Chapelle Darblay : le plan de la Métropole de Rouen pour casser le projet de vente du propriétaire finlandais

Bras de fer dans le monde ouaté du papier. L’annonce de la vente par le finlandais UPM de la papeterie Chapelle Darblay à Paprec allié au Normand Samfi est jugée contraire à l’intérêt général par la Métropole de Rouen qui entend préempter l’usine au profit de l’offre déposée par Veolia désormais soutenue par Bercy. La menace est sérieuse pour UPM qui pourrait être tenté de démanteler les machines -torpillant au passage le projet d’Antoine Frérot- avant que la collectivité ne s’exécute. Le groupe finlandais ira t-il jusqu’à cette extrémité ou cèdera t-il à la pression ? Décryptage.
(Crédits : Getty images)

L'épilogue semblait proche et les dés jetés. Lorsque, vendredi, UPM annonce son intention de céder la Chapelle Darblay au duo Paprec/Samfi de préférence à l'offre portée par Véolia et Fibre Excellence déposée la veille, le scénario paraît écrit d'avance. Antoine Frérot, PDG de Veolia, a beau assurer vouloir « relocaliser une activité (la fabrication de carton recyclé ndlr) qui allait quitter la France » et promettre la création de 250 emplois, il se heurte à un mur. Le groupe finlandais a tranché à son détriment : la dernière papèterie française capable de produire du 100% recyclé abandonnera la fabrication de papier au profit d'une activité de tri de déchets et d'une unité de production d'hydrogène.

C'était sans compter sur la Métropole Rouen Normandie (MRN). Sitôt la nouvelle confirmée, Nicolas Mayer Rossignol, son président, a fait savoir que la MRN usera de son droit de préemption pour empêcher la cession du site, fermé depuis juin 2020. L'intéressé, qui avait réussi précédemment à mobiliser 80 grands élus (dont Edouard Philippe et Anne Hidalgo) dans l'espoir de sauver la « Chap Pap » explique avec ce coup d'éclat vouloir prévenir « un gâchis dramatique ».

« Il ne s'agit pas d'un enjeu local, mais national, tempête t-il. Va-t-on se résigner à abandonner le recyclage en France ? A exporter le papier/carton vers d'autres pays à des centaines de kilomètres, à l'enfouir ou le brûler, au mépris du coût carbone ? ».

Une équation à plusieurs inconnues

L'objectif de Nicolas Mayer Rossignol est simple. En se rendant propriétaire de l'usine, il prépare sa revente ultérieure à Veolia qui promet le maintien de l'activité de recyclage. La procédure a-t-elle des chances d'aboutir ? Une chose est sûre, la menace est sérieuse pour le groupe finlandais qui aurait tort de croire à un coup de bluff. Renseignements pris auprès d'un juriste, la métropole dispose, en effet, d'une arme fatale contenue dans un obscur article du code civil portant sur les biens immobiliers : le 5.24. L'article en question commande que « les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papèteries et autres usines » sont « des effets mobiliers attachés au fonds à perpétuelle demeure (sic) ». Autrement dit, que les machines, le vrai trésor de la Chapelle Darblay, peuvent être préemptées au même titre que les murs du site.

La pression est donc forte sur UPM à plus forte raison depuis que Bruno Le Maire et Agnès Pannier Runacher, jusqu'ici plutôt discrets sur ce sujet, ont regretté, vendredi, le choix de la firme et estimé que « l'offre de Veolia (méritait) d'être examinée dans le détail ». Dès lors le groupe finlandais fera t-il marche arrière ou se contentera t-il de contester la préemption, au risque de se lancer dans une (longue) bataille judiciaire ? Difficile de le dire à ce stade.

Pour contrer la procédure que la Métropole ne pourra engager qu'à compter de la signature officielle de l'acte de vente à Samfi/Paprec, ses dirigeants pourraient aussi être tentés de démanteler les machines sans lesquelles le projet d'Antoine Frérot tomberait à l'eau. Du côté de l'intersyndicale, on dit prendre cette hypothèse  au sérieux. « C'est un point de vigilance et de crispation mais nous ne cherchons pas l'affrontement et nous ne l'avons jamais cherché », précise Arnaud Dauxerre, représentant des cadres. « S'il y a du mouvement, nous ne ferons pas une haie d'honneur », prévient néanmoins son collègue Cyril Briffault, délégué CGT. Un avertissement sans frais.

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Commentaire 1
à écrit le 19/10/2021 à 7:48
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Partir avec les machines payées en grande partie par l'État est plutôt chose courante de la part d'actionnaires étrangers et même français. Par chez moi dans le même domaine l'actionnaire espagnol exigeait 12 millions d'euros de subvention publiques ...

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