« Nous investissons 500 millions d’euros dans la tech chaque année » (Bertrand Dumazy, directeur général d'Edenred)

Depuis 2015, il dirige le groupe de services aux salariés. Avec un produit phare : les titres-restaurant. Une activité au fort potentiel de croissance puisque seuls 25 % des salariés en bénéficient.
Le roi du titre-restaurant vise un CA de 5 milliards d’euros en 2030.
Le roi du titre-restaurant vise un CA de 5 milliards d’euros en 2030. (Crédits : © LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Edenred a réalisé de bons résultats au premier trimestre. Laissent-ils espérer une bonne année ?

BERTRAND DUMAZY - La croissance est très soutenue, puisque le chiffre d'affaires affiche sur cette période une hausse de 21,4 %. Depuis 2016, notre activité progresse dans toutes les zones géographiques et toutes les catégories de produits avec des ventes multipliées par 2,5 en huit ans. Nous restons optimistes car les marchés où nous sommes présents restent sous-pénétrés : en France, seuls 25 % des salariés bénéficient aujourd'hui de titres-restaurant. Les gisements de croissance se trouvent dans nos marchés historiques comme dans de nouvelles solutions. Soixante millions de personnes utilisent déjà nos produits dans le monde. Ils seront plus nombreux encore à l'avenir.

Outre les titres-restaurant, sur quels autres produits misez-vous ?

Nous fournissons de plus en plus de nouveaux services, en premier lieu des avantages aux salariés. Notamment aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Australie. Et à partir de cette année en France et en Belgique. Leur succès grandit, car la pénurie de main-d'œuvre qualifiée devient un phénomène planétaire et multisectoriel. Dans le numérique, on estime à 1 million le nombre d'emplois non pourvus. Le vieillissement de la population aggravera encore cette tension. Tous les employeurs du monde se retrouvent en concurrence pour recruter des profils similaires... et les retenir.

Comment aidez-vous les entreprises à fidéliser leurs salariés ?

Avec un portefeuille numérique spécifique, nous offrons des solutions modulables et faciles à mettre en place permettant aux entreprises d'être plus attractives dans la durée, y compris pour des employés en télétravail. Outre les titres-restaurant, chèques cadeaux ou tickets mobilité, nous proposons des offres de réduction pour des achats. Les entreprises demandent des avantages de plus en plus personnalisés en fonction des besoins. La même formule pour tous, c'est terminé. Nous nous adaptons à toutes les situations dans des marchés très différents.

Lesquels, par exemple ?

Au Cameroun, nous avons signé un accord inédit avec le gouvernement pour distribuer aux agriculteurs une aide destinée à financer les achats d'intrants, en fonction de la taille des parcelles et des cultures. Six cent mille exploitants en bénéficient déjà, et les pouvoirs publics souhaiteraient l'étendre à 2 millions d'entre eux. Aux Émirats arabes unis, nous avons conçu un mode de versement de salaires directement sur les téléphones portables des employés, pour éviter les paiements en liquide.

Au Mexique, nous offrons des téléconsultations médicales. En Amérique latine, le groupe est numéro un de la mobilité, avec une solution numérique pour le paiement des péages. En Europe, nous venons d'acquérir Spirii, qui installe et répare des bornes de recharge pour les véhicules électriques. Edenred est aussi un canal de distribution, bien au-delà de nos marchés historiques, grâce à l'innovation : nous investissons près de 500 millions d'euros chaque année en technologie.

Vos concurrents sont de plus en plus nombreux. Est-ce une menace ?

Le groupe est numéro un mondial et réalise 70 % de ses ventes dans des pays où il est le leader. Nous avons toujours été confrontés à la concurrence. Nous le serons toujours. Rien qu'en France, on recense une douzaine d'opérateurs dans les titres-restaurant. Mais dans notre secteur, les coûts de développement pour changer d'envergure sont énormes. Opérer une plateforme sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en respectant les normes de sécurité et les règles de conformité coûte très cher, en particulier pour de nouveaux arrivants.

Le numérique peut donner l'illusion d'une grande facilité. En fait, c'est tout l'opposé. Investir autant que nous le faisons, recruter les meilleurs ingénieurs, data scientists et développeurs ne s'improvise pas. Nous embauchons 2 000 à 2 500 personnes par an. Notre force de frappe nous donne un avantage majeur dans un contexte où les révolutions technologiques se succèdent de plus en plus vite, comme on le voit avec l'intelligence artificielle.

« Les titres-restaurant ont été conçus pour améliorer le bien-être et la santé au travail. »

Une note récente d'analyse financière exprime des réserves sur les capacités de croissance du groupe. Pourquoi ?

Sur 19 analystes qui suivent l'entreprise, seuls deux recommandent le titre Edenred à la vente. À nous de les convaincre de notre potentiel. L'un de leurs arguments concerne le reflux de l'inflation, qui pénaliserait l'entreprise. Mais on enregistrait déjà une croissance à deux chiffres avant la hausse des prix !

Le cours de la Bourse a baissé de plus de 20 % depuis janvier, et de près de 7 % le 19 avril. Cela vous inquiète-t-il ?

Le titre valait 13 euros à mon arrivée, en 2015. Il atteint 44 euros aujourd'hui. À ce niveau de progression, il est normal que certains prennent leurs gains. En 2022, alors que notre chiffre d'affaires était de 2 milliards d'euros, nous avons indiqué que notre ambition était d'atteindre 5 milliards en 2030. Il était de 2,5 milliards dès 2023. Cela plaide en notre faveur.

L'Autorité de la concurrence a condamné quatre entreprises émettrices de titres-restaurant pour entente. Le jugement a été confirmé en appel fin d'année dernière. Comment réagissez-vous ?

Nous contestons l'accusation. C'est pourquoi nous avons saisi la Cour de cassation.

Que pensez-vous de la demande d'utilisation des titres-restaurant en grandes surfaces ?

Les titres-restaurant ont été avant tout conçus pour améliorer le bien-être et la santé au travail. La crise sanitaire a par la force des choses étendu leur utilisation pour des produits à cuisiner, donc achetés en grandes surfaces. Ce débat oppose aujourd'hui les restaurants et les distributeurs. Il me semble qu'on devrait respecter leur premier mode d'utilisation, y compris peut-être en créant un autre produit - un ticket d'alimentation. À mon sens, le bienêtre au travail doit s'étendre à l'activité sportive. Ce sont des produits que nous proposons déjà en Europe du Nord, où les employeurs sont très sensibilisés à ce sujet. D'autres pays pourraient les imiter.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.