Électricité : comment la France a passé le premier pic de consommation de l'hiver

Le système électrique français a « surmonté » lundi le premier pic de consommation de l'hiver en sollicitant « tous les moyens de production disponibles » et l'aide des pays européens. Pour la troisième fois en 2022, un mécanisme de contrats d'assistance mutuelle avec l'Italie, la Belgique et la Suisse a été activée pour obtenir 1,25 GW d'imports supplémentaires. Il n'aura donc pas été besoin de recourir aux mesures d'urgence et la remise en état des réacteurs nucléaires devrait sécuriser le début d'année.
Tous les moyens mis à la disposition de RTE auront été suffisants pour surmonter le premier pic d'électricité de l'hiver.
Tous les moyens mis à la disposition de RTE auront été suffisants pour surmonter le premier pic d'électricité de l'hiver. (Crédits : Stéphane Mahé)

Premier crash test réussi pour RTE, gestionnaire du réseau électrique français. Avec un pic de plus de 82 GW à 19h, la journée de lundi sonnait en effet comme la première alerte de l'hiver. Tous les moyens mis à la disposition de RTE auront été suffisants et il n'aura pas fallu recourir aux mesures d'urgence : l'interruptibilité (coupure volontaire des grands industriels), la baisse de tension et, le moyen ultime, signalé par une alerte rouge, le délestage.

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Dans un entretien à l'AFP, Jean-Paul Roubin, directeur exécutif clients et opération du système électrique de RTE, souligne « qu'avec le retour sur le réseau de trois réacteurs en fin de semaine dernière, le parc nucléaire lundi a atteint un maximum d'environ 41 GW de capacité disponible » (sur un total de 61,4 GW installés). Par ailleurs, « toute la puissance disponible des deux centrales à charbon de Cordemais et Saint-Avold restantes en France a été utilisée à hauteur de 1,8 GW, idem pour les centrales au gaz (9,5 GW) ainsi que pour les productions éolienne et photovoltaïque ». Et, « comme le vent s'est levé, la production éolienne a pu être portée en soirée à 5,5 GW (1,8 le matin), ce qui a contribué à couvrir plus largement la consommation à 19h, et à recourir à moins d'importations ». Ainsi, la « production disponible en France a été complétée par les importations de pays frontaliers, jusqu'à 7 GW à 9h et autour de 5,8 GW à 19h (en solde net), ce qui reste très loin des capacités maximales (entre 13 et 15 GW) ».

Le mécanisme de contrats d'assistance mutuelle avec l'Italie, la Belgique et la Suisse a été activé

Pour la troisième fois en 2O22 (après les 20 et 25 juillet), il aura fallu activer entre 9h et 10h un mécanisme de contrats d'assistance mutuelle avec l'Italie, la Belgique et la Suisse pour obtenir 1,25 GW d'imports supplémentaires. Le réseau a aussi bénéficié, entre 8H30 et 10H30 de 0,7 GW « d'effacement » de consommation électrique auprès d'entreprises volontaires françaises qui participent à un mécanisme d'ajustement en temps réel, ce qui représente l'équivalent d'une unité de production de charbon. Cet ensemble a permis de couvrir la consommation et d'avoir des marges suffisantes pour ne pas avoir à placer lundi en signal orange sur EcoWatt, ni sur aucune journée de la semaine en cours.

La « remontée du nucléaire » devrait sécuriser le mois de janvier

Jusqu'à la fin de l'année, il n'y a pas de risque de signal orange ou rouge. En effet, « les températures se radoucissent et l'activité économique va diminuer avec le début des vacances, la consommation va baisser » . De plus, « l'ensemble des gestes contribuent à la sécurisation du système électrique avec une baisse observée de la consommation d'électricité qui s'approche de 10% ».

Et « si la trajectoire de remontée du nucléaire se confirme, cela viendra sécuriser le mois de janvier ». Sur CNews, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, s'est montré rassurant : « Nous remettons des réacteurs nucléaires en état, à l'heure où je vous parle il y a 41 réacteurs qui sont en état de fonctionner (sur 56), l'objectif est d'en avoir 45 au mois de janvier. Je pense que nous pouvons tenir cet objectif grâce à l'engagement total des salariés d'EDF ».

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 Rappel des principales coupures d'électricité en France

- Le grand black-out de 1978

Le 19 décembre 1978 au matin, lors d'un pic de consommation en raison d'une vague de froid, une ligne à très haute tension de 400.000 volts qui relie Nancy à Troyes et à la région parisienne, flanche. L'accident fait s'écrouler comme un château de carte le reste du réseau français, privant d'électricité pendant plus de quatre heures les trois quarts du pays. Seul l'est de la France est relativement épargné. A Paris, le métro est à l'arrêt, les pompiers multiplient les interventions pour libérer les personnes bloquées dans les ascenseurs. Le PDG d'EDF, Marcel Boiteux, parle d'un réseau « proche de sa limite » et « fragile » en raison en particulier d'un déséquilibre de production entre l'est et l'ouest du pays.

- 1987 : vague de froid et délestages

12 janvier 1987 : une vague de froid s'abat sur la France. La centrale thermique au charbon et fuel de Cordemais en Loire-Atlantique s'arrête brusquement. En cause, le gel d'un réservoir d'eau.

Au même moment, une des tranches de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux dans le Loir-et-Cher est mise hors service par l'arrêt du système de refroidissement, là aussi en raison du gel. Résultat : une baisse brutale de production à un pic de consommation. Pour éviter un black-out général sur la France, des délestages importants sont opérés pendant plusieurs heures dans 19 départements de la moitié ouest de la France ainsi que sur une partie de la région parisienne. La direction d'EDF prend soin de préciser que cette coupure n'a rien à voir avec les multiples délestages et « coupures sauvages » des jours précédents, occasionnés eux par un conflit sur les salaires entre direction et syndicats du groupe public.

- Les tempêtes de 1999

Fin décembre 1999, les tempêtes Lothar et Martin balaient l'Europe de l'Ouest. Le réseau d'électricité français est secoué par l'une puis l'autre dépression en quelques heures d'intervalle, avec des rafales à plus de 150 km/h.

Résultat : 540 lignes à haute tension et 1.075 pylônes hors service. Environ 3,6 millions de foyers (sur 30 millions d'abonnés) sont plongés dans le noir le 28 décembre au soir. EDF se mobilise avec ses salariés pour rétablir le courant au plus vite : 91% sont rebranchés le 31 décembre et la totalité est réalimentée le 5 janvier.

- 2006 : l'Allemagne fait plonger l'Europe

Le 4 novembre 2006 au soir, une défaillance du réseau allemand plonge dans le noir une partie de l'Europe de l'Ouest : 10 millions de personnes touchées dont la moitié en France et le reste en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, pendant près d'une heure.

C'est la première grande panne communautaire. Le fait déclencheur aurait été l'interruption volontaire d'une ligne à très haute tension dans le nord de l'Allemagne pour permettre le passage d'un navire sous les câbles.

La Commission européenne a relevé une cascade d'erreurs de la part du gestionnaire allemand EON et aussi la faiblesse structurelle du réseau européen de distribution.

- Hiver 2016-17 : menaces de délestages

Face à l'arrêt d'un nombre inhabituellement élevé de réacteurs nucléaires, le gestionnaire du réseau RTE prévient de possibles mesures "exceptionnelles" durant l'hiver 2016/17 en cas de froid extrême : interruption d'approvisionnement pour des sites industriels énergivores, réduction de tension sur l'ensemble du réseau ou délestages ponctuels.

Mais finalement, malgré la vague de froid qui touche le pays en janvier 2017 et l'indisponibilité de six réacteurs, aucun délestage ne sera nécessaire, se félicite le 18 janvier 2017 la ministre de l'Energie Ségolène Royal. La seule coupure massive enregistrée cet hiver-là sera occasionnée par le passage de la puissante tempête Zeus, début mars. Elle provoquera au plus fort des coupures dans 600.000 foyers le 6 mars.

(AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 15/12/2022 à 18:33
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heureusement qu'il y a des copains qui nous filent un peu de jus moyennant finance evidemment mais s'il vient une vague de froid eux aussi auront besoin de leur electricite comment fait on? a mais attendez on a une magicienne qui debloque toutes les...

à écrit le 15/12/2022 à 17:22
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+ le délestage automatique ces 2 derniers jours des clients EjP. Une multiplication par 10 de ce système éviterait les problèmes en douceur. Il faut quand même avoir un moyen de chauffage autre qu'electrique pour 22 jours/ an.

à écrit le 15/12/2022 à 16:29
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Nos politiques comme les journalistes aiment voir tout en noir. L'histoire de la coupure est une rengaine annuelle. En 2020 comme en 2021 nous avions eu les mêmes discours Pour ma part aucune panique tout ira bien.

à écrit le 15/12/2022 à 10:17
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"premier pic ...de l'hiver " alors que nous ne sommes pas encore en ... hiver !!!!

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