Corse : ce que permet la première unité de transformation des agrumes de France

L’inauguration récente d’une unité de transformation des agrumes, installée près de Bastia, avec 15 emplois à la clé, promeut certes l’agrumiculture corse, mais elle sert également certaines PME françaises, jusqu’alors dépourvues d’un outil industriel valorisant le Made in France.
(Crédits : François-Xavier Ceccoli)

Son teint s'embrase comme un coucher de soleil dans le golfe de Porto, sa peau est fine et brillante sous ses feuilles couleur émeraude, son goût est légèrement acidulé, sa chair gorgée de jus et de vitamines et, contrairement à bien d'autres secteurs d'activité de l'île, elle n'a jamais eu de pépins. La clémentine corse est la star des agrumes et telle l'écharpe moirée d'une miss, elle arbore fièrement son label indication géographique protégée (IGP) depuis février 2007.

Cultivée en Plaine orientale, elle a une production annuelle de 40.000 tonnes dont les deux tiers sont dédiés à l'exportation. Mais le visa de sortie vers les plateformes de la grande distribution exige des mensurations parfaites, un calibre ni trop grand, ni trop petit, et une écorce esthétiquement irréprochable, sans la moindre écorchure. Environ 10% des clémentines, mais également des pomelos (dont la variété endémique est récoltée à raison de 4.000 tonnes par an dans des vergers voisins) ne répondent pas aux canons marketing de la beauté.

Résultat, elles sont, pour une grande part, récupérées par des associations caritatives et d'aide alimentaire. Mais, chaque année, la déperdition augmentait avec la production. Ce n'est plus le cas. Trois grandes stations agrumicoles regroupant 70 producteurs (Fruticor, Casinca, Santa Lucia) pilotées par le Groupement d'intérêt économique GIE Corsica Comptoir ont réalisé un vieux rêve : créer une unité de transformation des agrumes dans la commune balnéaire de San Nicolao de Moriani, à 40 km au sud de Bastia. Elle vient tout juste d'être inaugurée, et c'est la toute première du genre en France.

L'État et la Collectivité de Corse en renfort

Les 800 hectares de terre agrumicole mobilisés par la fabrique de jus de fruits produisent 10.000 tonnes de clémentines et 2.000 tonnes de pomelos.

« Au total ce sont 1.500 tonnes bannies du réseau commercial qui passent par notre unité. Au bout de la chaîne, nous pourrons extraire 400.000 litres de jus de clémentine et 200.000 litres de jus de pomelos. Pour 2024, nous tablons sur un total de 900.000 litres. Ainsi, nos récoltes sont pleinement optimisées car il n'y aura plus aucun gaspillage de nos agrumes » se réjouit François-Xavier Ceccoli, président du GIE Corsica Comptoir.

Le bâtiment de Fruticor, qui abrite les installations, s'étire sur 2.600 m2. Sur un investissement global de 7 millions d'euros, 2,7 millions d'euros proviennent de l'État - dans le cadre du plan France Relance - et de l'Office de développement agricole c'est-à-dire de la Collectivité de Corse. Les fruits sont effeuillés, triés, lavés et pressés avant de passer par un tamis de filtration intégré pour obtenir un jus plus pour et qui n'a rien perdu de ses vertus d'origine pur finir leur course dans des cuves de refroidissement.

La mise en fûts se fait à très basse température pour une conservation optimale sur plusieurs mois. Si, pour la Corse c'est une belle innovation, au plan national, c'est une primeur : « C'est la première unité de transformation des agrumes sur le sol français » a tenu à souligner le préfet de Haute-Corse, Michel Prosic, à l'occasion de la cérémonie d'inauguration à laquelle était également présent le cardinal fraîchement créé au Vatican, Mgr Bustillo, qui avait apporté, pour sa part, les fruits de la Foi...

« Les mentalités ont évolué »

Dans un premier temps, le jus de fruits est vendu à quelques entreprises corses et continentales spécialisées dans ce secteur, dont une PME en Alsace. Actuellement, une majorité fait presser leurs fruits... en Autriche.

« Non seulement nous contribuons à réduire l'indépendance alimentaire de la Corse et à favoriser les circuits courts, mais cet équipement a été réalisé dans le strict respect des normes de sécurité, d'hygiène et d'environnement. Il témoigne surtout de l'évolution des mentalités. Les agrumiculteurs ne font plus cavalier seul. Ils savent s'unir pour apporter de la valeur ajoutée à cette terre et conquérir de nouveaux marchés. »

François-Xavier Ciccoli explique que l'extraction de jus de clémentines et de pomelos n'est qu'une première étape. Il se projette, en quelque sorte, dans la « pulpe » fiction : à court terme, le panel des fruits est prévu pour s'élargir aux pêches, aux pommes, aux fraises... Le site va être prochainement doté d'une ligne d'embouteillage afin de permettre la vente directe sous une marque qui est encore à définir. En attendant, une centrifugeuse est dédiée à l'extraction d'huile essentielle - grâce à sa haute teneur en minéraux et antioxydants, la clémentine corse est une précieuse alliée pour les soins corporels - à destination de la confection de cosmétiques et de produits de beauté, une filière florissante dans l'île...

La création de cette unité de transformation d'agrumes a, par ailleurs, permis de créer quinze emplois qualifiés. La Corse, ce n'est peut-être pas le paradis, mais les fruits y sont bien défendus.

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Commentaire 1
à écrit le 03/11/2023 à 13:20
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J'avais lu cette info y a plus d'un an (deux ?), ça a l'avantage de ne plus perdre les fruits non "vendables", et c'est traité localement. J'ai été surpris, mais ça simplifie le travail de caisse en Corse, que les pomelos locaux sont au prix de ceux...

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