Biosimilaires : la stratégie à haut risque de Biogaran (Servier)

La filiale de Servier va commercialiser un second biosimilaire en septembre. Biogaran court après une rentabilité difficile à atteindre dans cette activité, en raison de la difficile pénétration des copies de biomédicaments en France, de la forte concurrence, et d'autorités de santé encore frileuses.
Jean-Yves Paillé
Les sociétés qui se sont lancées dans l'activité des biosimilaires sont son légion. Outre Biogaran, on retrouve Amgen, Novartis, Pfizer, El iLilly, Teva, Mylan ou encore Samsung.

Deux ans après s'être lancé dans la bataille de la production de biosimilaires (des médicaments reproduisant les effets de traitements issus du vivant), Biogaran, filiale de Servier, tire un premier bilan encourageant. "Nous sommes numéro 2 en France, devant d'importants laboratoires comme Teva ou Sandoz (filiale génériques de Novartis) sur le marché des hôpitaux", se félicite Pascal Brière, président de Biogaran. Lancé en 2015, le Remsima permet à la société de détenir 20% du marché des biosimilaires en France. Ce médicament reproduit les effets du Remicade contre la maladie de Crohn, un traitement rapportant 7 milliards de dollars par an à Johnson & Johnson.

Biogaran enregistre 22,9 millions d'euros par an avec les ventes de ce traitement, chiffre d'affaires auquel "il faut enlever 30 à 40% pour prendre en compte les remises", précise Pascal Brière. Si cela représente encore une faible part du chiffre d'affaires de la filiale de Servier (qui atteint 700 millions d'euros), les ventes de ce biosimilaire enregistrent une croissance de 209% sur un an.

"Phase d'investissement"

En parallèle, les "investissements sont énormes", concède le président de Biogaran. Pour produire un biosimilaire, la société évoque un coût de R et D situé entre 30 et 120 millions d'euros, et un investissement dans le site de production qui représente 150 à 200 millions d'euros. Biogaran est associé avec le sud-coréen Celltrion, avec lequel il doit partager ses revenus issus des ventes de son biosimilaire. "Notre partenaire a besoin de rentabiliser ses investissements considérables. Notre marge est donc ténue. Nous en sommes à une phase d'investissements et les volumes écoulés ne sont pas suffisants pour couvrir les coûts", ajoute Pascal Brière.

Des réticences sur l'utilisation des biosimilaires

Pour protéger ses revenus futurs et sa croissance, la filiale de Servier tente de "freiner la volonté des autorités de baisser drastiquement les prix sans qu'il y ait un volume suffisant de médicaments vendus". Et de préciser: "On travaille avec le Comité économique des produits de santé pour parvenir à un alignement du prix avec le volume".

Pour augmenter les volumes de traitements vendus, Biogaran mise sur la promotion médicale du Remsima afin de convaincre des patients et des médecins parfois réticents à utiliser des génériques. "La difficile conversion de certains médecins aux biosimilaires rappelle celle que l'on a connue lors de l'arrivée des génériques. Aujourd'hui, on construit l'image des biosimilaires", fait valoir Pascal Brière.

Il espère également un coup de pouce des autorités de santé pour améliorer la pénétration des biosimilaires sur le marché français. Biogaran juge la position de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur les biosimilaires ambiguë. Il réclame  la démocratisation de l'interchangeabilité, c'est-à-dire la substitution du médicament original par le biosimilaire en cours traitement, notamment. "L"interchangeabilité n'est plus formellement exclue et peut être envisagée sous certaines condition", explique l'ANSM.

Aujourd'hui, le Remsima de Biogaran et un autre biosimilaire concurrents, l'Inflectra, produit par une filiale de Pfizer, représentent  25,5% de parts de marché, contre 74,5% pour le médicament original, selon des données du Gers, un groupement d'intérêt économique créé par les entreprises de l'Industrie Pharmaceutique. Et ce, deux ans après le début de la commercialisation des deux biosimilaires.

Course contre la montre

Avec une concurrence très forte dans le domaine des biosimilaires, Biogaran s'est engagé dans une course contre la montre. Il doit pénétrer le marché le plus rapidement possible, avant que de nouveaux concurrents arrivent et poussent les prix à la baisse. L'arrivée de nouveaux concurrents pourrait gréver la croissance et les revenus du laboratoires français. Les sociétés qui se sont lancées dans l'activité des biosimilaires sont  légion  (Amgen, Novartis, Pfizer, El iLilly, Teva, Samsung, Mylan...).

Pour le moment, Biogaran n'a qu'un concurrent pour le biosimilaire du Remicade, mais de nouveaux acteurs pourraient entrer sur le marché français. Samsung Bioepis, avec son Renflexis, par exemple. L'entreprise coréenne a reçu une recommandation positive d'un comité d'expert de l'Agence européenne des médicaments, en vue d'un feu vert.

 Deux nouveaux biosimilaires attendus dans les mois à venir

Pour augmenter ses  revenus issus de cette activité, Biogaran prévoit la commercialisation de deux nouveaux biosimilaires dans les prochains mois. Il lancera le Truxima, un anticorps monoclonal contre le lymphome (cancer du sang), sur le marché français en septembre 2017. Ensuite, la filiale de Servier espère obtenir à la fin de l'année un feu vert pour un biosimilaire du trastuzumab, un traitement contre le cancer du sein.

Mais pour ces deux traitements également, la concurrence devrait être rude. Amgen vient de déposer un  dossier pour obtenir un feu vert pour commercialiser son biosimilaire du trastuzumab en Europe, et un traitement de Mylan dédié à cette indication est également étudié par l'Agence européenne des médicaments. Enfin, le Truxima pourrait être bientôt concurrencé par un biosimilaire de Sandoz.

Jean-Yves Paillé

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Commentaire 1
à écrit le 18/05/2017 à 9:00
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Bah pourquoi se gêneraient ils ? Vu que si ça marche les actionnaires vont faire de juteux bénéfices et si cela ne marche pas c'est l'état français qui va payer. En néolibéralisme c'est la socialisation des pertes et l'individualisation des gains, au...

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