Valeo et Faurecia dans la course au cockpit high-tech

Les deux équipementiers français mettent au point, chacun de leur côté, un écosystème technologique pour les planches de bord. Leurs compétences sont complémentaires, mais ils refusent tout partenariat.
Faurecia, l’un des leaders mondiaux du secteur, propose aux passagers un univers sensoriel personnalisé, des jeux vidéo ou encore des activités de renforcement musculaire.
Faurecia, l’un des leaders mondiaux du secteur, propose aux passagers un univers sensoriel personnalisé, des jeux vidéo ou encore des activités de renforcement musculaire. (Crédits : Faurecia)

Vers une nouvelle expérience à bord, pas seulement ergonomique mais désormais sensorielle... C'est toute la thématique du cockpit du futur que veulent développer les équipementiers automobiles, notamment français. « Immersive, connectée et personnalisée », résument les ingénieurs de Faurecia, rencontrés au CES de Las Vegas, le grand rendez-vous de l'électronique mondiale, devenu incontournable pour les constructeurs automobiles qui veulent prendre le train de la connectivité.

Pour Patrick Koller, le cockpit du futur est une thématique prioritaire de développement. Faurecia, qu'il dirige depuis 2016, a d'ailleurs racheté le groupe japonais Clarion spécialisé dans l'électronique embarquée. Le groupe français était jusqu'ici l'un des leaders mondiaux des planches de bord. Avec le cockpit du futur, il veut transformer ce support grâce à une série d'innovations, notamment tournées vers la connectivité, mais pas seulement. Faurecia a beaucoup travaillé sur des interfaces plus ergonomiques et offre de nouvelles entrées vers des applications connectées. Le groupe a accéléré le mouvement en créant un environnement immersif, depuis l'ambiance lumineuse, l'orientation des sièges (dont il est également le leader mondial) ou les écrans, jusqu'aux fragrances et au son... Une expérience sensorielle qui s'adresse aux cinq sens.

Confort thermique, lumineux et olfactif

Chez Valeo, l'autre grand équipementier automobile français présent au CES de Las Vegas, la thématique du cockpit du futur est également de plus en plus prégnante dans la stratégie d'innovation. Avec Smart Cocoon, l'entreprise propose de construire un environnement intuitif et optimal pour le passager. Des caméras analysent les individus et leurs affinités thermiques, puis déterminent ainsi la bonne température du véhicule. Pour Valeo, il s'agit de créer des fonctionnalités à partir d'équipements qu'il maîtrise déjà, ici les caméras et les technologies de climatisation et de chauffage. Son leadership dans le secteur de l'éclairage va aussi le conduire à proposer des innovations autour des éclairages d'ambiance intérieure. « La valeur ajoutée ne sera plus vraiment le hardware mais le software », avance-t-on chez Valeo. Pour aller encore plus loin dans Smart Cocoon, l'équipementier a voulu ajouter une touche de confort olfactif. Jacques Aschenbroich, PDG du groupe, a enclenché le rachat de l'israélien Moodify pour acquérir une expertise dans ce domaine.

Pour les équipementiers automobiles, le cockpit du futur est devenu un enjeu majeur de la croissance de demain. Dans un contexte de connectivité, il pourrait bien être le réceptacle essentiel de cette nouvelle chaîne de valeurs avec l'arrivée des fournisseurs de contenus, en particulier les très attendus Gafam.

Guillaume Devauchelle, le patron de la R&D chez Valeo, aime illustrer l'enjeu caché derrière ce nouvel eldorado : « Lors de la ruée vers l'or, ce ne sont pas les chercheurs d'or qui ont fait fortune, mais les fabricants de pelles et de pioches. » Chez Faurecia, on veut aller encore plus loin en fabriquant la pioche, mais également en exploitant l'or. Ici, il s'agit de monétiser des services connectés. Cette initiative constitue un virage pour un équipementier plutôt orienté vers le BtoB, et qui vise un modèle qui s'adresserait au grand public. « Nous ne pourrons pas continuer à innover demain si on ne prend pas contact avec le client final », indique, à La Tribune, Patrick Koller.

Avec Connected Wellness présenté au CES, Faurecia fait un premier pas dans une application dédiée au grand public. Il s'agit d'un logiciel qui permet une activité de renforcement musculaire, de gainage, notamment, et qui prend en compte la position du passager. Faurecia a également signé un partenariat avec Microsoft pour fournir des contenus de type jeux vidéo à travers le cloud.

Le cockpit du futur est, donc, surtout un écosystème de fonctionnalités. Or, il se trouve que nos deux équipementiers tricolores sont complémentaires dans bien des domaines. Faurecia, leader dans les sièges et les planches de bord, a beaucoup travaillé sur les environnements acoustiques (avec la bulle sonore qui permet d'isoler les ambiances musicales de chaque passager, sans interférences). Il a d'ailleurs signé un partenariat avec Devialet, le spécialiste des systèmes de son très haut de gamme, pour gagner en qualité.

Valeo, de son côté, est spécialiste des caméras, du thermique et de l'éclairage. « Nous n'avons pas les mêmes domaines d'expertises, nous sommes complémentaires », répondent en chœur les deux sociétés françaises, qui restent peu enclines à engager des partenariats. La valeur du cockpit du futur pourrait pourtant résider dans cette capacité à mettre en musique un environnement totalement immersif. À plus forte raison lorsque l'on parle ici de deux leaders mondiaux dans leurs métiers... Sur l'éclairage intérieur, par exemple, Faurecia préfère travailler avec Hella, un groupe allemand qui aurait développé des solutions d'éclairage intégré, nécessaires pour ses planches.

Méfiance réciproque

Dans un contexte de resserrement du marché automobile et de consolidation du secteur, où les constructeurs vont accroître les économies d'échelle à travers des centrales d'achat communes, cette méfiance réciproque entre deux acteurs surprend. En outre, ce serait la première fois que deux équipementiers français deviennent concurrents. Jusqu'ici, ils avaient surtout développé leur leadership dans des branches différentes. Un partenariat n'aurait pas seulement du sens pour dégager des synergies, il offrirait des opportunités commerciales pertinentes. Il s'agit ni plus ni moins de conforter un leadership tricolore dans un domaine appelé à concentrer une immense part de la chaîne de valeurs de la voiture de demain. n

Lire aussi : Le « son parfait » de Devialet s'invite à bord des automobiles du futur

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