« Déverrouiller », tel est le mot d'ordre du nouveau Premier ministre. Lors de son discours de politique générale prononcé devant l'Assemblée nationale le 30 janvier, Gabriel Attal l'a répété en boucle, y compris pour le secteur du logement.
« Le problème est clair, il tient à la fois à l'offre et à la demande. Or, pouvoir se loger, acquérir son logement, c'est pour tant de Français le projet d'une vie, l'assurance d'une retraite sereine », a exposé le locataire de Matignon.
Un « choc d'offre » qui se dirige vers un choc de la pénurie d'offre
Parmi ses « solutions immédiates » : un « choc d'offre », une vieille promesse du candidat Macron en 2017, qui est ensuite devenue un slogan gouvernemental « construire plus, mieux et moins cher ». Sauf que depuis sept ans, le nombre de logements collectifs et individuels mis en chantier sur l'ensemble du territoire dégringole : 437.200 en 2017, 399.500 en 2018, 387.400 en 2019, 357.000 en 2020...
En 2021, soutenue par la reprise post-Covid, la construction d'immobilier résidentiel neuf est repartie à la hausse avec 386.700 habitats qui commencent à être érigés, mais dès 2022, année présidentielle, les chiffres sont repartis à la baisse : 376.200 logements sont mis en chantier. Une situation qui ne s'améliore pas, voire qui empire. Selon les dernières données du ministère de la Transition écologique publiées le 30 janvier, seuls 287.100 habitats collectifs et individuels ont été mis en travaux en 2023. Tant est si bien qu'en 2024, le « choc d'offre » se dirige vers un choc de la pénurie d'offre.
Simplification « massive » des normes
Autre chantier de Gabriel Attal : la simplification « massive » des normes. Le Premier ministre a ainsi promis de « revoir » le diagnostic de performance énergétique (DPE). Créé en 2006, le DPE évalue la consommation d'énergie d'un logement et son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Selon que le logement est classé G, F ou E, par ce même diagnostic, il sera impossible de le louer en 2025, 2028 et 2034, en application de la loi Climat et Résilience de 2021.
Ce diagnostic est en effet obligatoire pour louer ou vendre un logement, et son mode de calcul fait l'objet de critiques. Réformé à la hâte en 2021, il ne se fonde plus sur les factures d'énergie mais sur les caractéristiques du logement. Le 10 janvier, le Conseil d'analyse économique (CAE), rattaché à Matignon, a remis en cause son mode de calcul sur la base d'une étude sur la performance énergétique du logement et la consommation d'énergie. Le 24, c'est le ministre de l'Economie Bruno Le Maire qui a promis à des entrepreneurs que le diagnostic serait simplifié, notamment pour les petites surfaces.
Faciliter la densification
Le locataire de Matignon ne s'est pas arrêté là et a annoncé que l'accès à MaPrimeRénov serait « simplifié ». Il ne croit pas si bien dire. Selon les derniers chiffres de l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH), qui distribue cette prime, seuls 569.243 logements ont été rénovés en 2023, moyennant 2,74 milliards d'euros. C'est 100.000 habitats de moins qu'en 2022, année au cours de laquelle 669.890 logements ont été rénovés pour 3,1 milliards d'euros d'aides. Dans les deux cas, l'objectif présidentiel de rénover 700.000 logements chaque année n'est pas tenu... Reste à voir ce qu'il en sera en 2024, sachant que le budget de l'ANAH a été revalorisé à 5 milliards d'euros.
Ce n'est pas tout : Gabriel Attal estime qu'il faut « faciliter la densification ». Compte tenu de la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) qui vise à réduire de moitié la consommation foncière d'ici à 2031, les maires n'ont de toute façon plus le choix. A l'image du Dunkerquois Patrice Vergriete, ex-ministre du Logement, ils doivent transformer des parkings, réhabiliter des friches portuaires ou de bureaux, construire dans des « dents creuses » - un espace non-construit entouré de parcelles bâties - ou même, en surélévation, au-dessus d'un musée.
Lever les contraintes sur le zonage
Plus technique, le Premier ministre s'est engagé à « lever les contraintes sur le zonage ». Par zonage, il faut entendre cinq zones, à commencer la zone A bis qui comprend Paris et 75 communes des Yvelines, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d'Oise. Mais aussi la zone A qui comprend la zone A bis, la Côte d'Azur, la partie française de l'agglomération genevoise, certaines agglomérations ou communes et 8 communes ultramarines.
Suivent la zone B1 regroupant certaines grandes agglomérations et certaines communes, la zone B2 pour les villes-centre de certaines grandes agglomérations, la grande couronne autour de Paris et des communes de Corse, et enfin la zone C pour le reste du territoire. Autant de zones synonymes d'avantages fiscaux et de clés de lecture pour les banquiers et la distribution du prêt à taux zéro, un prêt complémentaire à un crédit classique qui permet de financer une partie de l'acquisition de son bien.
20 territoires engagés pour le logement
Gabriel Attal s'est par ailleurs engagé à désigner, dans les deux semaines, les « vingt territoires engagés pour le logement », tels que communiqués par sa prédécesseure Elisabeth Borne en novembre dernier.
« Nous accélérerons toutes les procédures comme nous avons su le faire pour l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques avec comme objectif d'y créer 30.000 nouveaux logements d'ici à 3 ans », a précisé le locataire de Matignon.
Au congrès des maires fin novembre, l'ex-ministre du Logement, Patrice Vergriete, avait promis aux élus locaux concernés des moyens et des dérogations pour tenir les objectifs. En revanche, l'exécutif actuel ne se prononce ni sur les espèces sonnantes et trébuchantes, ni sur les leviers qui seront mis à disposition des territoires lauréats.
Autre engagement : la réquisition de bâtiments vides, et notamment des bureaux. Lors des vœux des Intercommunalités de France, ce 31 janvier, son ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s'en est fait le porte-parole, rappelant qu'il y a près 3,5 millions de mètres carrés de bureaux vacants en Île-de-France. Et même 4,5 millions à en croire le gestionnaire américain en investissements immobiliers JLL.
L'avocat du logement social
Dans un tout autre registre, Gabriel Attal s'est fait l'avocat du logement social, égrenant des mesures déjà connues : maintien du taux de livret A à 3% pour ne pas pénaliser la dette des bailleurs, déblocage de 1,2 milliard d'euros pour la rénovation énergétique ou encore plan de rachat massif.
Entre la filiale logement de la Caisse des Dépôts, CDC Habitat, et le groupe Action Logement, pas moins de 50.000 logements neufs ont été achetés en 2023 aux promoteurs pour les aider à écouler leur stock mais aussi y produire du HLM. Il n'empêche : le nombre de demandeurs a grimpé de 7,5% l'an dernier, s'établissant à 2,6 millions de ménages demandeurs d'un logement social.
Face au « coût élevé du foncier », la Caisse des Dépôts sera encore mise à contribution via son entité Banque des territoires qui va distribuer un prêt de très long-terme doté de 2 milliards d'euros. « Nous allons aussi le faire évoluer pour inciter les élus à développer de nouveaux programmes », a poursuivi le Premier ministre, sans plus de précisions.
Le logement intermédiaire et l'attribution des HLM en mairie en débat
Enfin, le Premier ministre a déclaré vouloir faire entrer du logement intermédiaire, ces habitats pour les classes moyennes trop pauvres pour le parc privé, et trop riches pour le parc social, dans les communes soumises à la loi SRU. Cette loi impose à certains maires d'avoir 25% de logements sociaux sur leurs territoires.
Demain, le logement intermédiaire entrera dans ce calcul des 25%. Sauf que les loyers de ces habitats sont bien trop élevés pour une grande majorité des classes moyennes, a réagi l'Union sociale pour l'habitat, qui fédère l'ensemble des bailleurs sociaux. Seuls 3% des ménages en attente de logement social y sont éligibles, a poursuivi l'organisation présidée par Emmanuelle Cosse, ancienne ministre de François Hollande.
Quant à la question de donner aux maires la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune, le gouvernement évacue la question du clientélisme. « Critiquer la décentralisation est une forme d'offense à l'engagement des élus sur leur territoire. A Angers, j'ai 37% de logement social, » s'est agacé le ministre Béchu, ce 31 janvier, aux vœux d'Intercommunalités de France.
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