Négociations commerciales : la bataille des PME et ETI françaises pour accéder aux linéaires

Afin d'enrayer l'inflation alimentaire, le gouvernement veut anticiper la date de clôture des négociations commerciales entre les grands distributeurs et leurs plus gros fournisseurs industriels. Les plus petites entreprises craignent toutefois de se retrouver exclues des rayons.
Giulietta Gamberini
Si, comme prévu dans le projet de loi, les négociations commerciales des grands groupes se terminent le 15 janvier 2024 au lieu du 1er mars, les PME et les ETI risquent de devoir mener leurs propres négociations a posteriori.
Si, comme prévu dans le projet de loi, les négociations commerciales des grands groupes se terminent le 15 janvier 2024 au lieu du 1er mars, les PME et les ETI risquent de devoir mener leurs propres négociations a posteriori. (Crédits : Reuters)

Article mis à jour

Elles représentent aujourd'hui 20% des ventes des produits de grande consommation, mais elles craignent de voir l'offre de leurs biens se réduire dans les rayons des grandes surfaces. Les PME et ETI françaises s'inquiètent en effet des effets du projet de loi présenté au Parlement par le gouvernement le 27 septembre. Il prévoit d'anticiper la prochaine date de clôture des négociations commerciales entre les distributeurs et les marques nationales.

Le texte, dont l'objectif est de répercuter le plus tôt possible les baisses des cours de nombreuses matières premières, agricoles et industrielles, sur les prix en rayons, ne les mentionne effectivement pas. Il concerne les seuls fournisseurs dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros, ou à un milliard d'euros en cas de chiffre d'affaires consolidé. Le ministère de l'Economie veut en effet cibler les 75 plus gros industriels de l'agroalimentaire commercialisant leurs produits en France, qui représentent toutefois « plus de 50% des parts de marché ».

Les budgets de la grande distribution « cannibalisés »

Si, comme prévu dans le projet de loi, les négociations commerciales des grands groupes se terminent le 15 janvier 2024 au lieu du 1er mars, les PME et les ETI risquent donc de devoir mener leurs propres négociations a posteriori. Résultat, « les multinationales vont cannibaliser les budgets de la grande distribution et préempter une grande partie du linéaire disponible, laissant très peu de contreparties accessibles aux PME-ETI », alerte dans un communiqué la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), qui les représente. Elle évoque ainsi une « distorsion de concurrence (...) fortement préjudiciable pour notre tissu industriel et l'emploi local ».

Jusqu'à présent, la fédération avait d'ailleurs obtenu que leurs accords soient conclus avant le 31 décembre. Elle souhaiterait que cette date limite soit, elle aussi, sanctuarisée dans le projet de loi.

Des remises dépendantes du référencement

L'enjeu de l'accès aux linéaires est en effet très sensible pour les fournisseurs. Il occupe une place centrale dans leurs négociations avec les grands distributeurs. Ces dernières ne portent en effet pas que sur les tarifs pratiqués par les industriels, mais aussi sur les remises consenties, dépendant du chiffre d'affaires que les distributeurs promettent d'assurer, et donc du nombre de magasins où les produits sont référencés.

« Pour vendre des produits, il faut qu'ils soient présents en rayons », résume le président de la FEEF, Léonard Prunier.

Autre enjeu fondamental négocié en même temps que les tarifs, l'accès aux promotions.

« Pour les plus petites entreprises, les prospectus, en papier ou digitaux, sont le seul moyen de se faire connaître », observe Léonard Prunier.

D'autant plus que l'agencement des rayons, dont l'impact est très fort, est la plupart du temps plutôt favorable aux grands groupes, qui sont les seuls à avoir le poids de le négocier, ajoute le président de la fédération.

45 jours pour échanger

Le ministère de l'Economie a indiqué comprendre leur inquiétude. Il explique toutefois avoir préféré limiter l'obligation d'anticiper les négociations aux grands groupes. L'objectif est de laisser aux PME et ETI une certaine « flexibilité », la demande de négocier avant ces derniers pouvant faire l'objet d'un simple accord. Il songe notamment à la rédaction d'une charte.

Des amendements déposés par des députés, en vue de l'examen du texte par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale mardi 3 octobre, rejoignaient la requête de la FEEF d'une sacralisation de la date butoir du 31 décembre pour les PME et les ETI.

Le rapporteur du projet de loi, Alexis Izard (Renaissance), proposait pour sa part de supprimer tout seuil limitant l'application du texte aux grands groupes. Toutes les entreprises devraient ainsi conclure leurs négociations avant le 15 janvier. Les PME et ETI seraient donc protégées du risque d'une négociation après les grands groupes. Elles pourraient convenir avec les grands distributeurs de passer avant le 31 décembre, mais en cas d'impossibilité, elles disposeraient de 15 jours supplémentaires sans enfreindre la loi, explique le député de l'Essonne. Un compromis qui pourrait convenir à la FEEF, affirme-t-il.

Les débats reportés

Mais la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, tout en votant favorablement pour le projet de loi, n'a adopté aucun de ces amendements. « Les débats concernant la modification du seuil d'application (...) ont été renvoyés à la séance à la demande de la ministre Grégoire et du rapporteur », explique un communiqué d'Alexis Izard.

Le projet de loi sera discuté en hémicycle au palais Bourbon le lundi 9 octobre.

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