Alimentation : « Les États-Unis sont notre premier marché, devant la France » (Cécile Beliot, directrice générale de Bel)

ENTRETIEN - L'ex-dirigeante de Danone a rejoint en 2018 le groupe familial fondé en 1865, très présent à l’international. Elle présente ses nouveautés axées sur le « bien-manger ».
Marie-Pierre Gröndahl
La directrice générale de Bel, Cécile Beliot, veut diversifier le groupe fromager avec plus de végétal.
La directrice générale de Bel, Cécile Beliot, veut diversifier le groupe fromager avec plus de végétal. (Crédits : © LTD / François BOUCHON/figarophoto)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Le groupe a publié de bons résultats pour 2023. Quels sont les facteurs de croissance ?

CÉCILE BELIOT - Notre portefeuille comprend des marques iconiques. Centenaires, pour certaines, dont La Vache qui rit ou Mont Blanc. Et globales, ce qui est assez rare dans l'agroalimentaire : Babybel, Pom'Pote, Boursin, Kiri, La Vache qui rit... se vendent partout dans le monde. Ensuite, il y a nos savoir-faire de mélangeur et d'emballeur. Notre objectif se concentre sur le bien-manger, avec des portions laitières, végétales ou fruitières. Être un groupe familial, non coté, permet de privilégier le long terme. Pour consolider notre résilience face aux multiples crises de ces dernières années et être encore là dans cent cinquante ans. Les innovations sont au cœur de cette volonté de durer.

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Quelles sont vos nouveautés ?

Nous allons lancer dès cette année des mélanges de fruits et légumes sous forme de compotes, pommes-carottes-oranges, ou fraises-pommes-tomates. Spécialistes de produits laitiers, nous pouvons imaginer la création de smoothies, avec du lait et des fruits. Ou uniquement des légumes, comme un gaspacho vendu en gourde, par exemple. Voire des alliances entre fromages - des protéines - et des légumes. Leur point commun ? Des portions pratiques, ludiques, nutritives.

« Nos emballages sont déjà recyclables à 80 %. L'objectif est qu'ils disparaissent complètement »

Le chiffre d'affaires a nettement progressé aux États-Unis. Quels produits s'y vendent le mieux ?

La diversification géographique était une nécessité, en Amérique du Nord comme en Asie. Les États-Unis sont déjà le premier marché du groupe, devant la France, avec 27 % de nos ventes - réparties à égalité entre les fromages et les compotes - et cinq sites industriels. Notre dernière usine, inaugurée en 2023, est installée près de Seattle, dans une région où abondent les pommiers, avec une prédominance de pommes bio. Bel a doublé de taille en cinq ans outre-Atlantique, avec plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Nous souhaitons encore doubler de taille d'ici à 2030, car nos marques en sont capables. Babybel a un taux de pénétration de 12 %, avec une fréquence d'achat de 2,5 fois par an. Elle peut faire beaucoup mieux ! Du côté des compotes, baptisées là-bas « GoGo squeeZ », c'est la marque qui enregistre la plus forte progression dans l'univers du snacking. Un exploit, puisque nous sommes face à des géants nationaux.

Grâce au « snacking sain » que vous prônez ?

Cet argument joue un rôle, comme en témoigne la présence accrue de nos produits dans les cantines scolaires. L'obésité est un problème de santé publique majeur partout, notamment aux États-Unis. Tous les acteurs de la chaîne alimentaire ont une responsabilité dans la façon dont se nourrissent les enfants. Rendre pratiques, désirables et ludiques des produits sains, face à des alternatives comme les barres chocolatées ou les chips, est impératif. Sans oublier l'aspect gustatif : un enfant qui aime les compotes mangera davantage de fruits.

Quels sont vos résultats en Chine ?

Nous avons multiplié par cinq notre activité depuis 2020. Nous souhaitons encore le multiplier par trois d'ici à 2030. Les petits cubes sucrés vendus sous la marque Kiri séduisent, en particulier les femmes, qui les servent culturellement avec du thé. Pour avoir fait des visites à domicile sur place, je sais que leur faible valeur calorique - 15 kilocalories par cube - est un atout. Ce petit cube symbolise notre réussite.

La vente de Leerdammer en 2021 à Lactalis traduit-elle une inflexion vers le végétal ? Notre portefeuille reste diversifié, même si le non-laitier a progressé de 15 % à 25 % des ventes en cinq ans. De cet équilibre entre les deux, laitier et non-laitier, dépend la résilience, puisque ces catégories connaissent des cycles différents. Nous serons à 50-50 après 2030. Miser sur de multiples canaux de commercialisation, la grande distribution, l'e-commerce et le hors domicile permet d'accélérer le mouvement. La hausse des ventes en ligne s'élève à 12 % en un an, de 14 % pour le hors domicile.

Le groupe est-il présent en Inde ?

C'est le premier marché laitier au monde. Nous ne pouvions pas en être absents. Nous avons signé une coentreprise en 2022 avec le groupe familial Britannia Industries, leader dans l'agroalimentaire, pour produire une gamme de produits fromagers. Les produits Bel seront disponibles dans plus de 6 millions de points de vente pour atteindre plus de 180 millions de foyers dans le pays.

Où en êtes-vous dans le recyclage des emballages ?

Ils sont déjà recyclables à 80 %. L'objectif est qu'ils puissent complètement disparaître, car tous les pays ne possèdent pas les équipements nécessaires au recyclage. C'est le cas pour les enveloppes de Babybel, à base de papier et de matières organiques et fibreuses. Nos gourdes de compote sont recyclables, mais l'idéal sera de fabriquer des gourdes en papier. Concernant notre engagement pour une filière laitière bas carbone, nous finançons, entre autres, des compléments alimentaires Bovaer pour les vaches afin de diminuer leurs émissions de méthane. Et nous multiplions les partenariats avec des start-up pour créer des alternatives végétales aux fromages.

Quels sont ces partenaires ?

Climax Foods, en Californie, qui travaille avec l'IA sur les sources de protéines disponibles dans la nature. Ou Superbrewed Food, qui développe des produits fromagers avec des protéines issues de la fermentation de la biomasse. Bel est présent dans la Silicon Valley depuis plusieurs décennies. La réputation du groupe comme partenaire stratégique s'est construite dans la durée. Toutes ces initiatives répondent à une exigence : notre responsabilité par rapport aux enjeux alimentaires de demain.

Marie-Pierre Gröndahl

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