Paradise Papers : trois entreprises françaises citées dans l'enquête (2/2)

Les révélations issues des "Paradise Papers" ciblent plusieurs multinationales, dont des entreprises du CAC 40, comme les géants de l'énergie Total et Engie. La Tribune fait le point sur les accusations qui leur sont portées.
Jean-Christophe Catalon
Engie a rapatrié plus d'un milliard de dollars au Royaume-Uni en réalisant une "économie fiscale qui s'élève donc, au moins à 245 millions d'euros", grâce à un montage sophistiqué, selon Le Monde.

Dix-huit mois après les "Panama Papers", de nouvelles révélations éclates sur les pratiques d'évasion fiscale des multinationales et des grandes fortunes de ce monde. Leur nom : les "Paradise Papers". Le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) est à l'origine de cette enquête d'envergure internationale, qui a mobilisé près de 400 journalistes représentant 96 médias, dont Le Monde et la cellule Investigation de Radio France.

Ces révélations, qui paraissent dans le presse depuis dimanche soir et jusqu'à la fin de la semaine, ciblent en partie des entreprises françaises : de l'avionneur Dassault Aviation au géant de l'énergie Total. La Tribune revient sur les accusations qui leur sont portées.

Pour mémoire, la plupart des révélations concernent des méthodes d'optimisation fiscale, une pratique moralement répréhensible mais aujourd'hui légale. Le gouvernement français a promis, mardi, d'engager des poursuites contre les entreprises et les contribuables nationaux si les pratiques épinglées relèvent d'une "infraction".

Sur Twitter, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, présent à une réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles, consacrée notamment aux questions fiscales, a assuré que "l'engagement" du gouvernement contre l'évasion fiscal était "total".

| Lire aussi : Paradise Papers : quatre Français cités dans l'enquête (1/2)

■ Dassault Aviation et la TVA sur les jets privés

Les "Paradise Papers" ont également révélé les pratiques de certaines grandes fortunes, passant par l'île de Man, en mer d'Irlande, pour se dispenser du paiement de la TVA lors de l'achat d'un jet privé. Cette combine leur permet d'économiser plusieurs dizaines de millions d'euros.

L'émission "Cash Investigation", diffusée lundi soir sur France 2, montre, en caméra cachée, un journaliste se faisant passer pour le représentant d'un client fortuné au Salon aéronautique de Genève. Au stand Dassault Aviation, il demande s'il est possible de s'offrir un appareil sans payer la TVA. Assez rapidement, le commercial lui conseille la création d'"une coquille vide" et recommande de passer... par l'île de Man.

"D'après les 'Paradise Papers', Dassault a joué un rôle actif dans des montages destinés à éviter à ses clients d'acquitter la TVA sur les jets privés" via la petite île britannique, écrit Franceinfo.

Au cours de l'émission, la journaliste Elise Lucet va à la rencontre du PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, pour tenter d'obtenir des explications. Malgré les documents apportés par la journaliste, le dirigeant assure, devant la caméra, que "pas un euro n'est perdu pour la TVA française".

Dans un communiqué publié lundi en fin d'après-midi, Dassault Aviation a confirmé avoir mis en place, dans le cadre des lois en vigueur, "sept sociétés de location-financement à l'île de Man, uniquement entre 2008 et 2012, pour répondre aux besoins de financement de clients dans un contexte de crise financière""Aucune structure d'optimisation fiscale n'a été mise en place par la société pour échapper à l'impôt français ou à la TVA française", assure-t-il. La société affirme en outre respecter "toutes ses obligations fiscales".

■ Total et les Bermudes

Total va creer des emplois en france grace aux renouvelables

Autre fleurons industriel français, le géant énergétique Total est également cité dans l'enquête. D'après Franceinfo :

"Les documents des 'Paradise Papers' ont notamment permis de constater que, sur une partie de ses activités, Total ne paie pas d'impôts sur les sociétés."

Dans le détail, il s'agit notamment de l'ensemble des activités non-extractives du groupe aux Emirats arabes unis, où impôts sur les sociétés et sur les dividendes sont inexistants. Or, selon le site d'information, les bénéfices remonteraient sous la forme de dividendes vers les actionnaires de l'entité émiratie qui est une autre filiale de Total... aux Bermudes. Ces profits ne seraient donc "pas ponctionnés. Pas même en France où, au nom de la règle fiscale de la territorialité, on estime qu'un revenu doit être imposé là où l'activité est implantée".

Le géant énergétique Total a rejeté mardi ces accusations d'optimisation fiscale. Tout en reconnaissant avoir détenu ces filiales aux Bermudes jusqu'en 2015, le groupe assure dans un communiqué que l'utilisation de ces sociétés, dont il n'a "jamais caché l'existence""n'a permis aucune optimisation fiscale" mais que leur constitution répondait à "des objectifs opérationnels", notamment pour minimiser le risque de change.

■ Les combines d'Engie en Australie

Certainement l'un des cas les plus stupéfiants révélés par les "Paradise Papers", celui d'un autre géant français de l'énergie : Engie (ex-GDF Suez). Pour mémoire, ce dernier doit déjà faire face "depuis un an à une enquête de la Commission européenne pour des pratiques d'optimisation fiscale au Luxembourg", rappelle Le Monde.

Cette fois, le montage concerne les activités en Australie du groupe énergétique, où plus exactement des sites possédés par l'une de ses filiales. Le quotidien raconte qu'en 2012, Engie prend des parts dans le britannique International Power qui, à l'époque, appliquerait depuis les années 2000 des montages sophistiqués pour faire remonter, vers le Royaume-Uni, les profits réalisés par deux centrales (l'une de charbon, l'autre à gaz) australiennes lui appartenant en payant le moins d'impôts possibles sur ces gains.

Dans un premier temps, Engie aurait donc hérité de ce montage en prenant le contrôle d'International Power. A ce moment-là, la somme rapatriée par la société britannique dépasserait le milliard de dollars et "l'économie fiscale s'élève donc au moins à 245 millions d'euros", selon Le Monde, mais l'optimisation est légale.

Problème, le fisc britannique annonce, en 2012, une réforme qui mettrait en péril ce système. "Tout laisse à penser que c'est pour faire face à cette menace législative qu'International Power a imaginé le très complexe 'Projet Salmon'", soupçonne le journal. Ce projet exploiterait une faille de la législation britannique : depuis 2009, une niche fiscale fait que les "paiements de dividendes par les filiales étrangères à leur maison-mère ne sont pas taxés", explique le quotidien. En conséquence, le groupe aurait changé son fusil d'épaule et remonté ses profits sous forme de dividendes avant que la nouvelle loi entre en vigueur.

"Pas moins de 30 sociétés s'interposaient en 2012 entre les [deux] centrales et la maison-mère d'Engie", selon Le Monde.

Cocasse, "au moment même où International Power mettait la touche finale à cette exfiltration en urgence d'un milliard de dollars de profits, le gouvernement australien annonçait qu'il allait verser à l'entreprise 500 millions de dollars sur cinq ans", rappelle le titre. Par ailleurs, la centrale à charbon australienne a depuis été mise en vente et "pourrait rapporter près de 700 millions d'euros" au groupe.

Jean-Christophe Catalon

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Commentaires 4
à écrit le 10/11/2017 à 3:57
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Dans le même esprit que "la mauvaise monnaie chasse la bonne", on pourrait écrire que la mauvaise gestion chasse la bonne: depuis quarante ans, la gestion de l'Etat par les Gouvernements et Parlementaires successifs ont abouti à la situation désastre...

à écrit le 09/11/2017 à 20:46
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Il est temps que l'UE mette bon ordre à tout ça. D'ailleurs Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières , ex ministre de l’Économie et des Finances de F.Hollande, s'est fendu d'un tweet vengeur ce 8 novembre : " Les...

le 10/11/2017 à 7:30
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MOSCOVICI - énarque - n'avait-il pas, lui aussi, une histoire de costume-cadeau à la FILLON?

à écrit le 09/11/2017 à 17:24
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Il faut le comprendre aussi Dassault, c'est qu'acheter des voix ça revient vachement cher hein ! "Dassault mis en examen pour les achats de voix " http://www.liberation.fr/societe/2014/04/10/dassault-mis-en-examen-pour-les-achats-de-voix_994866

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