Comme un pavé dans la mare dans ce feuilleton économique made in Normandie. Pierre Macharis, président de VPK Packaging, donne de la voix pour la première fois depuis que la Métropole de Rouen a annoncé son intention de préempter la papeterie de la Chapelle Darblay pour casser sa vente au duo Samfi/Paprec. A la place, la Métropole soutient le projet de cartonnerie porté par Veolia et le fabricant de pâte à papier Fibre Excellence. Si rien ne dit à ce stade que la manœuvre aboutira, la perspective inquiète le PDG du groupe belge qu'a interrogé La Tribune. L'intéressé est peu pressé de voir émerger un projet quasiment jumeau de celui qu'il mène à une vingtaine de kilomètres de là dans la papeterie d'Alizay (Eure), rachetée au thaïlandais Double A.
L'épisode remonte à l'été dernier. Un temps pressenti pour la reprise de celle que l'on surnomme la « Chap Pap », VPK avait finalement jeté son dévolu sur cette usine plus moderne avec l'intention d'y investir 170 millions d'euros pour la convertir dans la fabrication de Papier Pour Ondulé (PPO) à partir de vieux papiers. Six mois plus tard, la transformation est lancée et les commandes passées. A pleine capacité, le groupe entend fournir quelque 450.000 tonnes de PPO par an.
Soit grosso modo ce que prévoit le plan d'Antoine Frérot, PDG de Veolia, pour les installations rouennaises. Et c'est bien là que le bât blesse pour le dirigeant du plat pays.
« Faut-il coûte que coûte créer le même produit qui va se jeter sur le même marché ? » se demande t-il tout haut.
Contrairement à ce que semble penser son alter ego français, lui craint qu'il n'y ait pas de place pour deux acteurs de cette taille sur un périmètre géographique aussi limité. « Si l'on compte la cartonnerie DS Smith (également située dans la banlieue rouennaise ndlr), ces trois usines produiraient 1,2 million de tonnes de carton. Beaucoup trop pour un marché en croissance de 2 à 3% par an qui ne peut intégrer que des quantités modestes du fait des gains de poids et de taille que nous demandent nos clients », calcule-t-il en pointant le risque d'une « surcapacité gigantesque dans l'Ouest de la France ».
« Une équation intenable »
Pierre Macharis redoute aussi que les papeteries normandes ne se retrouvent en concurrence pour l'approvisionnement en vieux papiers et cartons : leur matière première. Le gisement n'est pas extensible dans cette partie de l'Hexagone bordée par la mer, souligne t-il.
« L'équation est intenable. Si nous devons aller chercher la matière première plus loin, cela coûtera plus cher. C'est un risque supplémentaire de voir ces deux unités se neutraliser, les privant des moyens de se développer ».
Dans ces conditions, VPK pourrait-il faire marche arrière ? A cette question, son président répond par la négative. « Je me suis engagé, nous irons au bout. Notre groupe est solide et le projet que nous déployons à Alizay est exceptionnellement bon parce qu'il consolide 300 emplois et qu'il répond aux ambitions de circularité de la Région et de l'Etat. Mais attention à ne pas l'affaiblir économiquement ».
S'il sonne l'alarme, Pierre Macharis se défend de savonner la planche d'Antoine Frérot et de son partenaire. « Je n'essaie pas de saboter un projet concurrent » nous assure t-il. Anticipant les critiques, il se dit disposé à participer « à une réflexion globale » sur l'avenir de la Chapelle Darblay.
« Je connais mon métier et je suis prêt à faire partie d'une solution si je comprends mieux les ambitions, à condition que chacun puisse trouver de la valeur ».
Le PDG de Veolia et ses soutiens saisiront t-ils cette main tendue ? La question leur est posée.
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