A la COP28, une déclaration historique pour décarboner le transport maritime

La déclaration commune des PDG de CMA CGM, Maersk, MSC, Hapag-Llyod et Wallenius Wilhelmsen – rejoints par le coréen HMM – au lendemain de l’ouverture de la COP28 restera, quoi qu’il arrive, dans l’Histoire. En exhortant à une réglementation beaucoup plus exigeante, en réclamant une tarification qui rende le carburant vert compétitif et une date limite pour la construction de nouveaux navires propulsés encore au carburant fossile, l’industrie maritime affiche son horizon, le zéro émission nette à horizon 2050. Un horizon ambitieux certes, mais qui met l’ensemble des acteurs face à leurs responsabilités, y compris l’Organisation maritime internationale.
(Crédits : Reuters)

On déplore souvent les grandes déclarations non suivies d'effets. Celle, commune, des PDG des plus grandes compagnies maritimes mondiales, faite lors de la seconde journée de la COP28, ne devrait pas être de celles-là. C'est une véritable feuille de route que les PDG de CMA CGM (propriétaire de La Tribune, NDLR), Maersk, MSC, Hapag-Llyod et Wallenius Wilhelmsen - rejoints par le coréen HMM - ont proposé ce vendredi, sous forme de recommandations qui embarquent tous les acteurs concernés.

Il faut dire que le maritime - responsable de 2 à 3% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial est très souvent critiqué pour son empreinte carbone. Certes, le secteur n'ignore pas, depuis plusieurs années, les sujets de décarbonation. Mais parce que les enjeux sont importants, les investissements nécessaires vertigineux et les mentalités longues à imprimer le changement, la meilleure façon de frapper fort est de parler d'une seule et même voix. À Dubaï, les PDG des compagnies française, italienne, suisse, allemande et coréenne ont posé quatre leviers d'action ambitieux .

Du besoin d'investissement en R&D (et de rassurer les investisseurs)

D'abord celui de la réglementation, potentiellement cause de déséquilibre. L'objectif : faire en sorte que la tarification permette de rendre le carburant vert compétitif par rapport au carburant fossile, le temps que la transition totale se fasse. L'idée est d'encourager les investissements et de ne laisser personne à la traîne. Ce qu'il faut c'est inciter, mais inciter très fortement. Au point même de pousser les revenus générés par cette balance verte vers un fonds de R&D et des investissements dans les pays en développement, par nature plus contraints financièrement dans leur transition. Une vision globale qui est mère de réussite et surtout d'accélération.

Car le point central de la déclaration commune c'est cela : aller vite, beaucoup plus vite. Mais bien. D'où l'intérêt - toutes les compagnies sont alignées sur cette conviction - d'une réglementation qui joue un rôle essentiel dans l'atténuation du coût de la transition et du risque d'événements météo extrêmes. L'idée est bien d'avoir des contraintes, mais que celles-ci tirent vers le haut toute l'industrie, sachant que subir les conséquences des conditions météorologiques extrêmes coûte toujours plus cher...

Levier également demandé, celui de considérer la mise en commun des navires pour la conformité réglementaire, plutôt que chaque navire, individuellement. Là encore, il s'agit de flécher les investissements là où il est possible de réduire plus drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Ce qui est profitable à l'ensemble de la flotte mondiale.

En finir avec la construction de navires « non propres »

Mais on peut saluer surtout, au-delà des considérations réglementaires, la demande qui concerne la construction de nouveaux navires encore propulsés grâce à des combustibles fossiles. C'est bien là le nœud gordien : tant qu'il est possible de commander et mettre à l'eau des navires ne faisant pas appel à des carburants alternatifs, c'est une transition qui ne se fait pas entièrement. Pour cela, les PDG des compagnies mondiales demandent un calendrier clair, le but étant encore de donner confiance et rassurer les investisseurs, autant pour soutenir la construction de nouveaux navires que - car l'un ne va pas sans l'autre - celles d'infrastructures d'approvisionnement.

La mise en commun des efforts, des réflexions et des engagements est clairement la meilleure façon pour pousser l'industrie maritime dans une transition efficace et la plus efficiente possible. CMA CGM a déjà initié la méthode en lançant une Coalition internationale qui réunit les acteurs majeurs de la logistique et du transport. C'est de cette mise en commun que naissent les capacités d'accélération. Car entre les volontés, les objectifs et la mise à disposition des technologies, il existe un temps de latence dont il faut tenir compte, invariablement.

L'entente entre armateurs s'est aussi prouvée avec le récent rapprochement effectué entre CMA CGM et Maersk. Si Vincent Clerc, le PDG de la compagnie danoise, appuie sur la nécessité d'un choix vert qui soit plus facile à faire, Rodolphe Saadé, le PDG de CMA CGM annonce la réduction des émissions de CO2 du groupe de l'ordre de 1 million de tonnes en 2023. Le fonds Pulse, qui consacre 1,5 milliard d'euros à la décarbonation du secteur maritime a, par ailleurs, déjà engagé 465 millions d'euros. Si pour l'heure plusieurs carburants sont disponibles dont le GNL et le méthanol, la R&D peut apporter et apportera sûrement de nouvelles pistes, encore ignorées à ce jour. Or, la recherche et le développement sont gourmands en investissements. Le fléchage des ressources financières vers la décarbonation est un enjeu essentiel pour rendre les objectifs concrets. Toujours est-il que cette déclaration commune des plus grands décideurs du monde maritime doit servir de valeur d'exemple. Face à l'exigence des transitions, il ne faut pas tergiverser, mais jouer l'union, la vision commune et à long terme. Un défi qui, par ailleurs, dépasse largement le seul domaine maritime...

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Commentaires 2
à écrit le 02/12/2023 à 10:29
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Ok mais faudra nous expliquer ce qu'est le carburant vert. Aux dernières nouvelles ça n'existe pas. S'ils font référence au GNL ça n'a rien de vert. Au mieux un peu moins noir que le pétrole.

à écrit le 02/12/2023 à 9:17
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Photographie: Mais qu'avons nous fait pour en arriver là ?

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