Arsène Gasser est un collégien de 3ème, et comme près de 40.000 jeunes de 10 à 25 ans en France, il fait partie des mini-entrepreneurs révélés en milieu scolaire. Avec quinze autres élèves de son établissement situé à Guidel (Morbihan), cet adolescent de quatorze ans, très à l'aise à l'oral lorsqu'il s'agit de « pitcher » son projet, a conçu et développé Tonnerre de Tuiles, un jeu de société inclusif autour de la mythologie et du handicap, et porté au sein d'une société coopérative baptisée Cap Games.
Fabriqué en Bretagne de manière éco-responsable à 3.000 unités, avec notamment des pions en plastique recyclé et à base de coquilles d'´huîtres, ce produit est en phase de commercialisation, sur des salons, en boutiques et bientôt à la Fnac et chez Leclerc.
« Je retiens ce que je fais »
Le goût pour la mise en œuvre d'un projet n'est pas venu tout seul à Arsène et à ses associés mais grâce un atelier sur la mini-entreprise proposé en option par leur établissement scolaire et piloté par une professeure de français engagée. Cette initiative a été portée par Entreprendre pour Apprendre Bretagne, association membre d'une fédération nationale qui regroupe dix-sept entités dans toute la France.
Fondée en 2013, elle a déjà accroché 6.500 mini-entrepreneurs bretons pour l'année scolaire en cours (3.200 en 2022, 4.500 en 2023) et intervient dans tous les types de classes y compris, en partenariat avec le rectorat, dans les classes Ulis, Segpa et les établissements régionaux d'enseignement adapté (Erea). Pour son directeur, ces interventions auprès des élèves les plus fragiles ou en difficulté peut éviter le décrochage scolaire.
« Sur les 140 projets d'entreprise en cours, les deux-tiers sont développés au collège. Pour lutter contre le décrochage scolaire, il faut intervenir juste avant, on sait que tout se joue entre 11 et 14 ans » constate Gaël Le Bohec, qui se fixe l'objectif d'embarquer 10.000 mini-entrepreneurs en 2026 et d'être notamment présent dans les 400 collèges de la région, privés et publics.
« Actuellement, une mini-entreprise est créée tous les deux jours en Bretagne. Si 80% des élèves s'adaptent au système scolaire, il faut apporter une pédagogie différente aux 20% qui restent. Avec sa pédagogie active (« je retiens 75% de ce que je fais), le dispositif de la mini-entreprise est extrêmement puissant et parfaitement adapté. De façon générale, il transforme et révèle nos jeunes » explique le directeur d'Entreprendre pour Apprendre Bretagne.
Confiance en soi, travail collectif, rouages économiques
Destinée à faire découvrir les métiers de l'entreprise voire donner des pistes d'orientation et éveiller des centres d'intérêt, la création de mini-entreprises en milieu scolaire vise à valoriser des compétences et offrir aux élèves d'aborder de nombreux sujets tout en gagnant en confiance en soi.
« La mini-entreprise, ça nous pousse à nous dépasser! J'ai découvert le travail en équipe, la réflexion collective, j'ai appris ce que que sont la production, la comptabilité, la recherche de financement, mais aussi à quoi servaient le marketing et la communication, sur Instagram ou sur Facebook. Et j'ai beaucoup gagné en aisance à l'oral. À la fin, je comprends mieux pourquoi c'est important de réciter des poésies en classe ou d'apprendre le calcul » confirme le dynamique Arsène.
En renforçant la persévérance scolaire, ces ateliers démystifient l'image de l'entreprise, du travail de bureau et ouvrent les esprits au monde de demain. De nombreuses mini-entreprises soignent particulièrement leur impact social et environnemental. C'est le cas d'Eco'n'home à Redon, qui produit des éponges, allume-feux et autres produits écologiques à partir de boîtes d'œufs, de tissu ou de la cire de bougie recyclée. La société prévoit aussi de verser 20 % de ses bénéfices (260 euros déjà engrangés) à une association. À Concarneau, Old'lympiades entend proposer, année olympique oblige, un challenge adapté aux personnes dépendantes d'un Ehpad. Les élèves avouent d'abord rechercher « un bénéfice moral ».
Facteur de réinsertion et quête de nouveaux mentors
« La mini-entreprise, c'est effectivement un apprentissage de la citoyenneté » fait remarquer Gaël Le Bohec qui, pour atteindre 500 mini-structures en 2026, veut doubler les moyens humains et financiers de son association. « Aux jeunes qui ont plus de mal, ce dispositif donne le goût de l'apprentissage en les mettant en situation professionnelle. Dans cette optique, nous développons nos liens avec les missions locales et les espaces jeunes des communes. »
Entreprendre pour Apprendre Bretagne mène aussi deux expérimentations de création d'entreprise dans les prisons de Rennes auprès des détenus, hommes et femmes. « Apprendre à réaliser une étude de marché, penser un modèle économique, créer un cadre juridique, concevoir un produit, développer des arguments de vente, cela permet de se projeter plus sereinement en entreprise et ça réduit la récidive » ajoute Mélanie Rault, la directrice générale de l'association.
Alors que chaque projet est accompagné par un enseignant ou un référent, accompagné d'une entreprise partenaire, l'association, dont 50% du budget est financé par une vingtaine de fonds privés, doit soutenir sa croissance. Pour doubler son budget à brève échéance (440.000 euros en 2022-2023, 500.000 euros en 2024), elle cherche de nouveaux mentors dans tous les départements bretons. Après la Fondation SNCF ou EDF, Entreprendre pour Apprendre Bretagne vient d'être rejointe par CER Bretagne, La Poste et MV Group. Rennaise, cette dernière entreprise est très engagée dans les enjeux de ressources humaines.
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