Les secrets pour réussir dans la santé du futur

LES FORTUNES DES BIOTECH (2/3). Avec des technologies complexes sur un marché très réglementé et encadré, les biotech restent un investissement très risqué. Elles forment néanmoins un marché dynamique sur lequel il faut apprendre à mesurer les potentiels. Quelles sont les règles du jeu pour gagner ? Deuxième volet de notre série sur les nouveaux milliardaires de la santé post-Covid.
(Crédits : Pixabay (CC0 Creative Commons))

Alors que les contaminations Covid repartent à la hausse en France et qu'un premier médicament facile à prendre pourrait réduire les risques d'hospitalisation par deux, le marché de technologies de santé reste très animé. De premiers milliardaires 100% biotech sont apparus parmi les grandes fortunes et les investisseurs scrutent les technologies biomédicales plus que jamais. Qui sont les nouveaux riches dopés par le vaccin Covid, comment fonctionne le marché des biotechnologies et la plateforme ARNm est-elle un nouvel eldorado ? Notre série en trois volets sur les nouveaux milliardaires de la santé post-Covid.

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Si les premières fortunes biotech ont été remarquées, c'est bien parce qu'elles ont profité du contexte de la crise sanitaire. Mais le phénomène est nouveau pour une autre raison : il reste difficile de gagner beaucoup d'argent avec ce jeune secteur. Les investissements biotech sont des placements particulièrement risqués, car les innovations développées sont complexes à évaluer sans un minimum de culture bio et médicale. Il est aussi très large avec l'ensemble des applications et des technologies liées au vivant : traitements pharmaceutiques, génétiques, oncologie, médecine régénératrice, prothèses bioniques...

Né autour de l'an 2000, le marché est très dynamique avec de nombreuses innovations médicales. Un marché suivi de près par les big pharmas qui ont désinvesti leurs propres recherches et renouvellent leurs pipelines en nouant des partenariats ou en rachetant des biotechs. En France, les jeunes pousses sont bien soutenues avec des fonds d'amorçage, le crédit impôt recherche et les investissements de Bpifrance. Au moins pendant la phase de création.

Même dans ce contexte favorable, les règles du jeu biotech sont complexes. D'une part, les start-up sont presque systématiquement déficitaires et ont besoin d'une forte trésorerie pour financer leurs recherches ou développer leurs produits. Alors même qu'elles ont encore très peu de traitements sur le marché, donc peu de revenus. Miser sur une biotech revient à miser sur un médicament ou une technologie qui va peut-être aboutir et soigner des patients. Au fil du développement, les actions décollent et plongent tour à tour en fonction des annonces autour des essais cliniques. La probabilité d'échec reste élevée puisqu'elle est estimée à 40% en début de phase 3 ! Bref, miser sur les biotechs implique d'accepter une grande prise de risque en échange de la possibilité d'une création de valeur élevée.

Quel médicament pour quelle maladie ?

Le marché présente deux types de profils principaux. D'une part, les biotechs misant sur une plateforme technologique avec des pipelines un peu étoffés, comme BioNTech avec l'ARNm, qui développe des vaccins mais aussi des traitements anticancéreux. Elles peuvent également se concentrer sur un seul type de maladie comme OSE Immunotherapeutics qui travaille autour du cancer avec la plateforme  immunothérapie et en essais cliniques phase 3 pour son traitement du cancer du poumon. Dans cette catégorie, les biotechs les plus expérimentées ont déjà élargi leurs perspectives. C'est le cas de Cellectis, spécialiste génétique dans les domaines médicaux et... l'agriculture ; ou encore d'Innate Pharma qui s'est développé en oncologie avec plusieurs formules d'immunothérapie. Ce type de biotech est déjà connu et présente moins de risque, elles ont une chance de voir un de leurs candidats compenser les échecs qu'ils pourraient subir sur les autres.

D'autres jeunes pousses sont nées autour d'un traitement innovant, pour un type particulier de maladie. Comme GenSight Biologics avec sa thérapie génique pour traiter l'atrophie optique héréditaire de Leber. Ces biotechs ont la particularité de proposer un traitement pour une maladie rare et  sans solution ou un traitement très innovant qui pourrait faire la différence. Un atout qui leur permettra de mieux débattre sur le tarif de leur candidat, mais qui risque de donner un traitement très cher, plus ou moins bien pris en charge par les différents systèmes d'assurances santé.

À quelle phase investir ?

Quel est le moment propice entre l'amorçage et les essais cliniques ? La question est toujours complexe, la valorisation évoluant beaucoup. Un développement biotech prend souvent  dix ou quinze ans, avec des réglementations complexes, des essais cliniques coûteux et des homologations pointilleuses. Sauf en cas de crise sanitaire comme le monulpiravir de Merck MSD, en procédure d'autorisation d'urgence aux États-Unis et en Europe. Et même avec cette pilule anti-Covid, la biotech la biotech Ridgeback Biotherapeutics qui l'avait mis au point en a vendu les droits à un big pharma mieux à même d'amener le traitement jusqu'au marché.

Avec les biotechs, ces contraintes de développement impactent le capital, comme le souligne Cédric Adens, Associé, Responsable des activités Biotechnologies chez KPMG : « Elles n'ont pas toujours les moyens de convaincre des investisseurs de les aider à développer leurs travaux jusqu'au marché. Comme elles ont besoin de fonds, elles y perdent parfois la propriété de leurs travaux par contrat ou rachat. De l'autre côté de l'Atlantique, davantage de biotechs parviennent à lever des sommes conséquentes pour financer les dernières phases de développement. Quand ces sociétés passent en essais cliniques, leurs actions sont revues à la hausse. Leur projet semble assez fiable pour que des financiers ou des pharmas aient choisi d'investir dans ces essais. »

C'est clair, plus on s'approche de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ou de l'homologation Food and Drug Administration FDA et plus les actifs sont valorisés. À ce stade, il est moins risqué d'investir dans la biotech, mais cela coûte plus cher sans garantie à 100%. Car même bien engagé, un candidat traitement peut échouer pour des résultats insuffisants ou une faute de procédure. C'est ce qui est arrivé à Genfit en mai 2020, entraînant l'effondrement du cours des actions, mais aussi à DBV qui a raté l'homologation FDA pour son patch contre l'allergie à l'arachide. Bien sûr, la biotech DBV corrigera le tir et a une chance d'y parvenir la prochaine fois, mais ces obstacles retardent toujours l'arrivée dans les officines.

Comment travaillent les fonds biotech ?

Dans ce contexte, les fonds investissements spécialisés ont un vrai rôle d'accélérateur. C'est le cas du fonds de capital-croissance Sofinnova Crossover qui s'est constitué un portefeuille de 14 biotechs et medtech après sa levée de 445 M € en 2018. La stratégie est claire : accompagner ces biotechs au milieu de leur développement clinique pour 3 à 5 ans, le temps de multiplier la mise de départ par une moyenne de 3 à 5. Cédric Moreau, associé chez Sofinnova Partners, explique: « Nous accompagnons des sociétés s'appuyant sur des technologies de rupture et cherchant à répondre à des besoins thérapeutiques importants et non satisfaits. Pour ce faire, nous accélérons leur portefeuille de produits large (plusieurs projets) autour de la réalisation d'une preuve de concept. Cette stratégie nous affranchit du risque binaire si le traitement phare n'avance pas, tout en enrichissant la dynamique de développement clinique et donc de création de valeur de nos sociétés. Il s'agit d'accélérer et de faire croître nos sociétés et non de jouer au loto avec des éléments binaires. »  Pour les biotechs accompagnées deux sorties sont envisagées : le marché financier, de préférence au Nasdaq ou le rachat d'un produit ou de la société par un grand labo. «Entre une sortie en capital et une sortie industrielle, cette dernière sera toujours privilégiée, mais les deux ne sont pas antinomiques. Une société cotée au Nasdaq, donc mieux financée, pourra plus facilement négocier son rachat ou l'acquisition d'un produit. Les primes d'acquisition sont très importantes sur les biotechs. L'appétit des laboratoires pharmaceutiques est de plus en plus important car ils préfèrent externaliser une grande partie de leur innovation, ce qui est moins risqué car plus diversifié, et donc d'affecter des budgets plus significatifs à l'acquisition de biotechs.» précise Cédric Moreau.

Et sur quoi miser demain ?

Si la crise sanitaire a provoqué un rebond dans le secteur, plusieurs domaines d'activité prometteurs en ont encore peu profité. C'est le cas de l'oncologie, des thérapies sur les maladies du système nerveux central (AVC, Alzheimer, épilepsie...), des thérapies géniques et des thérapies cellulaires. Ces domaines restent surveillés de près par les big pharmas toujours à la recherche des futurs blockbusters.

Pour les biotechs, le climat est donc aujourd'hui favorable avec une appétence des investisseurs qui se retrouve aussi du côté pouvoirs publics. Du coup, après un marché  assez tendu entre 2010 et 2015, les voyants pourraient rapidement passer au vert pour les investisseurs. Pierre-Louis Germain est consultant et auteur du livre « Investir dans les biotechs » (1) analyse : « Il y a eu beaucoup d'introductions en bourse de petites sociétés entre 2010 et 2015. Les valorisations ont parfois été très élevées mais tout cela s'est dégonflé après plusieurs échecs cliniques. Aujourd'hui, de nombreuses biotech françaises sont en phase 3 avec des traitements qui pourraient devenir des blockbusters en cas de succès, compte tenu des indications thérapeutiques concernées».

De par ses spécificités et son taux de risque, le marché biotech a longtemps eu du mal à convaincre les investisseurs. Sans compter l'éternel problème français du financement, avec un éparpillement des fonds publics peu propice à l'émergence de champions. Les nouvelles fortunes des biotechs et des entrepreneurs pourraient-elles enfin susciter la création d'un cercle vertueux ? Encore faudra-t-il qu'il y ait suffisamment de vrais spécialistes capables d'évaluer au mieux l'intérêt des projets sans tout miser sur un simple coup de dés.

(1)  "Investir dans les biotech" de Pierre-Louis Germain aux éditions Maxima Laurent du Mesnil, janvier 2016.

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Commentaires 2
à écrit le 05/11/2021 à 10:02
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Comme l'industrie, on est entrain de saboter la santé, et on se permet de parler de celle du futur!

à écrit le 04/11/2021 à 8:45
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La dictature sanitaire actuelle ne peut que nous questionner profondément concernant leur vision de notre santé. Les gars qui savent mieux que nous à tel point qu'ils nous l'imposent carrément ce qui est bon pour nous ne peuvent qu'être douteux surto...

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