Comment Volkswagen compte se relancer aux Etats-Unis

La marque automobile allemande a décidé de repartir à l'offensive sur le marché américain avec un ambitieux programme de SUV. Elle cherche à tourner la page de plusieurs années de pertes, et d'échecs commerciaux, mais également à faire oublier l'affaire des moteurs truqués qui a durablement entaché sa marque.
Nabil Bourassi
Avec l'Atlas, Volkswagen espère reconquérir le marché automobile américain avec un SUV 7 places plus adapté que le Tiguan à ce marché friand de gros 4X4.

Volkswagen ne lâche pas le morceau ! L'affaire des moteurs truqués n'aura pas poussé la marque automobile allemande à battre en retraite sur le marché américain. Bien au contraire, elle est bien décidée à y consolider son implantation, et ambitionne même de devenir enfin rentable. Volkswagen vient d'annoncer qu'elle allait redoubler d'efforts dans la zone Amériques dans les années à venir, notamment aux Etats-Unis. Cette offensive se traduira notamment par le lancement de pas moins de 19 nouveaux modèles SUV d'ici 2020 sur les deux continents américains, contre deux actuellement.

Un Atlas plutôt qu'un Tiguan

Au salon de Los Angeles qui a ouvert mi-novembre, Volkswagen a présenté un grand SUV 7 places, censé coller aux attentes du marché américain. L'Atlas n'est d'ailleurs pas prévu en Europe. Et inversement, la marque a jugé prioritaire de se relancer aux Etats-Unis avec cet imposant SUV plutôt qu'avec le nouveau Tiguan.

"Le nouveau Tiguan est un produit importé qui risque d'être positionné dans une gamme de prix proche de l'Atlas qui lui, est produit sur place. De plus ce petit SUV ne correspond pas au segment de SUV le plus demandé aux Etats-Unis", explique Bertrand Rakoto, analyste automobile installé aux Etats-Unis.

La marque cherche également à se racheter une virginité dans un pays où sa réputation a été largement écornée par l'affaire des moteurs diesels truqués. C'est ainsi qu'elle a choisi Los Angeles pour lever le voile sur la e-Golf, sa nouvelle voiture 100% électrique. Volkswagen avait déjà indiqué vouloir mettre le paquet dans cette technologie, visant un volume de 25% de ses ventes mondiales à horizon 2025.

Une usine flambant neuve

Pour Volkswagen, cette offensive aux Etats-Unis est un véritable challenge. D'abord parce que cela fait des années que la marque s'enlise sur ce marché. La marque y a pourtant investi des fortunes, notamment dans une usine flambant neuve inaugurée en 2011 à Chattanooga (Tennessee), en complément de son site mexicain de Puebla. Sur les neuf premiers mois de l'année 2015, soit la période qui a précédé le scandale, Volkswagen n'y avait vendu que 264.200 voitures, soit deux fois moins qu'en Allemagne, et dix fois moins qu'en Chine. Sur un marché qui comptait alors aux alentours de 13 millions de voiture sur trois trimestres, Volkswagen ne pouvait qu'être déçu de plafonner à 2% du marché, lui qui a l'habitude de s'installer sur le podium de tête. "La marque Volkswagen a une part de marché équivalente à Subaru alors que sa gamme est beaucoup plus étendue", observe Bertrand Rakoto.

L'affaire des moteurs truqués n'a rien arrangé puisque les immatriculations ont baissé de 12,5% sur les trois premiers trimestres 2016. Impossible pourtant de renoncer au marché américain qui reste le deuxième marché mondial après la Chine. Ce serait également renoncer aux investissements consentis dans le pays. La seule usine de Chattanooga a coûté la bagatelle d'un milliard de dollars pour une capacité de 150.000 voitures par an, tandis que le développement de l'Atlas approche les 900 millions de dollars. Avant la crise, Volkswagen avait annoncé une enveloppe totale de 5,2 milliards de dollars pour le marché nord-américain entre 2014 et 2018 avec l'objectif de vendre à cette échéance près de 800.000 voitures.

Une Passat sous-équipée aux Etats-Unis ?

Volkswagen veut croire que son histoire n'est pas encore écrite sur ce marché réputé comme extrêmement concurrentiel et où l'allemand doit faire face à pléthore de marques américaines, japonaises ou sud-coréennes qui revendiquent également le statut de généraliste. Mais Volkswagen n'a jamais su calibrer son positionnement sur ce marché avec des produits adaptés. "Aux Etats-Unis, la Passat lancée par Volkswagen est une version agrandie de celle lancée en Europe, mais moins bien équipée. A l'inverse, ses principaux concurrents ont, au contraire, fait monter en gamme leur berline", illustre Bertrand Rakoto.

Ainsi, la Passat américaine coûte environ 10.000 euros moins cher que la version européenne. Cette stratégie est une véritable entrave au projet de "généraliste premium" que porte la marque en Europe. Il semblerait que Volkswagen soit surtout tombé dans le piège d'un antagonisme culturel qui avait, jadis coûté très cher à certains de ses compatriotes.

"La stratégie commerciale du monde entier a toujours été pilotée à Wolfsburg. Or, Il y a une vraie difficulté à faire cohabiter les cultures allemandes et américaines en matière automobile, on l'a vu dans les cas Chrysler-Mercedes et General Motors-Opel. Il aurait fallu que Volkswagen consente à nommer un exécutif local pour sa filiale américaine. Elle commence tout juste à le faire", souligne Bertrand Rakoto.

Une reconquête à long terme, mais une restructuration à court terme

Chez Volkswagen, on ne se fait aucune illusion. Herbert Diess, patron de la marque, a clairement reconnu que la reconquête du marché américain serait longue. Probablement dix ans aurait-il indiqué.

Ce marché ne peut toutefois pas être indéfiniment une source de pertes pour une marque qui est déjà le parent pauvre du groupe en termes de rentabilité. Au premier semestre, elle accusait déjà une marge autour de 3% seulement, contre près de 9% pour Audi, et plus de 5% pour Skoda. Même PSA, qui revient de loin, avait affiché une marge de plus de 5% au premier semestre. Il y a donc urgence pour Volkswagen à retrouver de meilleurs leviers de rentabilité. D'où les récentes annonces de restructurations qui devraient coûter entre 23 et 30.000 postes notamment en Allemagne...

Nabil Bourassi

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Commentaire 1
à écrit le 26/11/2016 à 10:58
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Le dieselgate a laissé des traces chez ce constructeur truqueur !

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