Crise agricole : le gouvernement s'attaque à l'application des lois Egalim dans la restauration collective

Dans l'espoir d'augmenter les approvisionnements durables et de qualité de la restauration publique comme privée, le gouvernement lance mardi une « Conférence des solutions » réunissant tous les acteurs concernés. L'objectif: mieux partager les outils et les bonnes pratiques, pour faire connaître les enjeux et lever les obstacles économiques et logistiques.
Giulietta Gamberini
« Le paradigme du prix du repas compris entre 2 et 3 euros par jour et par convive n'est plus tenable. Tant qu'on ne fera pas éclater ce plafond de verre, on ne pourra pas atteindre les objectifs d'Egalim », reconnaît le gouvernement.
« Le paradigme du prix du repas compris entre 2 et 3 euros par jour et par convive n'est plus tenable. Tant qu'on ne fera pas éclater ce plafond de verre, on ne pourra pas atteindre les objectifs d'Egalim », reconnaît le gouvernement. (Crédits : Reuters)

L'enjeu a été soulevé à plusieurs reprises dans le cadre du mouvement agricole qui, depuis janvier, agite la France. Alors que selon la première des lois Egalim, adoptée en 2018, la restauration collective publique devrait, depuis le 1er janvier 2022, acheter au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits biologiques, ces objectifs sont encore loin d'être atteints.

Et ce, alors même qu'ils ont été renforcés par la loi Climat et résilience de 2021: ainsi, à partir du 1er janvier 2024, ces contraintes ont été étendues aux restaurants des entreprises privées. En matière de viandes et de poissons, les taux obligatoires de produits durables et de qualité ont par ailleurs été relevés à 60 %, et à 100% pour les restaurants collectifs de l'État.

Un levier de demande essentiel

Au-delà des enjeux de santé publique et de justice sociale, la raison d'être de ces obligations était aussi de soutenir l'agriculture française, dont la « montée en gamme » était prêchée par le président de la République lors de son premier mandat comme modèle de compétitivité à privilégier. La restauration collective, publique comme privée, constitue en effet un levier de demande essentiel afin de soutenir et structurer dans la durée les filières, ne cessent de souligner les agriculteurs.  Les seules cantines de l'Etat  représentent 400 millions de repas par an.

Lire: Restauration collective : une piste de débouché pour l'agriculture biologique ?

Dans l'espoir de relancer la machine, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Marc Fesneau, et sa ministre déléguée, Agnès Pannier-Runacher, lancent donc ce mardi 2 avril une « Conférence des solutions de la restauration collective », réunissant l'ensemble des acteurs du secteur. Afin de souligner l'implication du gouvernement, deux autres ministres y assisteront:  Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.

« Une politique volontariste d'accompagnement »

Le premier défi à relever est celui de mieux faire connaître ces obligations à tous les acteurs concernés, explique le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (Masa). La plateforme de l'État « ma cantine », qui vise justement à les faire connaître, n'est en effet que très peu utilisée: seuls 5.000 sites, sur 80.000, y remplissent correctement leurs données d'approvisionnement, a récemment calculé le gouvernement.

« Certains acteurs ne sont même pas au courant des obligations de la loi », affirme le Masa qui, pour cette raison, préfère à ce stade déployer « une politique volontariste d'accompagnement » plutôt que des sanctions.

Le principal obstacle est toutefois économique.

« Le paradigme du prix du repas compris entre 2 et 3 euros par jour et par convive n'est plus tenable. Tant qu'on ne fera pas éclater ce plafond de verre, on ne pourra pas atteindre les objectifs d'Egalim », reconnaît le gouvernement.

Pour dépasser les objectifs d'Egalim, l'Economat des armées a ainsi presque doublé le coût de ses repas, en les portant à 4-4,5 euros, précise le Masa.

Les difficultés sont aussi d'ordre juridique ou logistique. Dans un courrier envoyé en février au Premier ministre, l'association Régions de France et l'Association des départements de France ont par exemple demandé la pleine autorité sur les achats alimentaires dans les collèges et les lycées. Ils y déploraient un partage de compétences entravant l'atteinte des objectifs d'Egalim: en effet, alors que les départements et les régions financent la restauration scolaire dans les cantines dans le secondaire, c'est l'Education nationale qui gère les stocks et pilote les achats.

Une réflexion particulière dans le secteur médico-social

Face à ces difficultés, le gouvernement mise pour le moment surtout sur le « partage des bonnes pratiques ».  Lors de la « Conférence des solutions », sera ainsi notamment rappelée l'existence de la tarification sociale, permettant aux communes rurales de mettre en place la cantine à 1 euro pour les familles les plus démunies, grâce à une aide de 3 euros par repas apportée par l'Etat.

Deux groupes de travail seront aussi lancés. Un premier, visera à mobiliser  les principales sociétés de restauration collective et des entreprises - dont certaines « ont déjà manifesté un vif intérêt ». Il doit aboutir à la signature d'une « charte ».

Un deuxième, mené sous l'égide du Conseil national de restauration collective (CNRC), sera consacré au milieu médico-social, caractérisé par des contraintes particulières. Il pourra s'inspirer de bonnes pratiques telles que le projet « Repas à l'hôpital » lancé en 2018 par le député Frédéric Descrozailles. Testé seulement dans trois hôpitaux, il mériterait d'être « déployé de manière plus large », selon le Masa.

Quant au problème particulier des collège et lycée, le ministère de l'Agriculture suggère un « travail rapproché entre régions et directeurs d'établissement », avant de remettre en cause le périmètre d'attributions entre les établissements publics d'enseignement et les régions, de compétence du ministère de l'Education nationale.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 02/04/2024 à 12:57
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"acheter au moins 50% de produits durables" c'est quoi le 'durable' ? Qui pousse lentement ? Bio, on comprendra mais 'durable' ? HVE (Haute valeur environnementale) ? Local ou de proximité ? De saison ? Un appareil, durable, on imagine une grande lon...

à écrit le 02/04/2024 à 7:49
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Encore un grenelle ecocitoyen reenchante dont le haut comité bienveillant constatera que le local coute bcp plus cher donc il faut un chèque cantine pour ceux qui n'en n'ont pas les moyens , eux, et une obligation de payer la cantine pour ceux qui ...

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