Climat : les Etats-Unis mettent un coup de frein à l'exploitation de gaz et de pétrole en Alaska

L'administration Biden a annoncé mercredi interdire toute nouvelle exploitation de gaz ou de pétrole dans une immense zone du nord de l'Alaska pour répondre à « la crise climatique ». Des observateurs analysent l'annonce du président comme un moyen de redorer son blason en matière de climat.
L'Alaska abrite un espace naturel vital pour des populations de grizzlys, d'ours polaires, de caribous et de centaines de milliers d'oiseaux migrateurs.
L'Alaska abrite un espace naturel vital pour des populations de grizzlys, d'ours polaires, de caribous et de centaines de milliers d'oiseaux migrateurs. (Crédits : Handout .)

Cinq mois après avoir approuvé un projet d'hydrocarbures dans le nord de l'Alaska, l'administration Biden ferme les robinets. Décidée mercredi 6 septembre, l'interdiction de toute nouvelle exploitation de gaz ou de pétrole dans une immense zone du nord de l'Etat concerne plus de quatre millions d'hectares, une superficie comparable à celle du Danemark, au sein de la Réserve nationale pétrolière en Alaska (NPR-A), espace naturel vital pour des populations de grizzlys, d'ours polaires, de caribous et de centaines de milliers d'oiseaux migrateurs.

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Préserver la biodiversité

« L'Alaska abrite nombre des plus belles merveilles naturelles des Etats-Unis », a déclaré le président américain Joe Biden dans un communiqué. « Alors que la crise climatique réchauffe l'Arctique plus de deux fois plus rapidement que le reste du globe, nous avons la responsabilité de protéger ces régions précieuses pour des siècles ».

Le ministère de l'Intérieur, en charge des terres fédérales aux Etats-Unis, a ajouté avoir annulé sept permis d'exploitation autorisés sous le président Donald Trump dans une autre zone protégée du nord de l'Alaska.

En mars, l'administration du président démocrate avait été très critiquée par les défenseurs de l'environnement après sa décision d'autoriser un vaste projet pétrolier du géant américain ConocoPhillips dans cette même réserve nationale de pétrole. La décision annoncée mercredi ne remet d'ailleurs pas en cause ce projet, appelé Willow et autorisé pendant le mandat de Donald Trump. Réduit à trois zones de forage contre les cinq initialement demandées par l'entreprise, il coûtera entre 8 et 10 milliards de dollars et devrait entraîner au total l'émission indirecte de l'équivalent de 239 millions de tonnes de CO2.

Les élus de l'Alaska « frustrés »

Le nouveau plan annoncé mercredi interdit aussi le forage dans une zone de plus d'un million d'hectares dans la mer de Beaufort, située au nord de la côte septentrionale de l'Alaska, et de l'aide pour les populations locales autochtones. Ces mesures « sont illégales, irréfléchies, défient le bon sens et sont les dernières preuves en date de l'incohérence de la politique énergétique du président Biden » a réagi la sénatrice républicaine d'Alaska, Lisa Murkowski, dans un communiqué, dénonçant un manque de consultation des communautés autochtones concernées. La démocrate Mary Peltola, qui représente l'Alaska à la Chambre des représentants des Etats-Unis, s'est de son côté dite « profondément frustrée », reprochant à l'administration Biden d'être restée sourde aux demandes de la population. Joe Biden s'est également heurté à l'opposition d'importants membres de communautés autochtones locales qui ont déploré l'impact économique de cette mesure sur une région sinistrée.

« Notre communauté s'est beaucoup battue pour que la plaine côtière soit ouverte aux concessions pétrolières et gazières » a souligné Annie Tikluk, maire de la ville de Kaktovik, au sujet des sept permis d'exploitation autorisés.  « Elle est économiquement laissée pour compte. Nous sommes constamment à la recherche d'opportunités économiques pour assurer notre pérennité à long terme ».

Les associations environnementales voient dans l'annonce de mercredi une tentative de rattrapage de la part de l'administration Biden. Au-delà même du cas de l'Alaska, des observateurs analysent l'annonce du président comme un moyen de redorer son blason en matière de climat. Pendant sa campagne pour la présidence, le locataire de la Maison Blanche avait promis un gel des permis d'exploitation pétrolière, une promesse non tenue. Certains soulignent que des actions en justice lancées par des Etats républicains ont limité sa marge de manœuvre dans ce dossier.

L'an passé, le président démocrate a également fait voter un immense plan d'investissement en faveur du climat de 400 milliards de dollars. Selon une étude, publiée en juillet dans la revue Science, il permettrait de réduire d'ici à 2035 les émissions américaines de gaz à effet de serre de 43 à 48% par rapport à 2005, sans toutefois permettre aux Etats-Unis de diviser ses émissions par deux d'ici à 2030.

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Les grandes sociétés pétro-gazières mondiales loin de consentir aux efforts nécessaires pour limiter le réchauffement planétaire

Selon un rapport de Carbon Tracker, les grandes sociétés pétro-gazières mondiales sont loin de consentir aux efforts nécessaires pour limiter le réchauffement planétaire, et ont parfois fait reculer leurs engagements.

Des 25 entreprises analysées, « seule » la compagnie italienne Eni a des objectifs « potentiellement » alignés sur l'objectif de Paris, selon le centre de réflexion. TotalEnergies est classée deuxième. Mais si Eni trône en haut du classement pour la 4e année consécutive, la crédibilité de ses objectifs peut être remise en question « étant donné qu'ils dépendent de la vente d'actifs, ainsi que de technologies non éprouvées de captage et de stockage du carbone et de compensations de carbone », souligne Carbon Tracker.

« Les grandes entreprises européennes arrivent en tête du classement, avec des objectifs systématiquement plus ambitieux que leurs rivales nord-américaines, tandis que les engagements les plus faibles ont été pris par ExxonMobil et cinq compagnies pétrolières majoritairement publiques : Aramco, Petrobras du Brésil et les chinois Sinopec, PetroChina et CNOOC », résume Carbon Tracker dans sa présentation. À la dernière place, la saoudienne Aramco, « est la seule entreprise à limiter ses objectifs de réduction des émissions aux actifs qu'elle possède et exploite entièrement », souligne Carbon Tracker, sans compter qu'elle ne fixe un objectif de réduction que par rapport à une future trajectoire de croissance, ce qui de facto réduit ses efforts.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 07/09/2023 à 10:58
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Peut-être pour flatter les écolos mais cela va d'abord accentuer la hausse des cours.

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