L'explosion du nombre de déplacés dans le monde, l'autre effet de la crise alimentaire mondiale (HCR)

Avec la guerre en Ukraine, le monde compte près de 100 millions de personnes déplacées (42 millions en 2012) pour cause de persécutions et de violences. Mais une autre raison de fuir est la faim. Le rapport publié ce jeudi par le HCR, l'agence de l'ONU dédiée à la protection des réfugiés, met en garde contre les conséquences de la hausse des prix des céréales liée au blocage des ports ukrainiens par l'armée russe. Et dénonce aussi une flagrante inégalité de traitement entre les réfugiés venus d'Ukraine et ceux issus du Moyen-Orient ou d'Afrique.
Le Haut commissaire aux réfugiés Filippo Grandi a critiqué ce qu'il a appelé un monopole des ressources accordées à l'Ukraine alors que d'autres programmes d'aide aux déplacés sont sous-financés. (Photo d'illustration: arrivée de réfugiés ukrainien à Berlin en mars 2022.)
Le Haut commissaire aux réfugiés Filippo Grandi a critiqué ce qu'il a appelé un "monopole" des ressources accordées à l'Ukraine alors que d'autres programmes d'aide aux déplacés sont sous-financés. (Photo d'illustration: arrivée de réfugiés ukrainien à Berlin en mars 2022.) (Crédits : Reuters)

Si le monde n'arrive pas à juguler la grave crise alimentaire provoquée par la Russie, le record de 100 millions de personnes déracinées risque d'augmenter considérablement, a prévenu en substance le Haut Commissaire aux réfugiés de l'ONU.

Filippo Grandi présentait ce jeudi matin la publication d'un rapport du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur les conséquences des pénuries de nourriture directement liée à la guerre en Ukraine. Selon cette antenne de l'ONU basée à Genève, la crise alimentaire mondiale, qui débute seulement, va pousser davantage de personnes à fuir leurs foyers dans les pays pauvres, alors que le nombre de déplacés ne cesse de croître à toute vitesse dans le monde.

Avec l'Ukraine, la barre des 100 millions de personnes déplacées dans le monde a été franchie

De fait, le rapport du HCR commence par dresser l'état de la situation: à la fin de l'année 2021, cette antenne des Nations Unies avait recensé quelque 89,3 millions de personnes qui ont été déplacées de force dans le monde en raison de persécutions, de conflits, d'abus et de violences. Depuis lors, des millions d'autres personnes ont fui l'Ukraine ou ont été déplacées à l'intérieur même de ses frontières.

Globalement, le nombre de personnes déplacées a augmenté chaque année au cours de la dernière décennie, selon le rapport du HCR. Il représente désormais plus du double des 42,7 millions de personnes déplacées en 2012.

Mais l'invasion par la Russie a jeté entre 12 et 14 millions d'Ukrainiens sur les routes pour chercher refuge ailleurs dans leur pays ou à l'étranger. Un flot humain qui pour la première fois a fait franchir, au mois de mai, la barre de 100 millions de déracinés dans le monde.

La faim, autre raison de fuir son pays

Mais outre les persécutions et les violences, une autre raison de fuir son pays est la faim. Le rapport du HCR en explique que la hausse des prix liée au blocage des exportations de céréales depuis l'Ukraine à cause du blocage des ports de la Mer Noire par l'armée russe va provoquer par effet domino d'autres déplacements ailleurs dans le monde. La guerre menée par les Russes prive le monde de céréales et d'engrais, fait flamber les prix et menace de faim des millions de gens dans le monde.

Quarante-cinq pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d'Ukraine ou de Russie et 18 de ces pays en importent au moins 50%. "Les prix des céréales ont déjà dépassé ceux du début du printemps arabe et des émeutes de la faim de 2007-2008", avertissait en mars l'ONU.

Des "chiffres stupéfiants"

"Si vous avez une crise alimentaire en plus de tout ce que j'ai décrit - guerre, droits de l'homme, climat - cela ne fera qu'accélérer les tendances que j'ai exposées dans ce rapport", a déclaré aux journalistes Filippo Grandi, le haut commissaire aux réfugiés, décrivant des chiffres "stupéfiants".

Et d'ajouter:

"L'impact, si ce n'est pas résolu rapidement, sera dévastateur", alerte M. Grandi, avant de se reprendre: "Il est déjà dévastateur".

Ukraine, Éthiopie, Corne de l'Afrique...  une générosité à deux vitesses

Actuellement, explique-t-il aussi, dans la région du Sahel, en Afrique, de plus en plus de personnes décident déjà de quitter leurs foyers en raison de la hausse des prix et des insurrections violentes.

Filippo Grandi a notamment critiqué ce qu'il a appelé un "monopole" des ressources accordées à l'Ukraine alors que d'autres programmes d'aide aux déplacés sont sous-financés.

"L'Ukraine ne doit pas nous faire oublier d'autres crises", a-t-il déclaré, mentionnant le conflit éthiopien, vieux de deux ans, et la sécheresse dans la Corne de l'Afrique.

La réponse de l'Union européenne aux flux de réfugiés a été "inégale", a ajouté Filippo Grandi.

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Il a comparé les querelles entre Etats qui se renvoient la balle pour éviter d'accueillir sur leur sol de petits groupes de migrants traversant la Méditerranée en bateau à la générosité des pays de l'UE envers les réfugiés ukrainiens depuis le début de l'invasion russe en février.

"Cela prouve certainement un point important: répondre aux afflux de réfugiés, à l'arrivée de personnes désespérées sur les côtes ou aux frontières des pays riches n'est pas ingérable", a-t-il dit.

Près de 90% des réfugiés accueillis par... des pays en développement

Ce rapport enseigne également que les deux tiers des personnes déplacées dans le monde en 2020 (réfugiés, demandeurs d'asile, « déracinés internes») sont originaires de cinq pays à faible revenus ou dit à revenus intermédiaires : la Syrie, le Venezuela, l'Afghanistan, le Soudan du Sud et le Myanmar.

"Du côté de l'accueil, presque neuf réfugiés sur 10 (soit 86%) - sont accueillis dans les pays voisins des zones de crise et les pays à revenu faible et intermédiaire. Les pays les moins développés ont accordé l'asile à 27% du total", explique l'ONU.

Cette catastrophe en devenir occupe en ce moment même la conférence ministérielle de l'OMC, réunie à Genève, tout comme la session du Conseil des droits de l'homme et les plus hautes instances de l'ONU.

(avec Reuters et AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 17/06/2022 à 9:04
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Les intérêts privés ont toujours voulu faire place nette pour leurs exploitations et autres trafics! Et, cela ne va pas ralentir dans les années qui viennent!

à écrit le 16/06/2022 à 10:12
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Nous accueillons plus facilement les Ukrainiens plutôt que les populations du Maghréb ou du Moyen Orient, parce que ce sont de Chrétiens à la peau claire. Ils nous ressemblent, ce qui n'est pas le cas avec les populations majoritairement Musulmannes...

à écrit le 16/06/2022 à 9:39
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Les pays doivent avoir une souveraineté alimentaire qui existait il y a 50 ans pour la plupart et prendre exemple sur l'Inde qui en 3 générations a supprimer la faim par une révolution agricole, deuxième facteurs de faim dont personne ne parle l'expl...

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