L'alsacien Keey Aerogel veut ouvrir de nouvelles usines pour produire son « isolant magique »

Cette startup industrielle a mis au point un processus de production d'aérogel qui utilise des déchets de construction comme matière première. Elle espère ainsi devenir un fournisseur de référence des acteurs de la rénovation thermique des bâtiments, et vise des débouchés secondaires chez les fabricants de batteries de voitures électriques.
L'aérogel contient 2 % de silice et 98 % d'air. La future usine de Keey Aerogel en produira 6.000 mètres cubes par an.
L'aérogel contient 2 % de silice et 98 % d'air. La future usine de Keey Aerogel en produira 6.000 mètres cubes par an. (Crédits : DR)

L'aérogel est-il vraiment un isolant miracle ? Composé à 98 % d'air retenu entre des billes de silice, ce matériau nanoporeux présenterait la même performance d'isolation thermique que d'autres matériaux classiques six fois plus encombrants. Keey Aerogel lance le pari de l'industrialisation de ce matériau révolutionnaire.

« L'aérogel est un excellent isolant technique, avec des performances thermiques améliorées grâce à l'air encapsulé », confirme Francisco Ruiz, président de Keey Aerogel à Habsheim (Haut-Rhin). Fondée en 2015, cette entreprise de 13 salariés a mis au point et breveté un process de production qui utilise, en guise de matière première, des gravats recyclés dont est extrait le silice.

« C'est le meilleur isolant du monde, un composant magique qui peut se retrouver dans différents domaines. Keey Aerogel coche toutes les cases pour établir une success story », a observé Marc Beekencamp, directeur de participations à la société régionale d'investissement Capital Grand Est, qui a placé 750.000 euros dans un premier tour de table en juin 2022. Le fonds belge Innovation Fund a également apporté 750.000 euros, correspondant à une part de 9,4 % non diluée au capital de l'entreprise.

6.000 mètres cubes de production annuelle

Keey Aerogel vise désormais plus haut avec une levée de fonds de 10 millions d'euros initiée au mois de octobre 2023, et toujours en cours. Ce nouvel apport financier servira à construire la première usine, sur 5.000 mètres carrés en Alsace, afin de lancer la production à grande échelle : 6.000 mètres cubes d'aérogel dès 2025. Cette usine créerait une centaine d'emplois.

Les débouchés de l'aérogel sont déjà nombreux. Des grands groupes se sont lancés en production industrielle. L'américain 3M oriente son offre vers la prévention contre la propagation de l'emballement thermique (Thermal Runaway Propagation) dans les batteries de voitures électriques. En Allemagne, l'institut de recherche Fraunhofer Umsicht travaille avec le chimiste Proceram sur des nouvelles méthodes de production moins énergivores. Chez Keey Aerogel, on vante l'économie circulaire : des gravats utilisés en circuit court seront l'unique matière première nécessaire à la fabrication de cet isolant dont les principaux débouchés se trouveront dans la rénovation thermique du bâtiment. L'usine ne consommera que quelques dizaines de tonnes de déchets chaque année : pour produire un mètre cube d'aérogel, il faut 100 kilos de gravats.

« Compétitifs face aux autres isolants, qui ont une épaisseur monstrueuse »

« L'aérogel a été considéré comme un produit de luxe dans le bâtiment. Il faut améliorer les performances techniques des logements anciens. La flambée récente des prix justifie que les clients finaux investissent davantage dans l'isolant pour préserver leurs surfaces habitables », estime Francisco Ruiz.

« L'aérogel est un solide assez fragile, mais cette faiblesse mécanique ne constitue pas un problème si on l'intègre dans un béton en tant qu'additif. Nous sommes compétitifs face aux autres isolants, qui ont une épaisseur monstrueuse. En intégrant l'aérogel, l'épaisseur de l'isolation thermique peut être réduite de 30 centimètres à huit centimètres », promet Francisco Ruiz. Si il parvient à s'établir comme fournisseur des acteurs industriels de l'isolation, Keey Aerogel ne vendra qu'un produit intermédiaire qui n'aura pas besoin d'être certifié.

Prévenir l'emballement des batteries

Pour diversifier ses débouchés, Francisco Ruiz imagine d'autres applications à l'instar de ses concurrents. Conditionné en plaques très fines, l'aérogel peut être utilisé comme barrière thermique dans les batteries lithium-ion des voitures électriques, parfois sujettes à un emballement. « L'aérogel peut supporter une température de 1.000 degrés sur l'une de ses deux faces, sous pression. De l'autre côté, la température ne dépasse pas 100 degrés », s'enthousiasme Marc Beekencamp, qui envisage pour Keey Aerogel jusqu'à 10 % de l'activité orientée vers l'industrie automobile et espère devenir un « fournisseur de référence » des futures gigafactories européennes de batteries.

La première usine opérationnelle en 2025 pourrait être installée dans des bâtiments existants, sur la rive française du Rhin, « pour rester positionné au cœur du marché européen ». Les prospections immobilières ont été lancées. Mais à terme, Keey Aerogel ne pourra pas se contenter d'un seul site de production. « Il s'agit de limiter les déplacements de camions, car le transport de l'air n'est pas rentable. L'idée sera de construire une usine dédiée à l'entrée des usines de chacun de nos clients », prévoit Marc Beekencamp.

D'autres utilisations ponctuelles seront possibles dans la pétrochimie : l'aérogel peut être mis en œuvre pour affiner l'isolation thermique des pipelines et garantir leur efficacité énergétique sans accroître excessivement le diamètre des tuyaux.

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Commentaire 1
à écrit le 29/11/2023 à 18:31
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Coquille : "dont est extrait le silice." la silice (= SiO2 est féminin)

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