COP 28 : aux Emirats arabes unis, le patron de Saint-Gobain prêche pour la construction durable

Le fabricant et distributeur français de matériaux de construction s'est rendu, les 5 et 6 décembre, à Abu Dhabi et à Dubaï pour faire la promotion de sa gamme de produits. Son directeur général Benoit Bazin a détaillé sa stratégie pour rendre le secteur de la construction plus durable. Concept ou réalité ? Eléments de réponse.
César Armand
Le directeur général de Saint-Gobain, Benoit Bazin, lors d'un débat public à Dubaï le 6 décembre 2023.
Le directeur général de Saint-Gobain, Benoit Bazin, lors d'un débat public à Dubaï le 6 décembre 2023. (Crédits : Saint-Gobain)

Le sursaut de Saint-Gobain viendra-t-il du Moyen-Orient ? Après une baisse de son chiffre d'affaires de 10,5% au troisième trimestre 2023, les dirigeants du fabricant et distributeur français de matériaux de construction et de verre, aux 51 milliards d'euros de chiffre d'affaires, viennent de faire un tour dans la région à l'occasion de la COP28.

Lors d'un discours prononcé à Abu Dhabi le 5 décembre devant ses clients, ses équipes et ses partenaires, auquel La Tribune était invitée en voyage de presse, son patron Benoit Bazin y a insisté sur la nécessité de prendre « un virage profond vers la construction durable ».

Pour rappel, le secteur représente 40% des émissions de CO2 mondiales, ses rebuts solides 40% du volume global des déchets, et les bâtiments 50% des ressources naturelles. L'ambition de Saint-Gobain est donc de réduire l'empreinte environnementale de cette industrie tout au long de son cycle de vie, tant dans la rénovation de l'existant que dans la construction neuve.

« Nous devons agréger une chaîne de valeur assez conservatrice et assez fragmentée, la convaincre et la fédérer », a insisté Benoit Bazin.

Présent dans la région depuis plus de quarante ans

Le Moyen-Orient ne pèse que 2% du chiffre d'affaires mondial de la major cotée au CAC 40, mais les acquisitions, les capex - les investissements de croissance - et les dépenses de fonctionnement représentent 10-15% du CA, contre 4% en moyenne ailleurs. L'objectif est clair : 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires dans les cinq ans, sachant que sa croissance y est déjà de deux chiffres et s'apprête à être multipliée par trois.

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Implantée dans la région depuis 1981 avec un premier « mégaprojet » de canalisations Pont-à-Mousson (PAM) en Turquie, Saint-Gobain se déploie aujourd'hui en Egypte, en Jordanie, au Koweït, au Qatar, en Oman, au Liban, en Arabie et aux Emirats Arabes Unis. Le groupe n'est pas présent en Iran, en Irak ou au Yémen mais y compte des concurrents locaux et internationaux comme le Suisse Sika, co-leader mondial dans la chimie de la construction.

« Nous cherchons à gagner des parts de marché dans chacun des pays, que ce soit par acquisition ou investissements. C'est une course de vitesse dans un univers très compétitif où il nous faut prendre des positions fortes pour accélérer et construire un portefeuille cohérent avec la vision du groupe », a expliqué Thierry Fournier, directeur général adjoint chargé de l'Europe du Sud, du Moyen-Orient et de l'Afrique.

Un concept ou une réalité ?

A Dubaï, par exemple, où les émissions de CO2 ont diminué de 33% entre 2014 et 2021, l'émirat se fixe désormais comme objectif de réduire de 30% ses consommations d'eau et d'électricité d'ici à 2030 sur la base des données de 2014. En Egypte et en Turquie, où la dynamique démographique est forte, les uns veulent plus de confort, les autres sont plus exigeants sur les méthodes constructives après les destructions causées par le séisme de février.

« Aujourd'hui il y a une prise de conscience quant au fait que la construction doit être plus respectueuse de l'environnement. Le bâtiment neuf représente 90% de l'activité construction. C'est une chance exceptionnelle pour ériger des bâtiments à haute efficacité énergétique dès le départ. La construction durable n'est plus seulement un concept, c'est une réalité », a ainsi assuré Hady Nassif, directeur général chargé de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient.

Un discours nuancé par son directeur général Pays du Golfe qui juge que dans les trois Etats dont il a la charge, il existe trois « vitesses différentes ». Dès 2006, les Emirats Arabes Unis ont certes montré la voie en s'inspirant de ce qui a été fait en Europe en créant d'une base d'indicateurs de mesure de performance.

« Le Qatar a mis en place, plus tard, en place ce type de programmes mais est en train d'accélérer. Quant à Oman, il commence à adopter une approche basée sur des systèmes constructifs complets pour l'enveloppe des bâtiments, au lieu de penser produit par produit. Au global, nous sentons une volonté de faire évoluer le secteur du bâtiment », a déclaré Antoine Ghazal.

Une gamme complète de produits du sol au plafond

En 2010, l'émirat d'Abu Dhabi a, lui, lancé un programme baptisé Estidama, équivalent du programme Leed (Leadership in energy and environmental design, en pointe dans la conception énergétique et environnementale, Ndlr). « Les certifications et labels tirent le secteur vers le haut et amènent le marché à développer des meilleures pratiques », a souligné Pascal Eveillard, directeur adjoint au développement durable, chargé de la construction durable.

Saint-Gobain compte ainsi deux usines à Abu Dhabi : Gyproc qui fabrique de la plaque de plâtre à partir de gypse d'Oman, et Weber qui conçoit des mortiers aux applications diverses. Dans la première, la société mène des recherches sur l'eau pour éviter d'en consommer trop et in fine réduire l'empreinte carbone du produit final. Dans la seconde, les chariots élévateurs au diesel sont remplacés par des machines à l'électrique pour alléger d'un quart la facture CO2.

Au global, Saint-Gobain propose une gamme complète de produits du sol au plafond en passant par les murs : mortiers pour revêtements, plaques de plâtre, plafonds acoustiques, isolation des conduits de ventilation, vitrage isolant, cloison en verre... La multinationale entend « créer des positions solides en Turquie et en Egypte », « tirer parti de la croissance des marchés en Arabie Saoudite » ainsi que de ses acquisitions récentes sur place : Dalsan en Turquie pour la plaque de plâtre, Drymix en Egypte pour les mortiers ou encore Izomaks en Arabie Saoudite pour l'étanchéité.

« N'attendez pas les gouvernements, ne soyez pas timides !  »

Encore faut-il travailler en synergie avec les architectes, les bureaux d'études, les constructeurs et les promoteurs immobiliers ainsi que les décideurs publics. « Il nous faut développer un langage commun, avoir la même définition d'un bâtiment bas-carbone en mettant les acteurs autour de référentiels partagés », a confirmé Pascal Eveillard, chargé de la construction durable.

« Nous devons intégrer la durabilité dans chacune de nos offres clients, engager toute la chaîne de valeur, renforcer le pouvoir de l'innovation, embrasser la numérisation, poursuivre la collaboration avec les jeunes pousses innovantes, développer l'intelligence artificielle dans le transport et les machines, et finalement activer des politiques publiques et des réglementations qui ne font pas que promouvoir la construction durable, mais qui la rendent aussi économiquement viables », a poursuivi Benoit Bazin

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 Avant d'exhorter lors d'un débat public organisé à Dubaï le 6 décembre: « We can't be alone, we have to act together. Be bold and bring your ideas and best practices. Don't wait governement, don't be shy ! ». En français dans le texte : « Nous ne pouvons pas être seuls, nous devons agir ensemble. Soyez courageux et apportez vos idées et bonnes pratiques. N'attendez pas les gouvernements, ne soyez pas timides ! ».

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 08/12/2023 à 19:16
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La construction durable, c'est certainement pas ces immenses tours faisant bien plus que six étages, qu'on a construit un peu partout dans le monde. Parce qu'un ascenseur, ça consomme

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