A l'aéroport de Bâle-Mulhouse, les coûts du raccordement ferroviaire s'envolent

Les co-financeurs français, suisses et allemands ont trouvé un accord sur la gare ferroviaire qui desservira en 2035 le plus grand aéroport du Grand-Est. Mais le budget s'est envolé : 475 millions d'euros pour construire six kilomètres de rails et deux quais qui n'accueilleront pas le TGV.
L'aéroport de Bâle-Mulhouse a accueilli 8,1 millions de passagers en 2023.
L'aéroport de Bâle-Mulhouse a accueilli 8,1 millions de passagers en 2023. (Crédits : Olivier Mirguet)

Le statut bi-national de l'Euroairport de Bâle-Mulhouse, régi depuis 1949 par une convention franco-suisse, se révèle encore une fois accélérateur de son développement. La France, la Suisse et accessoirement l'Allemagne se partageront les coûts du chantier (475 millions d'euros) de la desserte ferroviaire, désormais prévue en 2035. Le projet prévoit l'aménagement de deux quais situés à l'extérieur de l'actuelle aérogare. Pour y accéder, les trains régionaux emprunteront six kilomètres de voies nouvelles aménagées sur un tracé inédit, à l'Ouest de la desserte existante entre Mulhouse et Bâle. Les TGV en provenance de Mulhouse, Colmar et Strasbourg ne s'y arrêteront pas.

La dynamique économique de sa zone de chalandise trinationale justifie depuis plusieurs décennies des investissements publics conséquents (40 millions d'euros pour la zone de fret en 2014) et récurrents à l'Euroairport. Avec 8,1 millions de passagers en 2023, en progression annuelle de 19 %, l'activité aéronautique a connu un rebond post-Covid plus soutenu que la moyenne française. La dynamique du fret (108.000 tonnes en 2023) a conforté le rôle de l'Euroairport dans les échanges économiques internationaux depuis l'Alsace, le Bade-Wurtemberg et la Suisse du Nord-Ouest.

Une échéance toujours reportée

Ce nouveau projet, complexe et coûteux, donne pourtant du fil à retordre aux aménageurs. La « nouvelle liaison ferroviaire » vient d'entrer dans sa troisième décennie d'études. L'avant-projet détaillé a été livré par la SNCF mais la mise en service, promise initialement en 2026, a été reportée à plusieurs reprises.

« La ligne traversera des zones qui sont déjà fortement urbanisées. Le chantier s'inscrit dans un cadre réglementaire de plus en plus sévère », observe Marc Steuer, directeur adjoint de l'Euroairport. Le tracé choisi nécessitera la construction d'ouvrages pour franchir l'autoroute existante et les parkings seront réaménagés.

Conséquence : le prix de la « Nouvelle liaison ferroviaire de l'Euroairport » (NLFEAP) s'est envolé. Estimé à 250 millions d'euros en 2010, l'investissement est désormais annoncé à 475 millions d'euros « compte tenu de l'inflation prévisionnelle ». Soit 353 millions d'euros aux conditions économiques de janvier 2023, partagés entre les autorités territoriales françaises et suisses (130 millions d'euros et 150 millions d'euros), l'Allemagne (30 millions d'euros) et l'Euroairport, qui apportera 80 millions d'euros en fonds propres. Le solde devrait être apporté par l'Union européenne, par le biais de son mécanisme européen d'interconnexion (MIE).

Intégrer l'Euroairport dans le SERM

« Le but n'est pas seulement de réaliser six kilomètres de voies nouvelles. La connexion ferroviaire s'inscrit dans un cadre territorial élargi et dans le contexte des SERM, les services express régionaux et métropolitains », observe Luc Gaillet, président du directoire de l'Euroairport.

L'aire métropolitaine qui englobe Mulhouse et l'agglomération bâloise compte 1,1 million d'habitants. Dans leurs argumentaires, les défenseurs de la NLFEAP (direction de l'aéroport, élus, mouvements patronaux) ont beaucoup insisté sur un report modal offert aux salariés de la plate-forme (6.300 employés). Les passagers, qui ne trouvent guère d'alternative à la voiture individuelle pour se rendre à l'aéroport, sont également ciblés.

Les arguments ont évolué. Depuis cet hiver, le sud de l'Alsace est candidat à l'aménagement d'un SERM. Avec un service renforcé de transport public, la France alignerait ses ambitions sur celles de la Suisse : les deux cantons de Bâle s'apprêtent à engager un saut d'offre conséquent. Un projet colossal d'investissement, baptisé « Herzstück Basel », mobilisera 9 milliards de francs suisses (9,3 milliards d'euros) jusqu'en 2050 au profit de tunnels et de lignes de trains régionaux traversant la ville.

Cinquante fois plus cher

A l'échelle des trois frontières, le raccordement ferroviaire de l'Euroairport ne représente qu'une part minime de l'investissement. Mais à l'échelle du Grand-Est, la quote-part de 130 millions d'euros (dont 30 % de co-financement escompté par l'Etat) apparaît difficile à avaler.

« Les promoteurs de ce projet n'ont pas conscience du volume d'investissements ferroviaires nécessaires en Alsace », observe Florent Manrique, représentant de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) dans le Sud-Alsace. « Nous défendons des projets de réouvertures de lignes entre Colmar et Fribourg, Bollwiller et Guebwiller, Sarreguemines et Bitche. Le projet de l'Euroairport apparaît totalement démesuré, cinquante fois plus cher qu'un kilomètre de chemin de fer standard qui coûte 1,5 million d'euros. D'autant que le TGV ne s'y arrêtera pas », regrette Florent Manrique.

Pendant les débats publics, en 2019 et en 2021, les opposants au projet n'ont guère pointé les enjeux écologiques, relativement faibles cet aménagement. Ils ont en revanche regretté la concurrence entre le raccordement ferroviaire et un projet d'extension de la branche haut-rhinoise du tramway de Bâle. A l'étude depuis 2017 et financée par le autorités suisses, cette dernière relierait l'aéroport en passant la ville française de Saint-Louis.

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Commentaires 4
à écrit le 22/03/2024 à 9:14
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Estimation de 475 millions d'Euros pour 6 Kms de voie ferrée c'est tout simplement absurde, il doit y avoir beaucoup de personnes qui se "sucrent " au passage avec probablement une corruption effroyable. Pour pérenniser l'hôpital de St Louis il n'y ...

à écrit le 19/03/2024 à 12:06
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Bonjour, bon pour ,6 km.de ligne de chemin de fer, et deux quais sa coûte peut-être un peux chère... J'espère qu'ils y aura pas non plus des surcoûts... Bien sûr ils ne faut pas le dire...

à écrit le 19/03/2024 à 9:15
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A tous les coups madame Van Layen s'est encore mêlée de ce projet ! Forcément... ^^

le 19/03/2024 à 12:14
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mêlée donc emmêlée ? :-) Il faut bien trouver des boucs émissaires, ça rassure. Fessenheim, la Suisse et l'Allemagne réclamaient sa fermeture (danger sismique, etc) mais en étant co-propriétaires ont demandé des compensations financières pour arrêt ...

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