En Normandie, bataille rangée autour d’un parc à thème sur le débarquement

Depuis deux ans, les Normands s’écharpent autour d’un projet de parc touristique sur le thème du débarquement. Les opposants suspectent une « machine à cash » derrière ce qu’ils surnomment un « D Day Land ». Les partisans invoquent un « devoir de mémoire » alors que s’éteignent les derniers vétérans.
Evocation historique, la ciné-scénie Hommage aux Héros devrait être présentée six fois par jour pour un tarif d'entrée de 28,5 euros. 600.000 spectateurs par an sont espérés d'avril à octobre.
Evocation historique, la ciné-scénie Hommage aux Héros devrait être présentée six fois par jour pour un tarif d'entrée de 28,5 euros. 600.000 spectateurs par an sont espérés d'avril à octobre. (Crédits : DR)

Presque 80 ans après que les alliés ont pris d'assaut Omaha Beach, les plages de la côte de nacre sont à nouveau le théâtre d'une bataille rangée. Cette fois, sans effusion de sang fort heureusement. Au centre de l'affaire, un (gros) projet de ciné-scénie immersive baptisé Hommage aux Héros qui n'est pas sans rappeler le parc vendéen Puy du Fou. Le concept est né dans l'esprit de quatre entrepreneurs gravitant dans le monde de la télévision et du spectacle parmi lesquels l'ancien producteur de l'émission Nulle Part Ailleurs, Stéphane Gateau, et l'ex directeur financier du groupe Canal +, Richard Lenormand.

Leur projet ?  Créer à Carentan-les-Marais (Manche) un théâtre mobile sur rail de 400 mètres de long dans lequel les spectateurs verront défiler des « images d'archives et des tableaux vivants » commémorant les grands moments du débarquement et de la bataille de Normandie. L'ouverture est annoncée au printemps 2025. Les quatre hommes, qui revendiquent le soutien de deux fonds d'investissement français et d'un pool de banques régionales promettent d'y injecter 90 millions d'euros, à quoi il faut ajouter la création de 300 emplois directs et indirects. Une étude de marché table sur la venue de 600.000 spectateurs par an d'avril à octobre.

« Business mémoriel » vs « devoir de témoignage »

Mais le projet est loin de faire l'unanimité. Depuis qu'Hervé Morin, président de la Région, en a dévoilé les contours en janvier 2020, il est l'objet d'un tir de barrage de la part d'élus et d'historiens qui s'interrogent sur la rigueur scientifique de la démarche, mais aussi de personnalités et de vétérans. Les premiers à donner le canon ont été les descendants du célèbre commando Kieffer qui déclaraient dans une tribune publiée par Le Monde en septembre 2020 : « La transmission de la mémoire ne peut en aucun cas se faire sur un mode spectaculaire, festif et commercial ». Dans leur sillage, plusieurs comités d'opposants se sont créés pour dénoncer « un business mémoriel » ou encore « un risque de  cannibalisation » des sites de la côte de nacre dédiés à cette période de l'histoire. Ils suspectent en effet le projet de n'être qu'une « machine à cash » derrière ce qu'ils surnomment un « D Day Land ».

De son côté, la société « Hommage aux Héros » tente d'organiser la riposte à la faveur du lancement d'une concertation publique placée sous l'égide de la CNDP (Commission nationale du débat public) qui s'achèvera le 7 octobre. En attendant, ses fondateurs mobilisent leurs partisans. Ils viennent de s'assurer du soutien des six chambres de commerce normandes avec qui une convention de partenariat a été signée et peuvent compter sur l'appui résolu du président de la Région. Dans un film promotionnel sur le projet dévoilé cet été, Hervé Morin insiste sur la « responsabilité majeure de la Normandie et son devoir de témoignage » dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Ce que l'ancien ministre de la Défense ne dit pas, c'est que cette dimension historique  se double d'un enjeu disons plus prosaïque. La Normandie qui abrite pas moins de 94 lieux de mémoire (musées, sites naturels, cimetières....) redoute en effet que ce tourisme mémoriel, qui draine la majeure partie de ses visiteurs français et étrangers, finisse par perdre de son pouvoir magnétique auprès de jeunes générations oublieuses, biberonnées à l'immédiateté des écrans et des réseaux sociaux. De là à penser que cet Hommage aux Héros est la bonne réponse, le débat est ouvert comme on le voit.

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Commentaires 2
à écrit le 15/09/2022 à 22:41
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Ce ne sont pas les opposants au projet qui l'ont nommé D Day Land, mais bien, à l'origine, ses inventeurs qui ont ensuite préféré un plus politiquement correct "Hommage aux héros". Les opposants parlent eux désormais d' "Hommage aux euros"...

à écrit le 15/09/2022 à 18:23
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La guerre, c'est de la sueur, du sang et des larmes, comme l'a dit Churchill Les gens dignes pensent aux souffrances endurées, que seul le silence, après le tumulte, peut traduire Les autres ne pensent à rien ou bêlent, les pires à l'argent et au...

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