Terrasses, coronapistes, télétravail : à Paris, le stationnement est à la peine

A la veille d'Assises du stationnement et des déplacements, Anne Hidalgo l'assume: "la traversée de Paris d'est en ouest en voiture [...] est quelque chose qu'il faut oublier". Sauf que les acteurs du parking et du stationnement, déjà plombés par la Covid, sont pénalisés par l'actuelle crise économique.
César Armand
"Nous observons un report modal des transports en commun vers le véhicule particulier et les réservations d'une durée de 8h à 12h en parking partagé - soit une journée de travail - ont augmenté de +10% à Paris versus 2019", confirme William Rosenfeld, pdg de ZenPark (1.000 parkings en France et en Belgique).

Entre les terrasses éphémères autorisées jusqu'en juin 2021, sur simple déclaration auprès de la mairie, et les cinquante, et bientôt soixante, kilomètres de coronapistes cyclables, il ne fait pas bon circuler à Paris en voiture. A la veille d'Assises du stationnement et des déplacements, il devient donc impossible de se garer dans la capitale. Anne Hidalgo l'assume: "La traversée de Paris d'est en ouest en voiture ne peut plus se faire comme avant, c'est quelque chose qu'il faut oublier", a-t-elle averti dans les colonnes du journal Le Parisien.

Bien que première vice-présidente de la métropole du Grand Paris, l'élue locale oublie que nombre de banlieusards de petite et grande couronne continuent de prendre leur voiture individuelle pour venir travailler dans la capitale et tenter d'échapper aux métros et RER bondés et... "covidés". "Nous observons un report modal des transports en commun vers le véhicule particulier et les réservations d'une durée de 8h à 12h en parking partagé - soit une journée de travail - ont augmenté de +10% à Paris versus 2019", confirme William Rosenfeld, pdg de ZenPark (1.000 parkings en France et en Belgique).

Le télétravail ne fait pas les affaires des opérateurs

Si cet acteur du parking s'en sort plutôt bien, il est bien le seul. Certes, ses concurrents peuvent toujours compter sur leurs abonnés résidentiels qui continuent d'être fidèles à leur place en surface ou en souterrain, mais la poursuite du télétravail dans la plupart des entreprises de la région ne fait pas les affaires des opérateurs. Chez Saemes (30.000 places en souterrain et en surface)des "forfaits spécifiques" - sans plus de détails - ont été lancés pour faire revenir les Franciliens. S'ils permettent de "relancer" la fréquentation horaire, qui a "brutalement chuté" pendant le confinement, ils n'ont pas permis de "retrouver les niveaux de fréquentation de 2019", assure Hervé Grégoire, directeur technique et directeur général délégué.

L'accroissement des visioconférences, au détriment des réunions en présentiel, pénalise, lui aussi, directement les parkings des gares parisiennes. Effia (65.000 places en Ile-de-France), présente gare de Lyon, gare d'Austerlitz, gare de l'Est, gare du Nord, gare Montparnasse, gare Saint-Lazare et à Bercy,  est encore "très impactée" avec -40% de fréquentation par rapport à septembre 2019. "Préoccupé", le directeur général Fabrice Lepoutre constate que "les voyages d'affaires ont presque disparu" et déplore "l'absence de visibilité" sur la sortie de crise.

Le retrait de la moitié des places de stationnement

L'accélération de la piétonnisation des rues ainsi que le retrait, à terme, de 60.000 places de stationnement sur les 133.000 en voirie ne risquent pas d'améliorer cette situation. En théorie, retirer une place sur la route permet d'orienter un client vers les parkings souterrains. En réalité, cela "dessert l'usage de la voiture à Paris et vide les ouvrages", pointe Fabrice Lepoutre d'Effia qui relève déjà une baisse de 5% à 10% par an.

Saemes se satisfait, lui, de la volonté de la Ville de faire payer les motos et scooters qui stationnent en surface. "Nous sommes prêts à les accueillir", dit Hervé Grégoire qui pense que cela lui sera "profitable". Directeur général d'Indigo France (60.000 places à Paris), Sébastien Fraisse entend, pour sa part, surfer sur la vague de la petite reine et proposer du stationnement sécurisé pour les vélos à assistance électrique: "tout le monde ne peut pas monter son VAE au 3e étage sur son balcon".

En attendant des jours meilleurs, les débouchés immédiats se font rares. Situés en hypercentre, ces lieux pourraient pourtant se reconvertir et accueillir des activités - pour l'heure - insoupçonnées. Sébastien Fraisse déclare ainsi réfléchir à l'accueil de commerces, de data centers et même de centres logistiques malgré la contrainte de la hauteur. Indigo France Fraisse vient en effet de libérer 1.000 m² pour Mon-marché.fr, une plateforme de produits frais livrés à domicile en tricycle électrique.

Les parkings-relais n'ont pas trouvé leur public

Le sursaut viendra-t-il des parkings-relais vantés par tous les responsables politiques franciliens, d'Anne Hidalgo à Valérie Pécresse ? Aux portes de Paris, ils ont été pensés pour désengorger les routes, les transports en commun et les centres-villes. En réalité, ils n'ont pas trouvé leur public non plus. Depuis le déconfinement à la mi-mai, Indigo France a mis en place des offres d'abonnement pour les porteurs de pass Navigo, "mais cela n'a pas été un succès très important", remarque son DG. Seuls ceux situés dans les gares RER ont "beaucoup mieux repris", ajoute-t-il.

C'est pourquoi avec l'autorité organisatrice des transports Ile-de-France Mobilités, il mène une expérimentation sur l'utilisation du Navigo comme moyen d'accès au parking afin de "bâtir les offres multimodales du futur". "Le parking-relais doit faciliter le trajet jusqu'à la destination finale: une trottinette, un vélo, un véhicule en autopartage. C'est impératif pour bien fonctionner", abonde Olivier Koch, directeur général France de ParkNow, une application de télépaiement sur mobile et tablette.

Les maigres marges qu'ils offrent ne satisfont pas pour autant les exploitants. Malgré 46 parkings-relais en Ile-de-France, le DG d'Effia témoigne d'un modèle économique différent du stationnement habituel, avec soit de la gratuité soit de la modération tarifaire. "Les recettes sont faibles et reposent sur un système de bonus avec une grille de performance établie par la région: qualité de service, taux d'utilisation...", évoque Fabrice Lepoutre.

"Plutôt que de construire plein de parkings-relais où le foncier est cher, la région peut s'appuyer sur les acteurs privés qui ont des parkings privés à proximité des gares", plaide, pour sa propre paroisse, le pdg de ZenPark, William Rosenfeld, lauréat de parkings mutualisés dans le cadre d'Inventons la métropole du Grand Paris. Ce concours d'aménagement et d'urbanisme se concentre dans les 68 gares du futur Grand Paris Express.

Toujours plus d'investissements dans l'électromobilité

Entre la taxe annoncée sur les SUV et la nécessité de décarboner la région la plus riche de France et d'Europe, les exploitants continuent par ailleurs d'investir dans l'électromobilité, conformément à la réglementation qui leur incombe. La loi d'orientation des mobilités (LOM), adoptée en décembre 2019, fixe l'obligation pour tous les bâtiments non résidentiels possédant un parking de plus de vingt places de disposer d'une borne par tranche de vingt emplacements de stationnement d'ici à 2025.

Le ministère de l'Intérieur actualise d'ailleurs régulièrement son guide relatif à la sécurité incendie. Il y est question notamment de matérialisation des emplacements, de séparation de ces bornes de recharge des autres places par des parois pare-flamme, de deux extincteurs à eau de 6 kilos à proximité ou d'une coupure générale de l'alimentation électrique. En réalité, "le délire normatif est très poussé avec des délais parfois de deux ans", assure Fabrice Lepoutre d'Effia. "C'est un tue-l'amour", lâche-t-il.

Il devient pourtant urgent d'agir dans ce domaine. La programmation pluriannuelle de l'énergie, adoptée en juillet 2019 par le Parlement, préconise l'installation de 300.000 bornes de recharge d'ici à 2028. Pour accélérer le mouvement, ZenPark y travaille en lien avec les collectivités, les aménageurs, les promoteurs, les foncières et les bailleurs pour installer un réseau de bornes partagées et réservables en parking privés, ne serait-ce que pour des raisons économiques.

Si les aménagements de la Ville vont dans le sens de l'histoire, et visent à rendre la capitale plus vivable, la maire, Anne Hidalgo, doit cesser de penser que seuls les Parisiens y exercent une activité. Après avoir été plombés par le confinement, les acteurs du parking et du stationnement subissent la crise sanitaire, et cela continuera si seules les mobilités douces sont regardées avec intérêt. Aussi, faut-il espérer que ces Assises, dont la date se fait toujours attendre, permettront de réconcilier les intérêts des uns et des autres.

César Armand

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