,2 milliards d'euros. Tout vient d'une évaluation des matériels militaires cédés à l'Ukraine qui est beaucoup trop avantageuse par rapport au véritable effort de la France en faveur de Kiev comme l'a révélé le magazine Challenges : le coût de ces cessions s'élèverait à 1,7 milliard d'euros, selon les deux rapporteurs. Des députés qui ont regretté les critiques des alliés vis-à-vis de la France accusée au début du conflit de ne pas en faire assez pour l'Ukraine en matière de soutien militaire.
Des VAB valorisés au prix des Griffon...
Comment les deux auteurs ont-ils estimé le montant de 1,7 milliard d'euros ? Alors qu'ils avaient plusieurs choix possibles sur la valorisation de ces cessions (valeur d'acquisition, valeur comptable, coût de remplacement...), les deux députés ont fait « le choix de retenir, pour la valorisation des cessions de matériels, le coût budgétaire de leur remplacement ». Et de préciser que « le gouvernement considère que ce choix est le plus pertinent et le moins susceptible d'interprétation ». C'est malheureusement le choix de la polémique. Car le soutien militaire effectif au profit de l'Ukraine doit être dissocié de l'effort budgétaire que la France doit faire pour remplacer les équipements cédés aux forces armées ukrainiennes par des armements neufs.
Ce choix « est celui qui traduit le mieux l'effort de la France, en valorisant ce que coûte aujourd'hui le remplacement des matériels cédés, plutôt que sans remettre à des coûts d'acquisition qui n'ont plus de sens des années après, ou des valeurs comptables qui obéissent à des règles arbitraires et variables selon les pays », ont tenté d'expliquer les deux rapporteurs.
Résultat, lorsque la France donne à l'Ukraine des VAB ou des AMX 10RC, ces cessions sont valorisées au coût de leur remplacement, c'est-à-dire au prix des blindés Griffon et Jaguar. Ce qui est vraiment spécieux. En outre, comme l'a expliqué aux rapporteurs l'ingénieur général de l'armement Jérôme Perrin, chargé de la gestion du fonds spécial de soutien à l'Ukraine au sein de la DGA, « les cessions de VAB se calent en grande partie sur le rythme de livraisons des Griffons, comme celles des AMX 10RC le sont sur les livraisons des Jaguar ». Pourtant, le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de 2022 de la France n'avait pas repris cette méthodologie : en 2022, Paris avait livré à l'Ukraine pour 640,5 millions d'euros d'armes (cessions et ventes).
Remboursement de 500 millions d'euros
Par ailleurs, le rapport évalue à 1 milliard d'euros la contribution de la France à la Facilité européenne pour la paix (FEP). De cette somme, la France doit déduire environ 500 millions d'euros de remboursements, précisent bien les deux rapporteurs. Créée en 2021, la FEP, qui est un instrument hors budget européen, est abondé directement par les États-membres selon une clé de répartition. Ainsi, la France finance 18 % d'un montant de 5,7 milliards d'euros sur la période 2021-2027.
En outre, les auteurs ont estimé à 300 millions d'euros le coût des formations dispensées par les militaires français aux soldats ukrainiens dans le cadre des formations effectuées en France ou dans le cadre de la mission de formation EUMAM Ukraine. Enfin, la France a mis à disposition de l'Ukraine un fonds spécial de soutien abondé à hauteur de 200 millions d'euros.
Sujets les + commentés