Sans la vision de Thierry Breton, qui a apporté dans ses valises à Toulouse deux projets spatiaux européens majeurs - une constellation télécoms et un système de gestion du trafic spatial -, le sommet spatial, qui s'est tenu mercredi dans le berceau de l'industrie aérospatiale française, aurait été très certainement une longue journée sans saveur. Le commissaire en charge du marché intérieur, qui a imposé avec ténacité ces deux grands programmes à la Commission - ce n'était pas gagné au départ -, a permis à la France de revendiquer un succès à l'issue de ce sommet spatial.
Un succès qui n'était pas acquis notamment au regard de la frilosité des Européens en matière de vol habité. Car contrairement à la Chine et aux Etats-Unis, l'Europe n'a pas encore défini sa stratégie en matière d'exploration spatiale. Et Emmanuel Macron, qui n'a pu imposer à Toulouse son rêve en matière de vol habité au reste de l'Europe, a donc passé le témoin à l'Agence spatiale européenne. Ainsi, l'ESA a annoncé la création d'un "groupe consultatif de haut niveau" sur "l'exploration spatiale humaine pour l'Europe". Ce groupe devra livrer de premières conclusions à la réunion ministérielle de novembre, "avec un premier retour à la mi-année", a indiqué Emmanuel Macron dans son discours à Toulouse.
Support de la France à la constellation Breton
En matière de constellations, Emmanuel Macron a été clair, très clair. "L'Europe, a-t-il martelé, doit prendre sa part dans la révolution des constellations". Une question "de souveraineté" et "de prospérité économique dans le secteur de la construction de ces constellations". Le développement puis la conception de cette constellation de petits satellites télécoms en orbite basse (450/500 km d'altitude), qui sera sécurisée par la technologie quantique pour résister aux cyberattaques, vont irriguer toute la filière satellitaire européenne. Aussi bien les acteurs traditionnels comme Airbus Space, Thales Alenia Space ou l'allemand OHB, que les startup du NewSpace. "C'est nous qui allons la faire et nous seuls, a assuré Thierry Breton. Nous avons ces capacités. On définit le cahier des charges et on va travailler ensemble pour la réaliser le plus rapidement possible".
La France va apporter son soutien à ce projet ambitieux, qui a été porté par Thierry Breton depuis plus d'un an. Elle va mettre à disposition de l'Union européenne "l'actif précieux que représentent les assignations prioritaires de fréquences dont elle dispose", a précisé Emmanuel Macron. Puis, le président a promis que la France prendrait sa "part d'investissement". Des projets de soutien sous forme de financements et d'achat de services seront lancés en 2022, explique-t-on à l'Élysée. Au-delà, Emmanuel Macron appelle les États membres à "sans attendre, unir les forces" et à "regrouper les différentes initiatives en germe pour avancer" sur ce projet de constellation. Les États membres ont dit à l'unanimité qu'il fallait aller dans cette direction, a indiqué Thierry Breton.
La gestion du trafic spatial, une priorité
"L'espace ne peut pas être une zone de non-droit, a affirmé le président. Nous avons trop d'intérêts en jeu sur le plan économique, sur le plan souverain de la continuité du fonctionnement de beaucoup de nos services publics ou sur le plan militaire". C'est pour cela qu'Emmanuel Macron pousse la création d'un modèle européen de la gestion du trafic spatial (Space Traffic Management) dans la continuité du projet EU SST, qui regroupe déjà sept pays européens. Il servira de base de négociation à accord de niveau international pour réguler un espace de plus en plus contesté. Le Space Traffic Management est à la fois un enjeu stratégique (défense spatiale) et de préservation d'un bien commun (gestion des débris spatiaux). Plus de 1 million de débris d'une taille comprise entre 1 et 10 cm sont en orbite autour de la Terre et leur nombre continue d'augmenter.
C'est à ce titre, a fait observer Emmanuel Macron que "la gestion du trafic spatial figure parmi nos priorités (...) Nous voulons, comme nous l'avons fait dans d'autres domaines, que l'Europe sache bâtir un cadre de régulation, qu'elle pense pour elle-même et qu'elle bâtisse un référentiel de régulation qui puisse ensuite être partagé par les autres puissances, voire progressivement s'imposer comme nous l'avons fait, par exemple, dans le numérique".
Sujets les + commentés