Le clivage se creuse en Europe entre les tenants d'une ligne dure et ceux qui défendent un sursis pour la voiture thermique. En juillet, la Commission européenne avait annoncé qu'elle soumettrait au Conseil de l'Europe une proposition d'interdiction de tous les moteurs thermiques en 2035, véhicules hybrides compris. Cette annonce avait été ressentie comme une gifle pour la France qui militait non seulement pour conserver l'échéance à 2040 mais aussi pour exclure les moteurs hybrides de cette interdiction. Cette annonce consacrait également le spectaculaire revirement de Berlin, jadis ardent défenseur des moteurs à combustion avant de devenir un partisan indéfectible de la voiture électrique.
Le Premier ministre Tchèque dénonce les "fanatiques verts"
Cinq mois plus tard, les langues se délient, et la ligne de démarcation se reconnaît assez facilement grâce à un dénominateur commun. D'un côté, les pays membres disposant d'une importante industrie automobile, Allemagne exceptée, veulent faire plier la Commission. La France peut ainsi compter sur le ralliement de la République Tchèque, le pays de Skoda. "Nous ne pouvons pas dicter ici ce que les fanatiques verts ont conçu au Parlement européen", a ainsi déclaré Andrej Babiš, le Premier ministre tchèque. L'Espagne, deuxième producteur européen d'automobiles, fait également front pour ne pas précipiter l'agenda de la transition énergétique. Mais c'est Rome qui pourrait peser lourd puisque le gouvernement de Mario Draghi, l'ancien patron de la Banque centrale européenne et à ce titre grand connaisseur des arcanes communautaires, a fait savoir qu'il défendrait la cause de marques comme Maserati ou Ferrari.
Face à eux, de nombreux pays (dépourvus d'industrie automobile) poussent pour que la recommandation de la Commission européenne d'arrêter les ventes des voitures thermiques en 2035 soit adoptée... L'Irlande et les Pays-Bas ont même décidé d'interdire les moteurs thermiques sur leurs territoires dès 2030. La Suède est au diapason, malgré la fierté nationale qu'est Volvo. Et pour cause, le constructeur a décidé d'accélérer sa transition énergétique en annonçant une bascule dans une gamme 100% électrique avant 2030.
L'Allemagne, la grande bascule
Un calendrier qu'aimerait également appliquer Berlin. Le gouvernement allemand s'est en réalité laissé convaincre par la bascule du groupe Volkswagen qui avait annoncé six mois auparavant un plan ambitieux à plus de 60 milliards d'euros pour électrifier son industrie. Cette succession de revirements avait laissé Paris sur le carreau. La France, qui prétendait alors avoir pris le leadership de l'électrification en Europe avec ses objectifs d'un million de voitures vendues en France, s'est retrouvée sur la défensive... Reste à savoir ce que la nouvelle coalition au pouvoir va mettre en place. Il semblerait que les Verts ne soient pas parvenus à imposer une nouvelle avance calendaire en visant une fin des moteurs thermiques en 2030.
Les boulets rouge de Carlos Tavares
Les constructeurs automobiles sont également à la manœuvre pour contrer l'interdiction. Renault continue de militer pour sortir les hybrides de l'interdiction. Chez Stellantis, Carlos Tavares a encore tiré à boulets rouges sur la voiture électrique. "Ce qui a été décidé, c'est d'imposer à l'industrie automobile une électrification qui ajoute 50% de coûts additionnels à un véhicule conventionnel. Il est impossible que nous répercutions 50% de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer", a lancé le patron de Stellantis, le groupe issu de la fusion PSA et Fiat.
De son côté, le roi de la voiture hybride, Toyota, a également été critique face au projet de réglementation européen. Il faut dire que le groupe japonais arrive à rebours de ses concurrents et commercialisera en 2022 la bZ4x, sa première voiture 100% électrique.
Mercedes fonce, BMW hésite
Longtemps silencieux, Mercedes a fini par se plier au virage de l'électrique. Après avoir intensifié sa gamme électrique ces trois dernières années, la marque premium allemande veut griller la politesse à tout le monde et prévoit d'être 100% électrique dès... 2025 ! Malin, le groupe de Stuttgart échappe à l'autre épouvantail des constructeurs automobiles, la norme Euro 7, qui doit entrer en vigueur cette année-là et s'annonce extrêmement contraignant pour les moteurs thermiques. Enfin, il reste BMW, ancien pionnier de la voiture électrique, qui hésite encore à basculer définitivement. Dans une interview accordée récemment à Automotive News Europe, le responsable du développement, Frank Weber, s'est interrogé: "quand le système sera-t-il prêt à absorber tous ces véhicules électriques ? Les infrastructures de recharge, les énergies renouvelables... Les clients sont-ils prêts ? Le système est-il prêt ? L'infrastructure de recharge est-elle prête ?".
Il sera difficile de trouver un consensus, d'autant que certains pays et constructeurs ont lancé leur transition. Le conseil européen choisira-t-il les moins-disants ? La réponse devrait survenir au premier semestre 2022... C'est-à-dire au moment où la présidence tournante du Conseil européen sera aux mains de la France.
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