Accident Rio-Paris : 3mn30 de descente après le décrochage de l'avion

Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a rendu publics les enregistrements de conversations des pilotes du vol AF 447 Rio Paris. Les données recueillies montrent que les pilotes ont lutté avec les commandes pendant près de quatre minutes.
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Devant les informations contradictoires publiées par la presse ces derniers jours, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a décidé de lever le voile sur les données extraites des "boîtes noires" de l'A447 d'Air France lors du vol Rio-Paris le 1er juin 2009, y compris les dernières conversations des pilotes avant que l''appareil ne sombre dans l'Atlantique avec 228 personnes à bord.

"Ce que nous publions aujourd'hui, ce ne sont que des constatations et ce n'est pas la compréhension de l'événement", a déclaré Jean-Paul Troadec, le directeur général du BEA, évoquant comme au début de l'enquête une combinaison de facteurs techniques et humains. "Pour comprendre comment tout cela s'est enchaîné, c'est un travail qui commence" affirmant au passage que le BEA n'avait subi aucune pression d'Airbus ou d'Air France, les seuls pressions étant "les pressions médiatiques".

On apprend qu'au moment de l'événement, le commandant de bord était en repos tandis que les deux copilotes se trouvaient dans le cockpit, mais il est revenu dans le poste de pilotage "environ 1 mn 30 après le désengagement du pilote automatique".

Extrait des dernières conversations de l'équipage de vol

- 22h29 le 31 mai 2009 : décollage de Rio. Un commandant de bord et deux copilotes sont dans le cockpit.

- 01h55, le 1er juin: le commandant de bord réveille le second copilote et annonce: "Il va prendre ma place".

- de 01h59 à 02h01: briefing entre le commandant et les deux copilotes. Un copilote dit: "Le petit peu de turbulence que tu viens de voir (...) on devrait trouver le même devant (...) on est dans la couche malheureusement on ne peut pas trop monter pour l'instant parce que la température diminue moins vite que prévu". Le commandant de bord quitte le poste de pilotage.

- 02h08: le premier copilote propose: "Tu peux éventuellement prendre un peu à gauche". L'avion entame un léger virage à gauche. L'avion réduit sa vitesse.

- 02h10mn et cinq secondes: le pilote automatique et l'auto-poussée se désengagent. Le second copilote annonce: "J'ai les commandes". L'avion part en roulis à droite et un copilote exerce une "action" à gauche et cabre l'avion.

- 02h10mn et 16 secondes: "On a perdu les vitesses alors", dit le premier copilote. Une alarme de décrochage se déclenche. L'avion prend une trajectoire ascendante. Le second copilote tente de faire piquer l'avion et manoeuvre alternativement de droite à gauche.

- A partir de 02h10mn 50 secondes: le premier copilote tente plusieurs fois de rappeler le commandant de bord.

- 02h10mn et 51 secondes: l'alarme de décrochage se déclenche. L'altitude de l'avion atteint son maximum à 38.000 pieds mais le pilote tente de cabrer l'avion.

- 02h11mn 40 secondes: le commandant de bord rentre dans le poste de pilotage. Dans les secondes qui suivent, toutes les vitesses enregistrées deviennent invalides, donc ne sont pas prises en compte par les ordinateurs, et l'alarme de décrochage s'arrête. L'altitude est alors d'environ 35.000 pieds, mais la vitesse de descente est d'environ 10.000 pieds par minute.

- 02h12 min 02 secondes: le copilote dit: "Je n'ai plus aucune indication". Le commandant: "On n'a aucune indication qui soit valable". Une quinzaine de secondes plus tard, le copilote tente de faire piquer l'avion. Les vitesses redeviennent valides et l'alarme de décrochage se réactive.

- 02h13 min 32 secondes: Le copilote dit: "On va arriver au niveau cent". Quinze secondes plus tard, des actions simultanées des deux pilotes sur les mini-manches sont enregistrées. Le copilote dit: "Vas-y, tu as les commandes".

- 02h14 min 28 secondes: fin des enregistrements.

Un des pilotes a prévenu l'équipage qu'ils allaient entrer dans une zone de plus fortes turbulences près de huit minutes avant la fin des enregistrements des boîtes noires.

Rapport d'étape fin juillet

La publication du rapport d'étape qui doit expliquer les causes de la catastrophe est toujours prévue d'ici fin juillet. L'hypothèse d'un problème de sondes de mesure de vitesse du type Pitot, fabriquées par Thales et qui équipaient les A330 et A340, a été avancée comme une cause possible du drame. Les Pitot ont été remplacées par d'autres sondes sur toute la flotte Air France après l'accident.

Les sondes Pitot de l'épave pourraient être remontées plus tard. Ces petits tubes placés à l'avant de l'appareil givraient à haute altitude, ce qui aurait pu perturber le pilotage.

Un "pas important"

Cette publication est un "pas important en vue de l'identification de la totalité de la chaîne d'événements qui a conduit à l'accident tragique du vol Air France 447", a déclaré Airbus, en ajoutant qu'il continuera de collaborer avec le BEA dans son enquête.

"Cette description des faits se substitue aux hypothèses émises depuis deux ans. Il apparaît que l'équipage en fonction a suivi l'évolution météorologique et a effectué un écart de route, que la panne des sondes de vitesse est l'événement initial qui entraîne la déconnexion du pilote automatique et la perte des protections de pilotage associées, que l'avion décroche à haute altitude" déclare de son côté Air France dans un communiqué publié ce vendredi. Et d'ajouter :" Il apparaît également que le commandant de bord a rapidement interrompu son repos pour rejoindre le
poste de pilotage. L'équipage, rassemblant les compétences des trois pilotes, a fait preuve de professionnalisme, engagé jusqu'au bout dans la conduite du vol et Air France souhaite
leur rendre hommage".

Réserves des familles

"Le rapport du BEA ne dit pas grand chose et n'apporte rien de très nouveau; il précise les circonstances de l'accident mais il n'y a pas d'analyse sur les causes", a déclaré à l'AFP Nelson Faria Marinho, le président de l'Association des victimes brésiliennes et père d'une des victimes de l'accident.

 

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