Se baigner (ou pas) dans la Seine ? La question s’invite aussi en aval de Paris

C’est l’un des effets collatéraux des canicules à répétition. De plus en plus de projets émergent en aval de la capitale visant à réhabiliter la baignade et les activités nautiques sur le bassin de la Seine. Face au phénomène, les autorités apparaissent un peu démunies.
A l'initiative de l'Entente de l'axe Seine, Rouen et Le Havre ont organisé un événement de baignade dans la Seine en juillet dernier. Ici dans le bassin du commerce au Havre
A l'initiative de l'Entente de l'axe Seine, Rouen et Le Havre ont organisé un événement de baignade dans la Seine en juillet dernier. Ici dans le bassin du commerce au Havre (Crédits : DR)

Piquer une tête dans le fleuve préféré des impressionnistes n'est plus une vue de l'esprit. Et pour cause, Paris a récemment remis au goût du jour la baignade en eaux vives, à l'image d'autres grandes métropoles européennes comme Zurich, Berlin et Prague. En aval de la capitale aussi, la tentation du grand plongeon émerge à la faveur du changement climatique.

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Ainsi, plusieurs localités riveraines de la Seine, non loin de Rouen, rêvent désormais de braver l'interdiction en vigueur depuis les années 1920, sous la pression de collectifs ou d'associations sportives, impatients de se réapproprier les eaux urbaines.

Les collectivités se jettent à l'eau

Dans le détail, les communes de Belbeuf et d'Elbeuf projettent notamment d'aménager des zones de loisirs aquatiques. Autre exemple : un club de voile se bat pour obtenir un bassin où faire voguer ses petits catamarans. Ailleurs encore, des élus ferraillent pour créer une marina fluviale, une aire réservée aux paddles.

« Depuis deux ans, on observe une croissance exponentielle des demandes des collectivités locales relatives à la baignade et aux activités nautiques », confirme Marie-Noëlle Riffaut, responsable du bureau « tourisme et relation avec les usagers » chez VNF (Voies Navigables de France) pour le bassin de la Seine.

Certains ont déjà franchi le Rubicon, avec ou sans blanc-seing préfectoral. « Les expérimentations plus ou moins encadrées se multiplient par le biais d'initiatives collectives ou individuelles », observe Gabrielle Bouleau, chercheuse à l'INRAE, et fine connaisseuse du mouvement naissant des baignades urbaines. Future directrice du groupement de recherche Piren-Seine, cette sociologue, hydraulicienne de formation, aime à citer en exemple le « Big Jump ». Littéralement le grand saut, il désigne une journée internationale de baignade, née en Allemagne sur les rives de l'Elbe, et depuis copiée par plusieurs villes françaises, dont Rouen et Le Havre pour la première fois, en juillet dernier.

Courants forts

Face à la montée du phénomène, les autorités font preuve d'une prudence de Sioux. Pas question, à ce stade, d'ouvrir grand les vannes, canicule ou pas. A l'Agence Régionale de Santé (ARS) de Normandie, on met en avant les risques sanitaires. « Bien qu'elle se soit améliorée, il reste très compliqué de maîtriser la qualité bactériologique dans un milieu comme celui de Seine », fait valoir Jérôme Le Bouard, responsable adjoint du pôle environnement et santé.

Chez Haropa Port, l'établissement public qui chapeaute les trois grands ports de la vallée de Seine, on invoque d'autres périls, la présence de « macro-déchets », mais aussi la marée sensible jusqu'à l'amont de Rouen.

« Le marnage oscille entre 4 et 5 mètres et les courants peuvent atteindre 6 kilomètres heure, deux fois la vitesse à laquelle se déplace un bon nageur », rappelle Xavier Lemoine, directeur de l'environnement.

La circulation très dense sur le fleuve constitue un autre obstacle à la pratique des loisirs aquatiques, souligne-t-on au sein des Voies Navigables de France. « L'écluse Amfreville-sous-les-Monts [en amont de Rouen] enregistre 2.000 passages quotidiens, celle de Suresnes jusqu'à 7.000 », illustre-t-on. Sans oublier, les raccordements non-conformes aux réseaux des eaux usées, sources de pollutions.

La porte n'est pas fermée

Dès lors, les espoirs des candidats à la baignade ou au pédalo sont-ils ruinés ? Pas tout à fait. La pression se faisant plus forte à mesure que le thermomètre grimpe, les pouvoirs publics et les autorités portuaires et fluviales, jusqu'ici très modérément enthousiastes, commencent à mettre un peu d'eau dans leur vin. A Paris, comme en aval.

« Si l'on s'éloigne d'un point de rejet des eaux usées, c'est envisageable à condition que les gestionnaires soient en capacité de fermer provisoirement la baignade en cas d'orage par exemple », concède Jérôme Le Bouard de l'ARS Normandie.

Reste que les parties prenantes sont peu acculturées à cette problématique montante. Faute d'une doctrine de référence, rares sont les services capables de répondre aux sollicitations des associations ou des collectivités qui leur parviennent, reconnaît Marie-Noëlle Riffaut. « Les activités nautiques sont un peu le parent pauvre de VNF. On a besoin de s'armer en conséquence », indique-t-elle. Même constat chez Haropa Port, où Xavier Lemoine pointe le besoin de « professionnalisation ». Comme une invitation à mouiller le maillot.

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Commentaires 3
à écrit le 20/09/2023 à 18:18
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La photo de l'article, aussi sympa soit-elle, n'est pas au bon endroit : le bassin du Commerce au Havre est rempli d'eau de mer.

à écrit le 20/09/2023 à 13:46
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Mon père, et il n'était pas tout seul, se baignait dans la Seine à Saint Cloud à La Passerelle de l'Avre. Ah! Heureuse époque où les ministères ne tenaient pas huit jours et où la seule préoccupation générale était de "suivre le boeuf"!

à écrit le 20/09/2023 à 10:55
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Les grands champs immenses sulfatés aux pesticides et autres engrais sans parler d'une industrie polluante décomplexée en amont de la Seine, tandis que le lobby agro-industriel fait la pluie et le beau temps en matière de règlements liés à l'exploita...

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