Au Maroc, l’équipementier Plastic Omnium jongle entre l’ancien et le nouveau monde automobile

L’équipementier Plastic Omnium possède trois usines au Maroc, le grand pays de l’automobile. Deux d’entre elles fabriquent des réservoirs à essence et des pièces de carrosserie. La dernière est la nouvelle acquisition du groupe : l’éclairage. Une expansion qui permet d’amorcer le virage vers l’électrique et les nouveaux enjeux de l’industrie automobile. Reportage au coeur de ces vitrines de la transition.
Renault a été le premier à construire de bout en bout une usine automobile au Maroc en 2007.
Renault a été le premier à construire de bout en bout une usine automobile au Maroc en 2007. (Crédits : Reuters)

C'est au milieu de ces étendues arides, bordées de palmiers et d'éoliennes, que Plastic Omnium expérimente une transition : celle de l'ancien monde automobile du moteur thermique vers celui de l'électrique. L'équipementier a choisi Tanger au Maroc pour installer deux usines situées à quelques kilomètres l'une de l'autre. La première produit des réservoirs à essence pour Renault et Stellantis depuis 2010. La seconde, sortie de terre en 2018, fabrique des feux de voiture.

Dans la première zone franche du pays, l'usine de réservoirs à essence fait figure de résistance. À l'heure où de nombreux équipementiers abandonnent progressivement leur production, Plastic Omnium a choisi de continuer à pleine puissance sur ce marché.

« Nous allons compenser la baisse de la demande par une augmentation des parts de marché. L'objectif est de bénéficier de notre position de leader pour augmenter nos parts de marché, de 22 % aujourd'hui à 30 % en 2028 », rassure Laurent Favre, le directeur de l'entreprise, en amont de la visite d'usine.

À l'intérieur, le souffleur fait l'essentiel du travail, modulant l'énorme pièce à réservoir qui subira ensuite des tests d'étanchéité et de vérification. Sauf quelques tuyaux, ce réservoir est le même, d'une Dacia Sandero à une Peugeot 208. L'intérieur est confiné, presque étroit, et seulement une centaine de personnes produisent les quelque 460.000 réservoirs.

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L'éclairage devient la nouvelle mise des constructeurs

À deux pas, l'usine de production de feux de voiture, rachetée à l'entreprise Varroc en 2022, regroupe le futur de l'industrie automobile. Presque entièrement robotisée, elle possède 63 moulages de phares différents et produit 3 millions de pièces par an. Elle peut s'agrandir, mais préfère rester à une capacité en dessous des 100 %, nous dit-on, préférant investir dans l'agilité des machines afin de s'adapter aux besoins des clients. Diffusion de lumière selon l'environnement, projection sur le sol, design... Tout est motif à vendre plus cher.

« L'éclairage, c'est le nouveau facteur différenciant de l'électrique, puisque ce n'est plus sur le moteur que tout se joue. Désormais, le design a repris le pouvoir sur la mécanique », confirme Gérald Mentil, le directeur général de l'activité éclairage chez Plastic Omnium.

Dans l'usine, seul le bruit assourdissant des machines rappelle l'ancien monde. Mais la minutie, presque chirurgicale des opérateurs, à chaque poste de fabrication, et les multiples vérifications de conformité soulignent l'importance grandissante de ces nouvelles pièces.

« Aujourd'hui, la mode est au feu arrière unique avec une bande led qui éclaire aussi le logo. Ce type d'éclairage coûte deux à trois fois plus cher que les feux traditionnels », détaille Gérald Mentil. Ici, près de 800 personnes s'affairent autour de ce nouveau segment, soit 8 fois plus que dans l'usine de réservoir.

Des partenariats avec Tesla et BYD

Et demain, l'éclairage devrait aussi intégrer l'intelligence artificielle. Bientôt, il sera possible de projeter au sol ou dans la voiture tout type d'information que l'on souhaite, par sécurité ou par plaisir. L'autre avantage de ces nouvelles pièces réside dans la facilité d'exportation. L'usine de Tanger livre la majeure partie de ses phares aux usines européennes. Et bientôt, cette nouvelle diversification de l'équipementier lui permettra d'accélérer ses partenariats avec de nouveaux clients, à commencer par l'Américain Tesla. Ce dernier, avide de nouveautés, cherche surtout à fabriquer plus rapidement ses voitures, en imbriquant des blocs entiers les uns dans les autres, à la manière de gros Lego.

Pour cela, Tesla a demandé aux équipementiers de fabriquer les feux directement intégrés aux pare-chocs. « Nous sommes, à ce jour, parmi les deux derniers encore sur la table des négociations avec eux », affirme-t-on chez Plastic Omnium.

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Le groupe possède neuf autres usines d'éclairage, réparties partout dans le monde, dont une, stratégique est placée à Monterrey au Mexique, à côté des usines Tesla. Les feux de voiture devraient représenter autour de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour le groupe d'ici 2030. En plus de Tesla, Plastic Omnium travaille de plus en plus avec les marques chinoises comme MG, Nio, Link&Co ou le géant BYD même si « pour l'instant, il préfère fabriquer en interne la plupart de ses pièces », avoue Laurent Favre.

L'hydrogène, autre secteur de diversification de Plastic Omnium, devrait quant à lui atteindre les 3 milliards d'euros d'ici 7 ans. À eux deux, ces nouveaux segments fourniront un tiers du chiffre d'affaires du groupe en 2030. Surtout, si l'éclairage permet d'attirer de nouveaux constructeurs, l'hydrogène ouvre un tout nouveau marché : celui de la mobilité lourde. Une perspective essentielle pour le directeur général, pour qui l'avenir de la voiture semble scellé d'avance : « À mon avis, nous allons atteindre un plateau de production. »

Kénitra, le lien entre passé et futur

Mais la vache à lait de Plastic Omnium reste les pare-chocs. Dans la troisième usine de Plastic Omnium, à Kénitra, près de Rabat, les deux mondes automobiles se croisent. D'un côté sort la Peugeot 208, avec un moteur thermique et disponible en 210 modulations différentes. « Le modèle voulu est demandé 3 heures avant, selon le besoin du client », explique Mustapha Boulakhrif, le directeur technique de l'usine.

Une agilité qui contraste avec la partie opposée de l'usine, laquelle produit les Citroën Ami et l'Opel Rock-e ainsi que la Fiat Topolino, trois modèles quasiment identiques. Ces véhicules, tous montés comme des Legos, sont électriques, légers, peu modulables et limités à 50 km/h. Des modèles présentés selon plusieurs chercheurs comme le futur de la voiture électrique en ville.

Le groupe travaille également sur davantage d'intégration de la digitalisation et des systèmes de Radar longues distances (LIDAR) dans les pare-chocs afin de répondre aux demandes toujours plus importantes d'autonomisation des voitures.

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Cette usine de Kénitra pourrait bien grossir dans les années à venir, puisque Stellantis, qui possède une usine de production en face, a annoncé doubler sa capacité de production d'ici à 2030. Le Maroc a su attirer, au fil des années, toute l'industrie automobile grâce à sa proximité à l'Europe, sa compétitivité de main d'œuvre et son coût de l'énergie très bas. À l'avenir, le pays se rêve en leader mondial de l'automobile, et cherche à attirer Tesla et les gigafactories chinoises sur son territoire.

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