
Jean-Paul Bailly a voulu ouvrir un « Grand Dialogue » à La Poste. Aux yeux des syndicats, il commence mal. En préalable de son ouverture, ses six organisations syndicales exigent un « gel des réorganisations ». Jeudi, ils assurent avoir « claqué la porte » d?une réunion avec la direction, faute d?en avoir eu l?assurance. La Direction de La Poste rappelle que cette réunion a tout de même duré 2h30, avant d'être interrompue. Jean-Paul Bailly avait assuré que La Poste ne procéderait pas « à de nouvelles réorganisations impactant la vie au travail » avant « la définition des mesures concrètes » prévue fin avril. Cet engagement n'est manifestement pas suffisant aux yeux des syndicats.
La CFDT propose un "indicateur bien-être"
Fin février et début mars, La Poste a été ébranlée par le suicide de deux de ses cadres. Les syndicats y ont vu l?expression d?un mal-être dans l?entreprise qui emploie 240.000 personnes. Jean-Paul Bailly a choisi Jean Kaspar, ancien secrétaire de la CFDT, pour piloter une commission chargée de publier un rapport sur les conditions de travail dans l?entreprise. Cela n?a pas suffit manifestement pour calmer les esprits. Pas même, la CFDT. La confédération vient de formuler 33 propositions. Parmi elles figure un état des lieux « sincère et véritable » sur l?emploi, les rémunérations et les conditions de travail. En outre, la CFDT plaide pour qu?un indicateur « bien-être au travail » soit intégré à la « hauteur d?un tiers dans les critères de rémunération des cadres dirigeants ». Cet indicateur avait été adopté chez FranceTélécom-Orange après la crise sociale que le groupe a traversée. Coonu pour déjà avoir mené plusieurs négociations avec les syndicats, Jean-Paul Bailly ne peut rester dans cette impasse. « Une prochaine réunion est fixée jeudi 12 avril afin de poursuivre le dialogue et de travailler avec les organisations syndicales à la définition et à la mise en place rapide de mesures concrètes », indique un porte-parole de La Poste.
Une brève recherche sur le net (le télégramme.com, France 3, les journaux locaux, europe1) mettent en lumière le parcours de Jérèmy, raconté par son père et par sa veuve: facteur à 26 ans, détecté par son employeur pour son potentiel, formé et élevé aux fonctions de cadre sup, nommé à Lannion sur un management et là... tout dérape. Il demande à revenir sur Rennes auprès de sa femme et de sa petite fille. La Poste accepte et lui confie un "poste de transition" dans lequel il ne s'épanouit pas et alors commence une spirale infernale qui aboutira aux conséquences connues: "On ne lui laissait pas faire ce qu'il voulait" dit son père lors d'un interview, sa veuve lit en conférence de presse CFDT sa lettre d'adieu qui explique que cette situation l'a peu à peu conduit "à perdre confiance en lui". Dans le privé, la case "poste de transition" n'existe pas, une promotion expose souvent une mutation, si on fait un "retour arrière", c'est souvent par la démission ou la rupture conventionnelle. Ici le modèle social de La Poste l'empêche, et un "poste de transition" est souvent celui qui reste à pourvoir et que personne d'autre ne souhaite. Alors, attendre puis rebondir demande une certaine capacité de résilience et de patience, voire même de redoublement d'efforts pour effacer la casserole que l'on s'est soi-même attachée. Ce n'est pas à la portée de tous mais la situation d'enfermement, de voie sans issue, que les dures règles du secteur privé ne conçoivent même pas évitent néanmoins de générer. Pas content? on se fait licencier pour un motif valable ou non (les prud'hommes sont là pour éviter les abus), ou l'on trouve un autre job (si on le peut). Sinon on endure...
Le cas de Bruno est plus complexe. Il se produit une dizaine de jours après non loin du premier. Les recherches amènent à tracer un tout autre itinéraire mais aussi, à trouver un autre point commun: Un "placard" là aussi que j'ai appelé pudiquement "poste de transition" dans l'exemple précédent. Donc Bruno, cadre sup perd son management comme celà peut arriver lorsque des regroupements ont lieu et que les meilleurs éléments sont appelés à prendre plus de responsabilités sur un périmètre plus grand. Rien d'extraordinaire dans la vie des entreprises. Dans le privé, ce désaveu se solde soit par un licenciement économique, soit par une démission après avoir trouvé un poste plus intéressant. Ici, la ranc?ur sera la plus forte et elle se transformera en haine: interview sur France3 il y a 1 an visant à démontrer que l'employeur est immoral, puis une escalade encouragée par les syndicats (nous y reviendront). Bruno envoie alors un mail au PDG de La Poste pour se plaindre de son affectation. C'est un comportement que l'on voit peu dans les entreprises privées. La réponse est encore plus étonnante: Bruno se voit confier un nouveau poste et là tout bascule. Il part en congé maladie, n'a plus de contact avec son employeur mais maintient le lien avec ses "Camarades" qui le visitent régulièrement. Il participe à l'hommage silencieux le lendemain du décés de Jérémy. Il écrit une nouvelle lettre à Jean-Paul Bailly et la range soigneusement dans une chemise qui se retrouvera dans les mains de ses camarades comme "pièce à charge". À charge pourquoi? À charge pour une médiatisation savemment orchestrée ou l'on mélange allègrement:
- Le stress des cadres dont on vient de démontrer le caractère particulier au modèle social,
- Les résultats financiers de La Poste qui reviennent à l'Etat et pas à un fond de pension, - dont on oublie un peu vite que cet État a investi près de 3 milliards pour rénover l'outil industriel de La Poste et que l'on sait aujourd'hui que pour un tel montant, l'Etat à emprunté sur les marchés financiers et que ... si La Poste n'est pas rentable, ce seront nos impôts qui paieront les intérets d'emprunt)-,
- L'abandon du Service Public alors que cette industrialisation a permis d'augmenter la qualité de service dans le J+1,
- L''exploitation des facteurs alors que le courrier est en baisse de 15 pourcent depuis 3 ans, que celà continue et va empirer, - alors que l'industrialisation a diminué par du tri automatique les travaux de préparation des mêmes facteurs, qu'ils se sont vu octroyé 30.000 promotions et formations pour les inciter à accompagner ces changements, que des primes ont été payées à à chacun de ceux qui y ont contribué... -
Quel est le détonateur de cette avalanche médiatique? Un modèle social different du privé, un premier décés copieusement (honteusement) médiatisé, un second qui fait avancer la cause (un camarade dira dans une interview "avoir rencontré le malheureux le jour précédent et que rien ne rien ne le présageait"), Peut-etre une volonté de stigmatiser les réformes (par ailleurs discutables) du gouvernement pour en retirer quelque avantage... 200.000 voix ça compte...
On pourrait aussi tirer un rout autre constat que l'on découvre assez étrangement outre-atlantique au pays de l'ultra-libéralisme et des "Syndicats". 2011 à vu l'US POSTAL incapable de se restructurer et aussi à cause du transfert du courrier papier vers le mail, procéder à deux vagues de licenciement de 80.000 puis 120.000 personnes (sur un effectif triple de la France pour un territoire 20 fois plus grand). Mais aussi à La Poste CANADA, grâce à "d'efficaces" grèves tournantes dans les centres de tri pour conserver les "avantages acquis et éviter toute réorganisation", qui ont conduit à cause des retards du courrier au transfert de 30 pourcent du volume du courrier (factures/règlements) vers des échanges informatisés et le spectre d'un dépôt de bilan proche. Si l'on reste en Europe, British Mail, déjà affaiblie par une concurrence féroce (la même que rencontre La Poste Française dans les domaines du Colis et de la Banque), s'est vu porter le coup de grâce par une grêve générale pour que "rien ne change". Alors oui, il y a bien un malaise à La Poste, c'est celui de son son AVENIR alors que les syndicats on réussi à ouvrir un dialogue. Mais pour celà, il ne suffit pas de VOULOIR préserver les postiers, il FAUT réellement le faire sans SUICIDER leur entreprise et agir de manière partisane. 240.000 postiers, cadres, non-cadres, sans grades comptent sur vous pour adoucir les placards (si c'est possible), donner au terrain une voix concernant la réalité de la relation client, du volume réel du courrier, de l'état de fatigue des équipes, du nombre de boîtes aux lettres à distribuer par tournée, de la fatigue au guichet ou dans les bureaux. Ce n'est pas du silence buté et que RIEN NE CHANGE dont ces 240.000 ont besoin.
Ce n'est que mon humble avis, mais il mérite d'élargir un peu le champ de l'analyse consensuelle et un peu étroite (politisée) du moment.