En Corse, le rachat de Casino vire au casse-tête

A l'heure actuelle, les magasins de l’enseigne en Corse sont réunis au sein de groupe autonome Codim 2. Le syndicat majoritaire et l’Assemblée de Corse excluent l’idée d’une cession à la découpe, tout comme la remise en cause des acquis sociaux, plus avantageux que ceux des salariés du continent. Cette situation particulière complique les volontés des repreneurs potentiels.
Dans l'île, on dénombre 13 magasins au total (Photo d'illustration).
Dans l'île, on dénombre 13 magasins au total (Photo d'illustration). (Crédits : STEPHANE MAHE)

Happé par la spirale d'un endettement abyssal - qui cumule à 7 milliards d'euros - le groupe Casino France s'est résigné à se séparer de ses 288 supermarchés et hypermarchés. Les magasins en Corse n'échappent pas à cette vente. Dans l'île, on dénombre 13 magasins au total, dont 4 hypermarchés, 9 supermarchés auxquels s'ajoutent 3 cash et 2 drives. Ils sont détenus par le groupe Codim 2. Si ce dernier est rattaché à la maison-mère, il dispose d'un statut particulier.

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Le STC, U Sindicatu di i Travagliadori Corsi (le syndicat des travailleurs corses d'obédience nationaliste, créé il y a tout juste 40 ans) est monté au créneau. Objectif affiché, sensibiliser l'opinion sur les menaces que fait peser la cession en Corse. Et pour cause, l'enseigne de la grande distribution fait vivre 1.300 salariés et autant de familles, sans parler des centaines d'emplois induits dans les différentes galeries marchandes qui y sont adossées. Le rachat inquiète aussi les artisans et les producteurs locaux pour qui Casino est un partenaire historique, captant plus de 20% des produits du terroir.

Une convention collective plus avantageuse

Sur le continent, les candidats à la reprise sont connus, Auchan, Intermarché et Carrefour. Les transactions en cours sont surveillées comme le lait sur le feu par l'Autorité de la Concurrence qui doit, in fine, les approuver. En Corse, quatre offres de reprise sont sur la table. En revanche, les noms des repreneurs potentiels sont tenus secrets, ce qui irrite au plus haut point le STC.

« La direction de Codim 2 ne veut rien divulguer, dans la mesure où les discussions préalables sont couvertes par une obligation de confidentialité, regrette Éric Lunardi, porte-parole du syndicat. Nous n'avons aucune connaissance du contenu des offres dont une serait faite par des acteurs locaux affiliés à une enseigne nationale... ».

Une délégation serait reçue le 27 mars prochain, à Paris ou à Saint-Étienne, par Philippe Palazzi, qui s'apprête à endosser le costume de directeur général du groupe Casino. Que cet ancien patron de Lactalis ait des origines corses ne devrait pas changer la donne sur ses intentions.

De son côté, le STC est intransigeant sur un point : les emplois et les acquis sociaux ne sont pas négociables. Pas question de les remettre en cause, une fois la reprise effective. Or, depuis trente ans, au fil de bras de fer successifs, les salariés corses de Casino ont obtenu des avantages que leurs collègues du continent n'ont pas - en plus de la prime d'insularité accordée pour compenser la vie chère. En outre, ils bénéficient d'une convention collective plus protectrice.

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Une équation complexe à résoudre

Après l'angoisse suscitée par la desserte aérienne de service public et la peur de voir Air Corsica perdre le marché, l'Assemblée de Corse a voté le mois dernier une délibération sur le rachat de Casino. Elle y affirme son attachement aux acquis sociaux des salariés. En outre, elle demande qu'aucun démantèlement du groupe Codim 2 n'ait lieu. Dans le même temps, elle souhaite une baisse des prix de l'alimentaire, plus élevés de 14% par rapport à la moyenne nationale tout en développant le flux d'affaires avec les producteurs locaux.

Élus corses et STC sont sur la même longueur d'onde lorsqu'ils se déclarent hostiles à une vente à la découpe de Codim 2 et à l'instauration d'une situation de monopole par le futur repreneur. En cela, ils sont parfaitement en phase avec l'Autorité de la Concurrence.

Sauf qu'il est difficile de concilier concomitamment les deux vœux : la vente de Codim 2 en un seul morceau et la proscription de toute position dominante dans un marché aussi étroit que celui de la Corse.

Même si on ne connaît pas à ce jour l'identité des quatre candidats-repreneurs, il y a forcément les fleurons de la grande distribution. Mais tous ou presque ne peuvent qu'acheter un nombre limité de grandes surfaces, impossible donc de les mettre toutes dans le même chariot : Auchan doit renoncer au Casino d'Ajaccio, car il y est déjà fortement implanté ; tout comme pour Carrefour à Ajaccio et Propriano et pour Système U à Porto-Vecchio ou encore Leclerc qui recense le plus grand nombre de centres commerciaux, du nord au sud de l'île.

En théorie, seul le groupe Intermarché, absent de l'île, pourrait racheter le groupe Codim 2 dans son intégralité sans altérer le paysage concurrentiel. Mais comme les autres, il devra accepter de prendre aussi dans le cabas les avantages acquis des salariés, ce qui n'est pas évident à encaisser. Bref, pour racheter les magasins du groupe Casino de la Corse, il faut avoir un petit côté flambeur...

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Commentaires 3
à écrit le 25/03/2024 à 13:53
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Une autre solution: cessation d'activité. Et creation par des Corses de leur distributeur, sans implication des pouvoirs publics nationaux. Ils veulent "l'autonomie" (à défaut d'indépendance...) qu'ils assument. Ainsi que les conséquences (désastreu...

le 25/03/2024 à 15:39
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+1👍

le 25/03/2024 à 19:15
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Raccourci simpliste, d'abord d'où sortez vous que les 1300 salariés de casino en corse souhaitent l'indépendance et ensuite l'accession à une autonomie future ne ferait pas pour autant disparaître les grandes enseignes, attention à ne pas toujours di...

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