ADP reçoit le feu vert pour augmenter ses redevances aéroportuaires : coup dur pour les compagnies aériennes

L'autorité de régulation des transports (ART) a homologué la proposition du gestionnaire des aéroports parisiens d'augmenter de 2,5% en 2021 les redevances prélevées aux compagnies aériennes. Ces dernières, qui demandaient le gel des redevances, sont furieuses. Les hausses demandées par les aéroports de Lyon et Marseille ont été refusées.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : ADP)

Le dossier est passé comme une lettre à la poste. Alors que la demande d'ADP d'augmenter les redevances facturées aux compagnies aérienne de 2,5% en 2021 paraissait hors d'atteinte pour un certain nombre d'analystes au regard de la crise sans précédent que traverse le transport aérien, elle a bien été homologuée par l'Autorité de régulation des transports (ART), l'ancien gendarme du ferroviaire, des autoroutes et des cars longue distance (Arafer), qui s'est vue attribuée en 2019 la régulation des aéroports, à la place de l'autorité de supervision aéroportuaire (ASI), laquelle était devenue un véritable cauchemar pour les aéroports.

"L'autorité considère que la hausse des tarifs proposée par la société ADP est modérée", écrit l'ART dans son avis. "ADP respecte la règle selon laquelle le produit global des redevances n'excède pas le coût des services rendus avec un taux de couverture des services publics aéroportuaires de 60-70% pour la période tarifaire 2021 et selon les prévisions de trafic actualisées", ajoute-t-elle.

Sujet explosif

Les compagnies aériennes sont furieuses. Déjà en temps normal, le sujet est sensible. Avec la crise, il est explosif.

"ADP continue son inexorable politique d'augmentation des tarifs, totalement déconnectée de la réalité du transport aérien et en toute opacité", a déclaré dans un communiqué le Syndicat des Compagnies Aériennes Autonomes (Scara), en dénonçant une "décision incompréhensible qui ne repose sur aucun fondement raisonnable".

"Visiblement, tout le monde ne vit pas la même crise", a renchéri à La Tribune Alain Battisti, le président de la Fédération Nationale de l'Aviation Marchande (Fnam).

Les compagnies aériennes, Air France, demandaient le gel des redevances, comme de nombreux aéroports étrangers le font.

"Air France déplore toute augmentation des redevances aéroportuaires, en particulier dans la situation de crise actuelle", a indiqué à La Tribune la compagnie.

"Alors que l'Etat  perfuse les compagnies a coups de milliards pour essayer de les maintenir en vie, que les grands projets d'investissements sont maintenant suspendus, que les conditions d'exploitation sur les terminaux ne répondent en rien a la qualité de service attendue en contrepartie des redevances payées, nous ne pouvons que nous interroger sur la décision de l'ART homologuant une augmentation tarifaire dans un contexte économique catastrophique et calamiteux pour le secteur aérien", déclare Jean-Pierre Sauvage, président du Board Airlines Representatives (BAR).

Concernant  les investissements, certains reconnaissent qu'ADP a joué le jeu en les gelant, évitant ainsi une hausse supérieure des redevances.

Perte d'opportunités du Brexit

Début novembre, ADP avait expliqué à La Tribune les raisons de cette hausse de 2,5%.

"La hausse de 2,5% que nous proposons compense la perte d'opportunités liée au Brexit", indiquait Philippe Pascal, directeur général adjoint Finances, Stratégie et Administration du groupe ADP.

Le gestionnaire des aéroports parisiens a en effet décidé de maintenir le statut "européen" des vols à destination du Royaume-Uni pour éviter qu'ils ne basculent, avec le Brexit, dans la tarification "vols internationaux", beaucoup plus chère. Ceci dans le but de maintenir l'attractivité de Paris une fois le Royaume-Uni hors d'Europe, précisait Philippe Pascal. Une demande qui ravit davantage Easyjet qu'Air France, même si la compagnie soutenait cette position Air France avant la crise sanitaire.

Révision à la baisse des prévisions de trafic

Pour autant, les recettes d'ADP seront inférieures à ses prévisions. En effet, selon l'ART, ADP a, pendant l'instruction, révisé à la baisse ses estimations de trafic pour l'année 2021. Alors qu'il tablait initialement sur un trafic compris entre 60 et 80 millions de passagers, le gestionnaire des aéroports parisiens prévoit désormais un trafic qui se situerait entre 48 et 60 millions de passagers. Une baisse considérable qui impacte de facto les prévisions de rentabilité des capitaux investis (ROCE).

La crise fausse les règles de calcul

Avec la dégringolade du trafic aérien, la crise a faussé les règles de calcul des redevances. En raison de la gravité de la crise, le contrat de régulation économique (CRE) qui était censé définir dans un cadre pluriannuel, avec un plafond de hausse des redevances à ne pas dépasser chaque année, a été suspendu. ll a laissé place à un système sans contrat dans lequel les évolutions tarifaires sont négociées chaque année en devant respecter les règles européennes en la matière. A savoir que les redevances couvrent le coût du service rendu pour l'aéroport (dans lequel le coût du capital est inclus), et que leur évolution soit modérée. Deux points respectés par ADP, selon l'ART.

Autrement dit, tant qu'il ne couvre pas ses charges, un aéroport a théoriquement le droit d'augmenter les redevances. Chez ADP, l'application stricto sensu de ces critères aurait fait exploser le niveau des redevances bien au-delà des 2,5% de hausse. Ceci, même en retenant un coût moyen pondéré du capital très bas.

Un discours qui ne convient pas au Scara.

"L'ensemble du processus qui a amené l'ART à l'homologation des tarifs d'ADP dans une totale opacité, et en faisant abstraction de la crise économique mondiale, montre les limites du système. Ce dernier avatar d'un temps révolu met en évidence l'urgence de la refonte de la relation aéroportuaire, demandée depuis le début de la crise sanitaire dès le mois de mars par le Scara", explique ce dernier. Pour le Scara, cette  refonte passe par, l'abandon du système de « double caisse » , l'arrêt des privatisations d'infrastructures stratégiques pour la Nation, et la reprise par l'État de ses fonctions régaliennes dans les aéroports, à commencer par la sûreté".

Contrairement à ADP, les aéroports de Lyon et de Marseille, qui proposaient une hausse respective de 9% et 8,2% ont vu leur demande retoquée. Ils devront faire une deuxième proposition. En cas de deuxième refus, l'ART pourra les fixer elle-même.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 4
à écrit le 11/02/2021 à 14:23
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Dans ce dossier l'état est juge et partie , et ce n'est pas normal ni meme légal , je pense.. Car ADP c'est l'état , et l'état veut vendre ADP donc pare la promise de ses plus beaux habits avec ce cadeau qui plombe les airlines déjà assez plombées c...

à écrit le 11/02/2021 à 13:20
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Non, le véritable coup dur c'est l'arrêt du tourisme de masse et du fret aérien pour cause de contrainte sanitaire. Les taxes d'ADP sont les mêmes pour toutes les compagnies qui utilisent ses plates-formes, ne détournons pas le regard dans le sens où...

à écrit le 11/02/2021 à 12:53
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Les plus lourdes au monde qui ne profitent qu'à ADP. Aéroports les plus inconfortables au monde Boutiques : commissions abusives Billets lourdement renchéris par ces redev abusives

à écrit le 12/01/2021 à 8:51
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C'est logique c'est le résultat du véritable coup dur pour l'économie aérienne qu'est cette crise du covid sachant qu'en plus nos dirigeants néolibéraux shootés aux "gronavions" ne ferment toujours pas les aéroports tandis que le virus se ballade tra...

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