PAC : le gouvernement tranche, les paysans se déchirent

En réaction aux annonces du ministre de l’Agriculture ce vendredi sur la mouture française de la prochaine Politique agricole commune (PAC), plusieurs organisations ont quitté la conférence, dénonçant un « statu quo » qui « ne répond pas à l’urgence environnementale ». En cause, entre autres, des mécanismes d’éco-régimes qui ne sont pas jugés assez ambitieux et une baisse anticipée des aides à l’agriculture biologique. Des accusations infondées, répond Julien Denormandie, qui s’est défendu de tout immobilisme, et a déploré une organisation théâtrale.
Marine Godelier
Avec ses 386 milliards d'euros de budget, la PAC orientera bon nombre des conditions de leur exploitation - des revenus perçus à l'évolution des pratiques agricoles.

La rupture était prévisible, tant les désaccords se creusaient depuis plusieurs semaines sur l'élaboration du Plan Stratégique National (PSN), déclinaison française de la future PAC pour 2023-2027. Alors que le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, a présenté ce matin ses arbitrages concernant la répartition de ces aides européennes, plusieurs organisations ont « claqué la porte » de la visioconférence, en signe de leur désapprobation. Parmi elles, la Confédération paysanne, la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab), France Nature Environnement ou encore le WWF France.

« On a un sentiment de renoncement, de statu quo qui ne répond pas à l'urgence environnementale », a ainsi déploré Matthieu Courgeau, président du collectif « Pour une autre PAC », qui réunit toutes ces organisations.

Lire aussi 6 mnLes tensions montent d'un cran sur les contours de la future PAC

En réaction, Julien Denormandie s'est défendu de tout « immobilisme » lors de sa présentation à la presse, et déploré leur attitude - préférant mettre en avant une recherche de « stabilité ». « Manifestement, c'était une décision organisée entre eux avant même d'avoir connaissance de mes arbitrages [...] Le débat politique meurt du simplisme », a-t-il avancé, évoquant une « organisation théâtrale pré-programmée ».

Des éco-régimes qui se veulent accessibles

Au cœur des dissensions se trouvent les fameux « éco-régimes », un nouveau mécanisme d'éco-conditionnalité des aides pour les agriculteurs. Une partie d'entre eux, notamment ceux du syndicat majoritaire la FNSEA, s'inquiètent de voir des subventions précieuses leur échapper du fait d'un manque d'avancées environnementales. A ce titre, ils demandent un dispositif « inclusif ». En revanche, d'autres exigent un modèle ambitieux et progressif, de manière à inciter les exploitants à plus de « verdissement ». Sans surprise, Julien Denormandie compte tendre vers la première option : « On se doit d'en faire un élément inclusif et simple, accessible à tous », a-t-il déclaré.

Une inconnue subsiste cependant : le ministre n'a pas déterminé le pourcentage de l'aide du premier pilier de la PAC (qui concerne celles allouées directement aux agriculteurs pour leur assurer un revenu minimum) alloué à ces éco régimes - le trilogue européen qui doit en déterminer le cadre général n'ayant pas encore statué sur ce point. « Cela pourrait être 20, 25, 30%... », a ainsi déclaré Julien Denormandie, en précisant que la décision devrait arriver la semaine prochaine. « On demande que la France s'autorise à aller au-delà du minimum européen, et monte jusqu'à 30 ou 40%. Le budget doit être suffisamment haut pour être incitatif », a réagi l'association France Nature Environnement.

AB et HVE seront alignés

Surtout, les organisations réunies dans le collectif « Pour une autre PAC » s'opposent à la voie d'accès aux aides par certifications. Concrètement, l'éco-régime permettra une entrée à un niveau d'aide supérieur, avec un alignement des labels Agriculture Biologique et Haute Valeur Environnementale 3 (HVE3) - ce dernier étant moins exigeant, donc moins contraignant. Et ce, alors que l'aide au maintien à destination des producteurs bio sera supprimée, dénoncent les syndicats.

« Ce matin lors du CSO, le ministre confirme qu'il va aligner les aides à la Bio sur les aides à la HVE, et l'arbitrage de 70 euros par hectare annoncé par le cabinet n'est pas remis en question ; ça veut dire 66% d'aides en moins pour les Bio, une perte moyenne de 132 euros par hectare et par an ! », a immédiatement dénoncé la FNAB. Et Loic Madeline, secrétaire national PAC à la FNAB, d'ajouter : « le gouvernement nous a toujours dit que jamais nous ne serions mis au même niveau que la HVE. Notre seule erreur a été d'y croire et de jouer le jeu de la négociation, pas celui de l'opposition. Cet arbitrage est une insulte aux agriculteurs et agricultrices bio ».

Lire aussi 6 mnMacron veut frapper fort contre l'agriculture étrangère low-cost

Mais pour Julien Denormandie, « cette guerre fratricide entre bio et HVE est un non-sens », alors même que les aides pour la Bio augmenteront, passant de 250 millions d'euros par an à 340 millions, a-t-il affirmé, réfutant les chiffres de la FNAB. « Certains voulaient plus, [...] mais personne ce matin n'a réussi à me montrer comment le financer de manière viable », a-t-il asséné. « Cela fait six mois qu'on travaille avec la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) sur des propositions concrètes, crédibles, dans des budgets qui tiennent dans ce qui est proposé par l'Union européenne ! », a réagi Loïc Madeline.

Marine Godelier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 23/05/2021 à 9:31
Signaler
politique pour les riches ! encore une fois sans surprise !.. en FRANCE il avait que la droite qui savait protéger ses agriculteurs

à écrit le 23/05/2021 à 0:03
Signaler
Les agriculteurs bio en phase avec la transition énergétique st encore minoritaire ds le pays et ne st pas des macronistes convaincus, plutôt EELV, voire gauche militante. Par contre, les syndiqués FNSEA formant le gros de la troupe, votent en gde ma...

à écrit le 22/05/2021 à 13:10
Signaler
quand je vois qu'ils nous disent gagner moins que le SMIG mais partent en retraite avec un tres gros patrimoine je pense qu'ils sont surtout devenus chasseurs de primes!!!! quand aux petits agriculteurs qui ne peuvent s'installer c'est bien souvent a...

à écrit le 21/05/2021 à 20:07
Signaler
Les aides sont proportionnelles à la surface agricole. Ce sont les agriculteurs les plus riches qui touchent le plus d'aides. Et nos élites ne cessent de nous parler du pognon de dingue versé aux K Soc.

à écrit le 21/05/2021 à 18:40
Signaler
La PAC c'est donner de l'argent à l'UE pour qu'elle donne une partie aux agriculteurs en leurs imposant des conditions de travail. C'est très tordu quand même comme système.

le 22/05/2021 à 5:00
Signaler
Tout est tordu dans cette organisation. Il serait temps d'ouvrir les yeux apres plus de vingt annees.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.