Une nouvelle « autoroute invisible » de l'électricité devrait voir le jour en 2028. Ce projet, inédit par son ampleur et sa configuration, est aussi déterminant pour l'intégration, de plus en plus importante, des énergies renouvelables dans le mix électrique de l'Europe.
Portée par l'entreprise NeuConnect, cette interconnexion reliera pour la première fois directement le Royaume-Uni et l'Allemagne grâce à un câble électrique sous-marin XXL traversant les eaux allemandes, néerlandaises et britanniques. Ce projet titanesque va mobiliser quelque 2,8 milliards d'euros, apportés par un pool d'investisseurs dont le français Meridiam, l'allemand Allianz Capital Partners, la compagnie japonaise d'électricité Kansai Electric Power, mais aussi des institutions publiques.
Au total, le câble fera 725 km de long et permettra d'acheminer dans les deux sens 1,4 gigawatt d'électricité, soit l'équivalent des besoins de 1,5 million de foyers. Surtout, cette liaison donnera à l'Allemagne accès à un vaste nouveau marché pour exporter ses énergies renouvelables excédentaires, issus de la production de ses éoliennes en mer. De quoi réduire significativement les goulots d'étranglement, qui peuvent constituer un frein au développement de ses moulins des mers géants.
Mutualiser la production d'énergies renouvelables
En effet, les éoliennes en mer produisent de l'électricité de façon intermittente. Leur production peut ainsi enregistrer des variations très importantes à l'échelle d'une semaine, d'un mois, voire d'une année. Pouvoir acheminer cette électricité le plus facilement possible, vers une zone géographique où la demande d'électricité est plus forte, est donc primordial.
« A l'échelle européenne, les interconnexions permettent de mieux mutualiser les capacités de production électrique, et notamment des énergies renouvelables », pointait récemment RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France.
Ambroise Fayolle, vice-président de la Banque européenne d'investissement, qui finance le projet à hauteur de 400 millions d'euros, fait également valoir l'atout que représente cette liaison pour la transition énergétique :
« Ce projet [...] permet d'utiliser plus efficacement l'énergie des éoliennes en mer. L'échange transfrontalier d'électricité peut aider à rediriger l'électricité là où elle est le plus nécessaire et contribue ainsi à l'intégration des énergies renouvelables et à la stabilité de l'approvisionnement énergétique.»
L'Allemagne veut faire de la mer du Nord « la centrale électrique verte de l'Europe »
La future interconnexion apparaît d'autant plus pertinente que l'Allemagne entend gonfler significativement ses capacités de production dans l'éolien offshore. Lors d'une annonce commune avec la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas, elle a déclaré vouloir installer pour près de 150 gigawatts d'éoliennes en mer du Nord d'ici à 2050, pour en faire la « centrale électrique verte de l'Europe » et se passer des hydrocarbures russes. Un objectif intermédiaire de 65 gigawatts a été fixé pour 2030.
Fin 2020, l'Allemagne comptait déjà pour 31% de la puissance installée en Europe en matière d'éolien offshore, avec un peu plus de 1.500 éoliennes raccordées selon les données compilées par WindEurope.
En France aussi, le renforcement des interconnexions transfrontalières est un sujet majeur. RTE prévoit ainsi de doubler la capacité d'échange de la France en 15 ans pour passer à environ 30 gigawatts à l'horizon 2035.
Multiplication des projets d'interconnexions
Il s'agira de créer de nouvelles interconnexions ou de renforcer celles déjà existantes. Une nouvelle interconnexion entre la France et l'Italie, via le tunnel de Fréjus, devrait ainsi bientôt voir le jour. D'autres interconnexions sont prévues avec l'Irlande, l'Espagne et, à plus long terme, avec l'Angleterre. En parallèle, des interconnexions déjà existantes avec la Belgique et l'Espagne vont être renforcées grâce à des câbles « à faible dilatation », permettant de faire transiter plus d'électricité.
Ces interconnexions sont clefs pour la transition énergétique, mais aussi pour la souveraineté européenne, à l'heure où les livraisons de gaz russe vers les Vingt-Sept ont largement diminué dans le contexte de la guerre en Ukraine.
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