Lunor fait peau neuve pour redonner la frite à la patate française

Le roi de la patate sous vide va construire une seconde usine en Seine-Maritime dans l’espoir de rapatrier, en France, une partie de la transformation des pommes de terre que les fabricants de frites belges et néerlandais nous achètent à prix d’or.
En perte de vitesse, Lunor a construit sa réputation sur la cuisson sous vide de la pomme de terre grenaille, un procédé révolutionnaire à son lancement dans les années 50.
En perte de vitesse, Lunor a construit sa réputation sur la cuisson sous vide de la pomme de terre grenaille, un procédé révolutionnaire à son lancement dans les années 50. (Crédits : DR)

Le spécialiste de la pomme de terre vapeur sous vide jette ses forces dans la bataille de la patate qui oppose la France à ses voisins des plats pays. Voilà, en effet, plusieurs années qu'une large partie de la production hexagonale de tubercules file chez les puissants fabricants belges et néerlandais de frites et de chips. Confrontés à un gros déficit de matière première(*), ces derniers déboursent de coquettes sommes pour mettre la main sur l'abondant gisement bleu, blanc, rouge.

Comme beaucoup de transformateurs français, Lunor dont l'outil industriel est vieillissant peine à s'aligner sur les tarifs pratiqués par les acteurs musculeux du Nord de l'Europe. « On est clairement en concurrence avec eux sur le sourcing », est bien obligé de constater Patrick Aps, directeur de la coopérative agricole normande Natup, sa maison mère. « Les pommes de terre cultivées en France sont transformées en Belgique et aux Pays-Bas et nous reviennent sous forme de frites », se désole en écho son président, Antoine Declercq.

Les chiffres accréditent son constat. Premier exportateur mondial de patates crues, notre pays accuse « un déficit commercial de 322 millions d'euros sur les produits transformés à base de pommes de terre », déplorait déjà il y a quelques mois le Haut commissariat au plan tout en invitant les industriels français de l'agro-alimentaire à revenir dans le jeu. Et de préférence sans tarder.

Vers une meilleure rétribution des patatiers

Message apparemment reçu 5 sur 5 chez Natup. Le groupe coopératif (1850 salariés - 1,6 milliard de chiffre d'affaires) s'apprête à engager 30 millions d'euros au profit de sa filiale. « C'est l'un des plus gros investissements que nous ayons jamais consenti », précisent ses dirigeants. L'enveloppe ira à la construction d'une seconde usine à Luneray en Seine-Maritime, au voisinage direct du site originel de Lunor (230 salariés aujourd'hui) bâti dans les années 50. Le futur établissement, que le groupe promet « ultra-performant et 4.0 », doit permettre de  « mieux rémunérer les producteurs » et, au passage, de relocaliser la valeur au plus près des champs.

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La mise en orbite de ce nouvel outil d'une capacité de 20.000 tonnes sera également l'occasion de mitonner de nouvelles recettes. Un passage obligé pour endiguer « l'érosion des ventes », renchérit l'équipe derrière Lunor. Star des fourneaux pendant les 30 glorieuses, la marque a perdu beaucoup de terrain ces dernières années, au point d'être passée tout près de la faillite avant sa reprise par la coopérative en 2013. Sa technologie de cuisson sous vide de la pomme de terre grenaille, révolutionnaire à son lancement dans les années 50, a pris quelques rides.  « On fait le constat que notre produit a vécu », admet Patrick Aps sans détour. Les procédés vont donc évoluer.

Spécialité historique de Lunor, la stérilisation est appelée à décroître pour laisser place à la pasteurisation plus adaptée à la réalisation de gratins, purées et autres plats cuisinés que Natup aimerait voir inscrits au menu. « La DLC (date limite de consommation ndlr) sera plus courte d'environ trois mois mais les produits auront davantage de goût », souligne Antoine Declercq.

Le groupe espère, grâce à cette conversion, reconquérir une nouvelle clientèle et en particulier celle des cantines de plus en plus friandes d'aliments locaux. Manifestement confiants dans cette stratégie, les dirigeants de la coopérative tablent sur la mise en orbite d'une première ligne de production en 2025 mais indiquent réserver des espaces pour « une deuxième voire une troisième ligne ». La patate française n'a peut-être pas dit son dernier mot.

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(*)En 2023, il a manqué 5.000 hectares de cultures de pommes de terre à la Belgique et 10.000 aux Pays-Bas.

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Commentaires 3
à écrit le 16/12/2023 à 9:09
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Bien plus facile de faire une pomme de terre à bouillir qu'à frire. Pour ma part je n'ai jamais réussi de frites avec des pommes de terre du commerce, par contre avec les miennes je ne les jamais raté les frites. Et nous avons un produit dont la diff...

le 16/12/2023 à 13:23
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@ Dossier 51 - Entre une "patate" industrielle et une "patate" du jardin...Ya pas photo! A bouillir, d'une "patate" industrielle il reste de la bouillie avec un goût de "flotte"😃

le 17/12/2023 à 11:49
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Mais la pomme de terre (attention la "patate" est un autre légume, la patate douce qui a un autre goût,) du commerce arrive encore à se tenir bouillie, frite elle est insauvable. Et franchement c'est tellement facile à faire pousser des pomme de terr...

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