Réchauffement climatique : le Centre-Val de Loire change de cépages pour combler les "millions d'euros" de pertes

Dossier. Sous l’effet du réchauffement climatique qui modifie sensiblement la culture de la vigne sur l’axe ligérien, de Nantes à Pouilly sur Loire, les viticulteurs tentent de s’adapter. Quitte à redonner vie à des cépages oubliés et à introduire dans le Val de Loire des raisins du sud de l’Hexagone.
Les vignobles du Val de Loire et du Centre, ici à Saint-Nicolas de Bourgeuil en Touraine, constituent la 3e région viticole française avec trois millions d’hectolitres d’AOC et d’IGP produits en moyenne par an et 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires  réalisé en 2019.
Les vignobles du Val de Loire et du Centre, ici à Saint-Nicolas de Bourgeuil en Touraine, constituent la 3e région viticole française avec trois millions d’hectolitres d’AOC et d’IGP produits en moyenne par an et 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires réalisé en 2019. (Crédits : Reuters)

Menu-pineau, meslier Saint François, genouillet et fié gris : autant de cépages anciens du Val de Loire, presque disparus du paysage viticole, qui ont ressurgi depuis quelques années. Avec une floraison et un débourrement (la période d'ouverture des bourgeons) en général plus tardifs, ils sont mieux armés que les cépages locaux, cabernet franc et Gamay pour les vins rouges, sauvignon et chenin en blancs, pour gommer les effets du réchauffement climatique.

Après les printemps particulièrement doux constatés depuis 2015, les périodes de gel qui leur ont systématiquement succédé en avril ont largement réduit, voire détruit entièrement, les récoltes.

Lionel Gausseaume, viticulteur de l'appellation Touraine à Chessy en Loire et Cher, a ainsi introduit du meslier Saint François et du menu-pineau sur son exploitation composée à 70% de sauvignon. Maximilien de la Chaise, à la tête d'un domaine de 12 hectares à Quincy dans le Cher, a lui remis au goût du jour le cépage genouillet et escompte réaliser à terme un apéritif à bulles.

Implantation de cépages sudistes

Ce changement de matériel végétal, avec de nouveaux porte-greffes (la partie enterrée des ceps de vigne), se traduit également par l'introduction en Val de Loire  de cépages méridionaux, syrah et viognier notamment. Les fréquentes sécheresses constatées depuis cinq ans engendrent un phénomène de mûrissement prématuré de certains raisins. A la clé, le pourrissement d'une partie des récoltes avec des fruits confits et donc inutilisables.

A contrario, le gel fréquent peut empêcher notamment le cabernet franc d'arriver à son terme. Pour tenir compte du climat, Christophe Réthoré, viticulteur à Saint-Rémy de Mauges dans le Maine et Loire, a planté un hectare de syrah qui, ajouté au cabernet, produit des vins d'Anjou rouges plus tanniques. Côté blancs, ses deux hectares de viognier améliorent le nez floral des sauvignon en l'agrémentant de notes d'abricot.

Conséquences économiques

Le réchauffement climatique, qui génère un phénomène de pénurie d'eau - le stress hydrique - a également un impact sur la structure même des vins du Val de Loire. En perturbant le cycle végétatif et la maturation de la vigne, Il provoque à la fois un taux d'alcool plus élevé (jusqu'à 14°) et une acidité plus faible du raisin. A la clé, un impact sensible sur l'équilibre aromatique et le goût. Enfin, la date des vendanges est systématiquement avancée sur le territoire depuis cinq ans.

« Elle a lieu fin août au lieu de mi-septembre, constate Marie Gasnier, directrice de la prospective au sein d'Interloire, l'organisme regroupant les 31 appellations d'origine contrôlée du Pays nantais, de l'Anjou, du Saumurois et de la Touraine. Cette précocité entraîne des modifications structurelles dans la chaîne de production toute entière ».

Conjuguées, les conséquences de la modification du climat sont redoutables pour l'économie de la filière en Val de Loire. Exemple frappant, depuis 2016, le rendement à l'hectare a diminué en moyenne de 60% sur la plupart des appellations d'Interloire, passant de 50 hectolitres par hectares à 20. Avec une production habituelle de deux millions d'hectolitres d'AOC par an, le manque à gagner se chiffre en dizaine de millions d'euros pour la partie ouest de la filière.

Le constat est identique sur le versant septentrional de la Loire répartis en huit appellations, de Chateaumeillant à Sancerre,  qui produisent 310.000 hectolitres d'AOC les années de calme climatique

« Ainsi en 2021, la récolte a baissé de 50% en moyenne en raison essentiellement du gel, note Fabrice Dousset, directeur de Sicavac, le laboratoire œnologique du Bureau interprofessionnel des vins du centre (BIVC). Conséquences, une perte sèche de trésorerie et de clients, car les stocks des années précédentes ne permettront pas d'attendre le millésime 2022 ».

Nécessité d'adaptation des viticulteurs

Les premières préconisations du programme Climenvi, lancé en 2018 par la Chambre d'agriculture du Centre-Val de Loire pour élaborer une stratégie régionale d'adaptation de la viticulture au changement climatique et développer des outils de formation et de conseil, ont été rendues en juillet.

Elles confirment d'une part la nécessité d'introduire marginalement sur le terroir de nouvelles espèces végétales. La nouvelle politique viticole ligérienne s'articulera par ailleurs autour de deux autres axes. La cartographie précise des quelque 57.000 hectares des AOC d'Interloire devrait être ainsi achevée en 2022. Objectif, mieux connaître les sols, et leur évolution due au climat, pour réaliser les adaptations nécessaires sur les plants. De nouvelles pratiques dans la taille des ceps seront expérimentées dès l'année prochaine.

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