« Ces partenariats font de nous un système unique ». Lundi 24 avril, le groupe Renault détaillait sa nouvelle architecture de logiciel embarqué pour ses futures voitures électriques. L'objectif : rattraper son retard sur le géant américain Tesla en matière de connectivité dans le véhicule et réaliser d'importantes économies pour l'avenir. Une stratégie ambitieuse qui devrait aboutir en 2026 sur des utilitaires électriques avant d'être étendu à Alpine, puis au reste du portefeuille.
Seulement 20 processeurs au sein du véhicule
Le groupe a commencé à développer son projet de software defined vehicle depuis six ans avec, notamment, l'acquisition des services de Recherche et développement d'Intel fin 2017 au lancement du projet. À l'origine, une voiture comporte une centaine de processeurs, un pour chaque système (la climatisation, l'aide au freinage, le radar de recul...). L'idée de cette nouvelle architecture est de simplifier le système en proposant une centralisation sur seulement 20 processeurs plus puissants, qui pourront être mis à jour régulièrement.
Ce nouveau système permettra ainsi d'ajouter de nouveaux capteurs pour l'aide à la conduite et la sécurité, des fonctionnalités de divertissement ou encore des cartes permettant d'organiser son trajet en fonction des bornes de recharge aux alentours. Des nouveautés que Tesla ou encore Mercedes ont déjà développées et sur lesquelles se penchent Stellantis, Volkswagen, Toyota ou encore les constructeurs chinois. L'enjeu est de taille pour chacun d'eux, tant le logiciel va tirer vers le haut le prix du véhicule dans les années à venir.
1.5 milliard d'euros d'économie
En effet, le cabinet PwC a estimé que 60% du prix du véhicule serait attribué au software et 20% à la batterie d'ici 2030. Pour ne pas se faire distancer, chaque groupe doit donc se doter de l'architecture la plus intuitive, la plus avancée en termes de fonctionnalité, mais aussi la plus adaptée à ses produits. Ainsi, Renault a fait le choix de s'associer à Qualcomm pour le développement des puces qui permettent le traitement des données et à Google pour leur stockage. Ce choix de partenariat avec des experts dans leurs domaines permet à Renault de réaliser des économies massives et un gain de temps en termes de développement.
De fait, la marque au losange a annoncé 1.5 milliard d'économie en Recherche et développement pour la prochaine décennie et 25% de réduction de coûts en investissements.
« Aujourd'hui, à chaque fois que nous voulons ajouter un service, il faut changer tout le matériel de la voiture, cela prend au moins un an et demi sans compter l'homologation. Avec le logiciel développé actuellement, il suffira de le valider au début puis nous pourrons changer des fonctionnalités directement par des mises à jour. Il faudra compter trois mois pour un nouveau service et six mois pour une nouvelle fonction sur le véhicule », a expliqué Thierry Cammal, directeur général de Renault Software Labs.
Ce logiciel permettra également d'envoyer des informations au conducteur sur l'état de son véhicule, notamment de la batterie, en temps réel. Une fonction qui améliorera la valeur résiduelle de la voiture, soit sa valeur probable lors de sa revente. Le constructeur français espère gagner également du côté du service après-vente puisque seul Renault pourra faire les modifications sur son propre logiciel. Enfin, la marque au losange entend gagner une centaine d'euros par véhicule grâce au paiement des applications installées.
La délicate question de la sécurité des données
En s'associant avec d'autres entreprises pour développer son logiciel, Renault a fait le même choix que Stellantis avec Amazon. À l'inverse, Volkswagen tout comme Telsa, ont opté pour des développement de logiciel en interne afin d'avoir la main sur l'ensemble de l'écosystème mais avec des dépenses conséquentes. Volkswagen a annoncé plus de 70 milliards d'euros d'investissements par exemple. De son côté, Renault n'a pas avancé de chiffre, mais estime que les coûts liés au développement de ce logiciel seront les mêmes que pour tous ces anciens programmes de développement. Toutes les activités liées au logiciel seront concentrées dans « Ampère », l'entité électrique du groupe.
Mais la question qui brûlait les lèvres ce lundi concernait la sécurité d'un tel système et la protection des données dans ce partenariat. Le groupe français à coupé court aux interrogations. « Toutes les données générées par la voiture appartiendront à Renault », a affirmé Thierry Cammal. Et chaque partenaire apporte sa propriété intellectuelle.
Côté menaces sur un tel système, Renault s'est tourné là encore vers des experts en la matière comme Thales et Orange afin de se protéger au mieux. « Nous avons créé une zone pour déconstruire l'information d'un côté et la reconstruire de l'autre, cela protégera des cyberattaques », a expliqué Thierry Cammal. Renault fait également tester chacun de ses dispositifs par une entreprise spécialisée appelée Quarkslab.
« Les constructeurs doivent présenter une certification de tests avant de mettre en circulation le véhicule, avec des critères d'obtention de ces certificats qui ont évolué en particulier sur la cybersécurité. Pour délivrer ce certificat, nous réalisons une batterie de tests sur la voiture, le constructeur, la protection des données... Les véhicules modernes étant hyperconnectés nous vérifions également que les connectivités Bluetooth, Wi-Fi, 4/5G embarquées ne puissent pas être exploitées pour servir de porte d'entrée à un attaquant. Il y a eu une énorme prise de conscience de la part des constructeurs sur la cybersécurité ces 5 dernières années », confirme Philippe Azalbert, ingénieur R&D cybersécurité chez Quarkslab.
Vers le véhicule autonome ?
La marque au losange a déjà mis en place quelques nouvelles fonctionnalités dans ses voitures récentes comme la Megan E-Tech, mais la nouvelle architecture présentée lundi ne verra le jour qu'en 2026 avec la commercialisation des van électriques utilisés pour la livraison du dernier kilomètre. Renault l'étendra au reste de sa flotte dans la foulée, souhaitant atteindre les mêmes performances que Tesla actuellement. Le constructeur américain tente, quant à lui, de développer un logiciel permettant plus de conduite 100% autonome. Un projet à l'investissement massif que Mercedes développe également, mais que Renault ne souhaite pas atteindre.
« Tesla dépense beaucoup pour atteindre l'autonomie totale du véhicule. Nous n'y croyons pas. Nous voulons avoir des coûts moins importants, car nous sommes Renault. Nous sommes une marque populaire », a insisté Gilles Le Borgne, directeur technique de Renault Group.
Des voitures populaires, mais disposant des dernières technologies : un objectif complexe pour Renault, difficile à atteindre pour le moment. Sa dernière Megan E-Tech affiche aujourd'hui des prix comparables à certaines Tesla. Le directeur général de Renault, Luca de Meo, a ainsi clôturé la discussion : « nous avons un challenge, nous ne pouvons pas être aussi agressifs qu'eux, mais nous voulons travailler sur quelque chose de sain et durable. Nous devons être sûrs de faire les bons choix dans les prochaines semaines et les prochains mois afin d'être compétitif ».
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