L'Allemagne ne tremble pas. Hier, les chiffres de la production industrielle du pays ont baissé de 1,5 % sur un mois, plombée par la chute de biens d'équipement de 3,9 % ainsi que celle de... l'automobile de 3,5 %. Or, l'industrie automobile représente 10 % du PIB du pays. Avec 24 usines d'assemblage de voitures, l'Allemagne se place loin sur le podium industriel devant ses concurrents européens que sont le Royaume-Uni avec 19 usines ainsi que la France qui n'en possède que 12.
L'Allemagne représente 23 % de la production européenne de voitures contre seulement 9 % pour la France, bien qu'elle ait perdu 5 points entre 2015 et 2019. Les chiffres de ce mois-ci sont pourtant loin d'effrayer les experts du secteur, estimant qu'il s'agit plutôt d'un effet conjoncturel.
Une production capable de mieux encaisser
Avec ses 3,7 millions de voitures produites en 2022, le pays est largement leader en Europe, devançant l'Espagne avec 2,2 millions produites et la France avec 1,4 million. Cette position sera sans nul doute conservée à l'avenir, car l'économie de la république fédérale possède une plus forte facilité à encaisser les chocs.
« L'Allemagne est le pays qui a le mieux résisté à la crise du Covid en Europe avec une baisse de production de 10 % contre 14 % pour la France », confirme le cabinet Roland Berger.
Lors de la crise des semi-conducteurs l'année dernière, elle a pu continuer de fabriquer et vendre ses modèles en augmentant ses prix plus facilement, tout en bénéficiant d'un large réseau et une image de marque encore très forte. Et le fait que les voitures allemandes sont des modèles plus haut de gamme que ceux produits en France est même un avantage, l'automobile étant un secteur où la compétition est plus faible en terme de prix, explique Roland Berger.
Effet saisonnalité
Enfin, les voitures premium sont également celles qui possèdent les marges constructeurs les plus élevées et il est plus facile de les réduire lors d'une baisse de la demande afin de continuer à produire le même volume de voitures. La baisse de ce mois-ci s'explique d'ailleurs par la saisonnalité de la production.
D'une part, l'été étant la période des congés, la main d'œuvre diminue et la cadence également. D'autre part, les constructeurs espèrent toute l'année le renouvellement des flottes automobiles, en particulier un changement vers les voitures électriques afin de remplir leurs quotas d'émissions imposés par l'Union européenne. Or, bien souvent, ils doivent produire davantage en fin d'année afin d'atteindre leurs objectifs de volume.
Autre effet possible qui peut être lié à ce recul : la diminution des ventes en Chine ou aux Etats-Unis des constructeurs allemands. Toutefois, cette baisse de la demande n'inquiète pas les analystes, estimant que les constructeurs allemands s'adapteront aux fluctuations du marché. La marque Volkswagen serait la plus touchée, car positionnée sur les segments des moyennes gammes, les plus concurrentiels sur les prix, mais aussi ceux qui ont le plus de parts de marché en Chine.
L'électrique ne changera pas la donne
Le virage vers l'électrique ne semble pas non plus inquiéter la production industrielle allemande. D'ailleurs, le milliardaire Elon Musk a choisi Berlin pour implanter sa gigafactory en 2019, après la bataille acharnée des pays européens pour accueillir le plus gros site de fabrication de Tesla en Europe. En juillet dernier, la marque californienne a annoncé déposer une demande d'autorisation afin de doubler sa capacité de production, passant ainsi de 500.000 véhicules par an à 1 million.
Sur 2022-2030, les prévisions des cabinets de conseil voient la production allemande croître de 5,2 %, un rythme nettement supérieur à la moyenne européenne prévue, de 1,6 %. Elle sera principalement dominée par le constructeur américain qui devrait représenter 65 % de la production allemande additionnelle en 2030 par rapport à 2022. L'Allemagne devrait même dépasser la part de la production européenne qu'elle avait en 2015 d'ici à 2030 pour atteindre 30 %, soit un gain de 7 points en 8 ans, selon le cabinet Roland Berger.
Preuve en est que l'industrie allemande ne faiblit pas, le géant taïwanais TSMC a annoncé cette semaine qu'il prévoit d'installer sa première usine européenne outre Rhin. Cette usine permettra d'approvisionner l'Europe en semi-conducteurs, principalement pour l'industrie automobile.
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