Énergies renouvelables : le gouvernement donne un coup de pouce salvateur à la filière

Le gouvernement a présenté, en fin de semaine dernière, des mesures d’urgence pour venir en aide aux projets solaires, éoliens ou encore de biomasse menacés par la flambée des coûts de construction, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Des projets dont la réalisation est cruciale à l’heure où la France se prépare à l’éventualité de passer l’hiver prochain sans gaz russe. Ces mesures, d’ordre réglementaire, doivent être complétées par une loi d’urgence plus globale visant à offrir un sursaut aux énergies renouvelables dans l'Hexagone, alors que la France accuse un retard patent dans ce domaine.
Juliette Raynal
D'après les calculs du gouvernement, ce contexte inflationniste lié à la guerre en Ukraine menace 6 à 7 gigawatts (GW)  de projets solaires et 5 à 6 GW de projets éoliens.
D'après les calculs du gouvernement, ce contexte inflationniste lié à la guerre en Ukraine menace 6 à 7 gigawatts (GW) de projets solaires et 5 à 6 GW de projets éoliens. (Crédits : DR)

Le 22 juin dernier, les professionnels des énergies renouvelables tiraient la sonnette d'alarme. Les acteurs de la filière redoutaient que de nombreux projets solaires, éoliens, hydrauliques et de biogaz ne voient pas le jour en raison de la flambée des prix des matières premières et de la hausse des taux d'intérêt. Ils demandaient au gouvernement des mesures d'urgence, sans attendre la fin de l'été. Bonne nouvelle : ils ont été entendus. Jeudi dernier, le ministère de la Transition énergétique a dévoilé une batterie de mesures, qui seront publiées au Journal officiel dans les prochains jours, afin de venir en aide à ce secteur crucial pour la transition et la sécurité énergétique du pays.

Les producteurs d'énergies renouvelables électriques pourront ainsi vendre leur électricité sur les marchés durant 18 mois, avant que le contrat de soutien public ne soit activé. Cette mesure vise à leur donner la possibilité de profiter des prix actuellement très élevés sur le marché de l'électricité (actuellement près de 500 euros le mégawattheure pour 2023, soit un montant bien supérieur au prix négocié lors des appels d'offres) pour absorber leurs surcoûts. La période de 18 mois accordée par le gouvernement reste toutefois inférieure aux 24 mois espérés par le Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Amortir la flambée des coûts de construction

Pour les futurs projets de plus petite taille qui bénéficient d'un tarif d'achat d'électricité (ce qu'on appelle le guichet ouvert), l'exécutif permettra d'indexer le prix de l'énergie revendue, pour que celui-ci reflète davantage la hausse des coûts d'investissements. Une autre mesure très attendue des professionnels du secteur. Le gouvernement prévoit également de geler la baisse initialement prévue des tarifs pour les installations photovoltaïques sur des bâtiments pour l'année 2022 et de permettre à l'ensemble des projets renouvelables déjà lauréats d'appels d'offres d'augmenter leur puissance jusqu'à +40% avant leur achèvement. Enfin, les installations de production de biométhane pourront bénéficier d'un délai supplémentaire pour leur mise en service.

Les professionnels des énergies renouvelables sont surtout touchés par l'envolée du prix de l'acier, notamment utilisé dans les turbines hydrauliques, dans les bacs installés pour accueillir les panneaux solaires ou encore dans les mâts des éoliennes. La filière est aussi impactée par la hausse du prix du béton et par celle du silicium, dont le processus de fabrication requiert beaucoup d'énergie. A cette hausse des prix des matières premières, s'ajoutent la hausse du coût des transports, mais aussi la remontée des taux d'intérêt, qui grève les capacités d'endettement des porteurs de projets et les obligent à mobiliser plus de fonds propres.

"Tout ça, mis bout à bout, conduit à une hausse des Capex [les dépenses d'investissements, Ndlr] comprise entre 25% et 30%", estimait, fin juin, Alexandre Roesch, délégué général du SER.

Des projets essentiels pour les hivers prochains...

D'après les calculs du gouvernement, ce contexte inflationniste lié à la guerre en Ukraine menace 6 à 7 gigawatts (GW) de projets solaires et 5 à 6 GW de projets éoliens.

"Ces projets sont essentiels pour renforcer au plus vite notre indépendance énergétique et [...] contribuent de manière déterminante [...] à la protection de notre sécurité d'approvisionnement pour les prochains hivers", souligne le ministère de la Transition énergétique, alors que les Européens se préparent à passer l'hiver sans gaz russe.

La guerre en Ukraine provoque, en effet, de vives tensions énergétiques entre les Occidentaux et Moscou, qui utilise le gaz comme arme géopolitique et rend ses livraisons de gaz naturel plus faibles et plus aléatoires, quand elles ne sont pas totalement coupées comme vers la Pologne, la Bulgarie ou la Lettonie depuis samedi dernier.

Lire aussiGazprom coupe le gaz à la Lettonie

...et le climat

Dans cette course contre la montre pour trouver des alternatives au gaz russe, les énergies renouvelables présentent un avantage majeur. Elles sont très rapides à développer, notamment le photovoltaïque, contrairement à d'autres solutions décarbonnées comme les centrales nucléaires, qui nécessitent au moins une dizaine d'années avant de voir le jour.

Par ailleurs, en plus de contribuer à la sécurité d'approvisionnement énergétique, ces projets d'énergies renouvelables permettent d'accélérer la transition vers une économie bas carbone, contrairement à d'autres solutions de secours, comme le recours aux centrales à charbon, dont beaucoup devraient jouer les prolongations sur le Vieux Continent.

Bientôt une loi d'urgence

Ces mesures d'urgence d'ordre réglementaire viennent en complément d'une loi d'urgence actuellement en cours de préparation et attendue pour la rentrée prochaine afin d'accélérer structurellement le déploiement des énergies renouvelables dans l'Hexagone.

La France, qui accuse un retard patent sur ses objectifs nationaux, est aussi le seul parmi les 27 Etats membres à avoir manqué son objectif fixé par une directive européenne. En 2020, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie du pays n'atteignait ainsi que 19%, contre les 23% attendus.

Il faut "avoir l'honnêteté de reconnaître que nous avons pris du retard", a lui-même reconnu le président Emmanuel Macron, lors de son déplacement à Belfort en février dernier. Aussi, le chef de l'Etat s'est donné comme objectif ambitieux de multiplier par dix la puissance installée du solaire photovoltaïque d'ici à 2050 (c'est-à-dire environ 100 GW) et d'atteindre 40 GW dans l'éolien en mer (soit l'équivalent peu ou prou de 50 parcs éoliens).

Plein gaz sur l'éolien en mer... pas sur terre

Dans cette optique, le gouvernement vient de retenir deux zones au large de l'île d'Oléron, pour l'implantation de deux nouveaux parcs alors que le projet initial annoncé par Jean Castex, en janvier 2021, ne faisait état que d'un seul parc. Les deux parcs pourraient ainsi représenter une capacité totale d'environ 2 GW, soit l'équivalent "d'une centrale à 2 réacteurs comme Fessenheim", s'est félicité le ministère de la Transition énergétique. Pour le premier parc, dont le débat public s'est achevé en février dernier, une mise en service est prévue au début des années 2030.

Lire notre dossier sur les futurs parcs éoliens au large d'Oléron

En revanche, le Président a décidé de freiner des quatre fers sur l'éolien terrestre. Il prévoit, en effet, un doublement de la capacité des éoliennes terrestres à l'horizon 2050, alors que l'objectif initial était un doublement de la capacité dès 2030. Ces éoliennes, qui font régulièrement l'objet de vives critiques notamment lors des périodes de campagnes électorales, devraient toutefois rapporter près de 8 milliards d'euros à l'Etat selon les calculs du régulateur de l'énergie.

Juliette Raynal

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Commentaires 11
à écrit le 08/08/2022 à 11:25
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Absurdité malheureusement courante, due à l'ignorance crasse des responsables du ministère de la Transition énergétique, concernant le projet éolien d'Oléron de "2 GW, soit l'équivalent "d'une centrale à 2 réacteurs comme Fessenheim". Expliquons leu...

à écrit le 08/08/2022 à 11:23
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Absurdité malheureusement courante, due à l'ignorance crasse des responsables du ministère de la Transition énergétique, concernant le projet éolien d'Oléron de "2 GW, soit l'équivalent "d'une centrale à 2 réacteurs comme Fessenheim". Expliquons leu...

à écrit le 02/08/2022 à 13:35
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Incroyable votre article ! À l'heure où l Allemagne nous montre ce qu'il ne faut surtout pas faire vous défendez des mesures scandaleuses démocratiquement et financièrement. Ce n'est pas aux Français de financer le sauvetage des promoteurs éoliens pr...

à écrit le 02/08/2022 à 10:42
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Donner un coup de pouce à une filière de production électrique dont la nocivité vient d'être clairement mis en avant par la crise énergétique actuelle démontre la bêtise insondable de certains de nos dirigeants, à moins que la corruption soit à tous ...

à écrit le 02/08/2022 à 0:32
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Il est vrai que les allemands ont montré la voie, un deploiement gigantesque de renouvelables, imprévisibles pour l'éolien et un backup massif par du gaz, du charbon et du fioul. Car c'est imparable, les nuits sans vents forts sont majoritaires. Et n...

à écrit le 02/08/2022 à 0:16
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Erreur! Nous ne sommes pas en retard, nous sommes au contraire très en avance sur la decarbonation de notre énergie. Planter des éoliennes et des panneaux solaires ne fait que retarder le déploiement de nouvelles capacités nucléaires.

à écrit le 01/08/2022 à 20:29
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On voit pas trop le rapport avec La guerre en Ukraine et l ´inflation de tous les prix agro-alimentaires, de btp, industriels ou des métaux , béton, sables … à moins que tout ne soit produit en Ukraine ….ou que de nombreux industriels et fournisseu...

le 02/08/2022 à 16:22
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Même l'explosion des prix du gaz et de l'électricité date de fin 2021...

à écrit le 01/08/2022 à 20:27
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On voit pas trop le rapport avec l inflation de tous les prix agro-alimentaires, de btp, industriels ou des métaux , béton, sables … à moins que tout ne soit produit en Ukraine ….ou que de nombreux industriels et fournisseurs profitent pour augmente...

à écrit le 01/08/2022 à 20:24
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C'est un vrai père Noël, ce gouvernement, il donne des coups de pouce à tout le monde

à écrit le 01/08/2022 à 18:31
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Aurait on un filière? Créons nous tout sur notre territoire? Si ce n'est le cas, filière il n'y a point!

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