« Orpea est la plus grande restructuration réalisée en France » (Éric Lombard, directeur général de la caisse des dépôts)

ENTRETIEN - Dirigeant du bras financier de l’État, il détaille le sauvetage du groupe de maisons de retraite, « une mission d’intérêt général, difficile, mais indispensable ».
Marie-Pierre Gröndahl
Au siège de l’établissement public à Paris, mercredi.
Au siège de l’établissement public à Paris, mercredi. (Crédits : © CORENTIN FOHLEN POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

LA TRIBUNE DIMANCHE - La Caisse des dépôts a pris le contrôle d'Orpea il y a moins d'un mois, avec 50,18 % du capital. Quelle est votre analyse du secteur ?

ÉRIC LOMBARD - Nous le connaissons bien, puisque nous le financions déjà, entre autres avec la Banque des territoires, à hauteur de 300 à 400 millions d'euros par an. Et la Caisse des dépôts préside également Arpavie, le groupe d'Ehpad associatif. Le rapprochement avec le groupe La Poste, dont les actions en faveur du maintien à domicile se structurent, amplifie notre présence. Nous sommes donc conscients des facteurs de la crise actuelle.

Lire aussiLa survie du modèle des Ehpad en question

Lesquels ?

Trois se distinguent. Le premier tient à la nature même de l'activité. Les Ehpad sont des endroits où l'on vient finir sa vie. C'est une réalité assez sombre, qui se répercute nécessairement sur l'image de ces établissements. Leurs charges ont en outre fortement augmenté depuis quelques années, avec l'inflation des coûts énergétiques. Ainsi que les hausses de salaires. Même s'ils restent relativement bas, les compensations versées par l'État dans le domaine des soins n'ont pas suivi. Enfin, les taux d'occupation baissent, car l'âge moyen d'entrée dans un Ehpad - 85 ans - correspond actuellement à la génération des personnes nées entre 1938 et 1945, par définition moins nombreuses que dans les suivantes, celles du baby-boom.

Pourquoi vous êtes-vous impliqué ?

Avec 286 000 résidents et 76 000 salariés le risque pour les personnes était indéniable. C'est ce qui nous a poussés à regarder le dossier au départ : une mission d'intérêt général, difficile, mais indispensable. La Caisse des dépôts est dans son rôle. Celui d'un actionnaire de long terme, ancré dans le bien commun, dont l'impératif de rentabilité renforce la prudence.

Les négociations ont-elles été tendues ?

Bien sûr. Ne serait-ce que par l'ampleur du sauvetage. Nous avons mené la plus grosse restructuration financière jamais réalisée en France. Un processus très complexe, qui impliquait plusieurs catégories de parties prenantes, dont les créanciers « non garantis », qui ont dû consentir à un abattement de 70 %. Cela a été très long. Mais le plan de restructuration a été approuvé et validé. La Caisse des dépôts est aujourd'hui un actionnaire majoritaire, aux côtés de la Maif, de la MACSF et de CNP Assurances.

Quelles sont vos priorités ?

L'équipe de direction, avec Guillaume Pepy à la présidence et Laurent Guillot, venu de Saint-Gobain, comme directeur général, est à l'œuvre depuis plus d'un an déjà. Il a fallu remettre à niveau les salaires, l'organisation et le management. Sans oublier la hausse indispensable des recrutements. Notre priorité demeure la qualité de vie des résidents et les conditions de travail des collaborateurs.

Le cours de Bourse s'est effondré de 99,7 % l'année dernière. Quels sont les signaux du rebond ?

Orpea retrouvera un équilibre économique, d'autant plus que ce n'était pas toute l'entreprise qui souffrait - certains établissements étaient très bien gérés, notamment les cliniques psychiatriques. Le taux d'occupation est déjà presque revenu à la moyenne du secteur. Il devra bien sûr encore s'élever. L'augmentation de capital de 1,3 milliard d'euros, ainsi que les abandons de créances de 2,8 milliards d'euros, convertis en capital, et une dette nette diminuée de 60 % - à 3,6 milliards -, doivent aider Orpea à renouer avec un niveau normal d'endettement. Et à rétablir son taux de marge, qui lui permettra de continuer à investir. Nous devons garantir le changement de pratiques déjà engagé. Mais aussi l'accentuer, pour améliorer rapidement les conditions de séjour des personnes âgées résidentes.

Le logement, un autre secteur crucial, traverse une crise profonde. Va-t-elle s'aggraver ?

Nous sommes très engagés dans le soutien au logement social. C'est même notre priorité, avec le financement des collectivités locales. Il subit depuis plusieurs mois un triple choc. La hausse des taux d'intérêt diminue à la fois la valeur des biens et le pouvoir d'achat des acquéreurs. Parallèlement, l'inflation augmente les coûts de construction et de rénovation. Tandis que les impératifs de la nécessaire transition écologique imposent de nouvelles contraintes, avec des dispositions de zéro artificialisation nette des sols qui entraînent la raréfaction du foncier disponible. Il faut donc économiser le foncier que nous consommons. Et inciter les collectivités locales à construire. Mais différemment. En hauteur, notamment.

Quand le marché s'ajustera-t-il ?

Cela prendra du temps. Tous les ajustements sont douloureux, y compris quand ils sont indispensables. Les taux longs ne baisseront pas tout de suite. Et le foncier sera plus rare. C'est en quelque sorte une « crise parfaite ». Nous continuerons à soutenir les collectivités locales. La Caisse des dépôts a investi 3,5 milliards d'euros pour acheter 17 000 logements dans toute la France en 2023. Et mobilise 8 milliards d'euros pour soutenir le logement social et intermédiaire. Le maintien du taux du livret A à 3 % jusqu'en janvier 2025 est une bonne nouvelle. Cela permet de limiter le coût de production de nouveaux logements sociaux.

Marie-Pierre Gröndahl

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Commentaires 12
à écrit le 15/01/2024 à 14:39
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il arrive finalement la même chose a ceux qui voyaient les vieux comme du minerai ! l'état étant aussi la sur la même considération, les chiens ne font pas des chats, du coup il arrive ce qui est arrivé a leurs pensionnaires !!! Deux mandarines un...

à écrit le 15/01/2024 à 13:18
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Des propriétaires d’Ehpad parmi les plus grosses fortunes de France : -Au 91ème rang, Charles Ruggieri, avec 1200 Millions d’€ et des parts de Clariane (Korian). -Au 135ème rang, Yves Journel, avec 750 Millions d’€ et 30 % de parts de DomusVi. -Au...

à écrit le 15/01/2024 à 8:41
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Destruction d’une entreprise suite à l’action d’un journaliste d’ »investigation », qui a estimé préférable de sortir un bouquin, que d’aller voir un juge pour dénoncer de possibles dérives, préférant jeter le bébé avec l’eau du bain. in fine, pour l...

à écrit le 14/01/2024 à 22:19
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Ce n'est pas un sauvetage mais un torpillage, l'entreprise était rentable et aurait pu être sauvée par des capitaux privés. Mais le sujet étant bien évidemment trop politique aucun investisseur n'a pu modifier la trajectoire. L'état récupère un fleur...

le 15/01/2024 à 8:13
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"et aurait pu être sauvée par des capitaux privés" Et pourquoi ils ne l'ont pas fait alors tout simplement !? LOL !

le 15/01/2024 à 9:54
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Orpea est mort avec le scandale. Comme Atos, ils etaient etranglés par la dette. L etat a pas trop mal joue sur cette operation, en faisant la necessaire augmentation de capital tres dilutive afin d eviter le classique "nationalisation des pertes, pr...

à écrit le 14/01/2024 à 8:10
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Mais n'est-ce pas la plus grosse escroquerie non plus ? Individualisation des gains et socialisation des pertes ce système économique est une aberration grotesque.

le 14/01/2024 à 11:35
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Eh oui @Dossier 51. En plus dans ce juteux business de la maltraitance de nos aînés qui demeure protégé au sein d'un pays qui se targue d'être la patrie des Droits de l'Homme (encore un énième paradoxe aberrant).

le 14/01/2024 à 14:22
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cela fait 3.76 resident pour remunere 1 salaire alors apres constat combien passe leur journe a jouer au golf car dans les epad jamais il n(y a eu un soignant pour minimum 5 pensionnaire

le 15/01/2024 à 6:28
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@Raymond: Je me permets de corriger..... par une ineptie: la France n'est plus le pays des "Droits de l'Homme" mais celle des "droits humains", de la "Carte d'Electeur" devenue "carte électorale"..... Toutes mec excuses pour l'intervention saugrenue!

le 15/01/2024 à 10:30
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"de la "Carte d'Electeur" devenue "carte électorale".. Et avec dorénavant un QR code dessus ,une mesure passée tranquillou pendant le Covid.

le 15/01/2024 à 12:51
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@henry. Votre intervention n'est pas saugrenue, bien au contraire, elle précise où l'"État autoritaire" (peut-être devrai-je dire les membres du conseil d'administration de cette entité de haut vol et son président) place ses priorités. Cordialement ...

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