Auditionné le 14 mai par la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat, le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation Eric Trappier a déclaré ne pas être inquiet encore sur le programme SCAF (Système de combat aérien du futur), dont l'avion de combat (NGF- Next generation fighter) sera mis en service en 2040. "On a encore de la marge de manœuvre sur le long terme, a-t-il précisé. Je ne suis pas inquiet sur le calendrier si on arrive à séquencer et que la phase 1 arrive à être amorcée". En revanche, ce qui l'"inquiète, c'est l'enchainement des phases et la rapidité de décision du Bundestag allemand. Cela me fait plus peur que le COVID", a-t-il expliqué aux sénateurs. C'est effectivement un vrai risque connu mais accepté par le ministère des Armées français.
les parlementaires allemands, qui depuis le début craignent que les industriels français soient trop dominateurs dans le projet, ont posé des conditions. Ils veulent en particulier qu'un autre projet militaire franco-allemand d'envergure, le programme de char MGCS (Main Ground Combat System), dont les Allemands sont chefs de file, progresse au même rythme que celui de l'avion du futur. Les deux projets doivent avancer "en parallèle", indique une résolution également votée mercredi sur le sujet. Le programme SCAF est pourtant parfaitement équilibré industriellement au sein des cinq piliers. L'avion de combat (NGF, Next Generation Fighter) est sous maîtrise d'œuvre de Dassault Aviation, le moteur sous celle de Safran tandis que le combat collaboratif connecté et les drones sont sous maîtrise d'œuvre d'Airbus. Enfin, la coordination du programme est partagé entre Dassault Aviation et Airbus. Pourtant les députés ont demandé des garanties pour que les intérêts des entreprises allemandes du secteur technologique soient mieux pris en compte dans le développement du projet.
Une loi de programmation franco-allemande
Le patron de Dassault est également inquiet sur les prochaines élections, qui doivent se tenir en Allemagne et en France. Les prochaines élections fédérales allemandes doivent se tenir en septembre 2021. Selon Eric Trappier, "un nouveau programme de coalition peut prendre beaucoup de temps. Si on est optimiste, cela ne prendra que trois mois, mais si cela dure plus longtemps, on arrive aux élections françaises, ce qui renvoie à post-2022 la phase 1". L'élection présidentielle française est quant à elle programmée en avril 2022. Et là, ce serait le drame. "Ce n'est pas possible", a d'ailleurs affirmé le PDG de Dassault Aviation. Un enchainement qui pourrait freiner considérablement le programme européen, voire plus...
Pour tenir l'échéance le développement des démonstrateurs en 2026, la commande doit arriver au plus tard début 2021. "Il ne faut pas qu'on tarde trop et ma crainte est de ne pas avoir la commande ad hoc, qui doit arriver avant début 2021", a insisté Eric Trappier. Il plaide donc pour "une loi de programmation franco-allemande pour pouvoir développer le programme sans passer tout le temps par le Bundestag pour chaque dizaine de million d'euros". Pas sûr pour autant qu'il soit entendu outre-Rhin par les parlementaires allemands, très à cheval sur leurs prérogatives...
Un problème de confidentialité des données
Pour le PDG de Dassault Aviation, "le Covid-19 nous empêche de nous voir' mais "cela fonctionne". En revanche, il estime que "la confidentialité n'est pas assurée. C'est aux États de nous dire comment nous pouvons échanger sur du confidentiel défense par réseau". Les industriels doivent "mieux communiquer" leurs fichiers de données entre eux et "en toute confidentialité d'autant plus que des grands du numérique en Europe existent même si on ne peut pas se passer des GAFAM pour le moment".
Eric Trappier a également averti que la France aura toujours besoin d'une défense aérienne en attendant avant l'arrivée du SCAF. "Le Rafale doit être amélioré avec une chaine de production jusqu'en 2030-2035 au risque d'un trou dans la production", a-t-il rappelé.
Washington se sert de l'OTAN pour vendre
Comment les États-Unis se servent de l'OTAN pour vendre le F-35 et le F-18 ? Eric Trappier a rappelé que "la plupart des pays européens achètent américains" parce que "l'Europe est sous parapluie américain, les Allemands n'ont plus d'avions américains de combat mais ils se sont engagés, comme certains pays membres, à porter l'arme nucléaire des États-Unis dans le cadre OTAN". Les États-Unis jouent beaucoup l'arme de l'obstruction pour éviter une intégration de l'arme nucléaire sous des avions non américains.
Pour les américains, "la défense est un tout - armées et industries - donc vous devez acheter le matériel pour continuer vos missions. Pour éviter l'achat du F-18 pour porter la bombe nucléaire, il faudrait que les Allemands décident d'arrêter cette mission. Ceci pousserait inévitablement le développement du secteur aéronautique allemand", a fait observer le patron de Dassault Aviation.
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