La survie du modèle des Ehpad en question

En pleine crise, les acteurs du secteur et l’État font face à un mur d’investissements.
Marie-Pierre Gröndahl
(Crédits : © Martin Bertrand/Hans Lucas via Reuters)

Crise "réputationnelle" et perte de confiance des familles, hausse des coûts, baisse de la fréquentation, manque de personnel, fuite des investisseurs... les 7 500 Ehpad de France, qui comptent 600 000 résidents, voient leur modèle économique vaciller depuis le Covid. Le nombre de lits inoccupés atteint 4 % du parc, soit 20 000 lits. Le taux d'occupation des établissements peine à revenir à son niveau de 2019. Or ce dernier est déterminant sur le plan financier, compte tenu du niveau élevé des charges fixes, de 75 % à 80 %. En décembre, le taux d'occupation n'était remonté qu'à 90 %, loin des 94 % d'il y a quatre ans.

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Outre Orpea, sauvé de la faillite deux ans après le scandale né de la publication du livre Les Fossoyeurs (Fayard) de Victor Castanet, Clariane (ex-Korian) a annoncé en novembre l'adoption par son conseil d'administration d'un plan de refinancement de 1,5 milliard d'euros, en partenariat avec Crédit agricole Assurances. Objectif pour le seul autre groupe du secteur coté en Bourse ? Éviter un défaut de paiement. Et toutes les structures publiques (48 % des établissements, dont 85 % en déficit), associatives ou privées sont concernées. Plus de la moitié a fini l'année en perte. Alors que la loi « bien vieillir », qui devait être présentée en 2023, ne cesse d'être reportée.

« Le modèle survivra parce qu'il n'y a pas le choix », affirme Luc Broussy, spécialiste du grand âge et président du think tank Matières Grises. Pour cet expert, si le recours à des fonds d'investissement classiques, à la recherche de rendements élevés pendant de courtes périodes, doit être proscrit dans le futur financement des Ehpad, d'autres acteurs doivent prendre le relais pour garantir la pérennité du modèle.

Envolée des dépenses

« Des investisseurs institutionnels, français de préférence, sont à privilégier, explique-t-il. Les Ehpad ont besoin d'un actionnariat stable, prêt à accepter des rendements moins importants, avec une gouvernance solide et un conseil d'administration compétent. Les investissements privés doivent continuer à irriguer le secteur, dont les besoins de rénovation sont énormes. »

Le rôle de l'État, via la grille des tarifications et les dotations de soins, est également au cœur de l'avenir des établissements. « La pandémie, qui a causé près de 30 000 morts parmi les résidents, a profondément ébranlé leur modèle financier, souligne un autre bon connaisseur du secteur. La tarification mise en place il y a vingt ans est devenue totalement obsolète, surtout lorsque le manque de personnel se fait autant sentir. » Les revalorisations salariales, issues du Ségur de la santé, effectuées depuis 2020 n'ont été que partiellement compensées par l'État. De même que la hausse du smic et celle du point d'indice des fonctionnaires.

Un plan d'aide de près de 700 millions d'euros a bien été annoncé par l'ex-ministre des Solidarités Aurore Bergé, mais les professionnels du secteur redoutent que le remaniement gouvernemental ne le remette en question. « Et de toute façon, il ne suffira pas. Je n'ai jamais vu autant de structures souffrir en même temps », s'inquiète Luc Broussy. Les dotations n'évoluent pas au rythme de l'inflation, aggravant l'asphyxie financière d'une quantité d'établissements. Ils subissent simultanément une envolée des dépenses de fonctionnement - énergie, alimentation, produits d'hygiène. Alors que les pénuries de personnel entraînent une hausse du recours à l'intérim, avec un surcoût salarial important, parfois du simple au triple.

Marie-Pierre Gröndahl

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Commentaires 3
à écrit le 15/01/2024 à 5:02
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et la loi dépendance, c'est pour quand ????? Quand pourrais-je cesser de mettre de l'argent de côté pour faire face au financement d'un potentiel placement en Ehpad de ma mère ????? C'est pas avec sa retraite de 1200€ par mois qu'elle va pouvoir se...

à écrit le 14/01/2024 à 15:39
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Extrait de mon intervention du 29 mars 2021 sur un blog d'expert. Nos gouvernements restent biberonnés aux mantras néolibéraux (dont les monétaristes sont les chefs de file) et ils s'étonnent encore? Un peu de sérieux svp [...En septembre 1970, l’éc...

à écrit le 14/01/2024 à 15:11
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les gens ont compris que mettre leurs vieux la bas, c'etait financer les programmes immobiliers de certains

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