Air France et ses pilotes : le temps passe, les divergences persistent

Les négociations avec les pilotes patinent et ne seront pas bouclées d'ici à la fin janvier comme la direction l'espérait. Les divergences sur les projets de la compagnie pour améliorer sa compétitivité sont encore très profondes.
Fabrice Gliszczynski

Après plus de deux ans de négociations infructueuses, le calendrier fixé par la nouvelle direction d'Air France pour négocier avec les syndicats de pilotes les mesures du projet "Trust Together" présentées début novembre, touche à sa fin. Le PDG d'Air France-KLM et président d'Air France, Jean-Marc Janaillac, espérait en effet boucler ces négociations qui visent à améliorer la compétitivité du groupe Air France d'ici à fin janvier.

Projet de création d'une compagnie "B"

Celles-ci portent essentiellement sur les conditions de création d'une nouvelle compagnie au sein d'Air France, qui afficherait des coûts inférieurs de 20% à ceux de la maison-mère, ainsi que sur une baisse des coûts au sein de la compagnie Air France.

Au regard des divergences entre la direction et le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), il paraît peu probable pour ne pas dire impossible que les réunions de négociations prévues ce lundi et ce mardi débouchent sur un accord. On en est très loin aujourd'hui selon plusieurs pilotes.

«ll y a eu des échanges de point de vue, mais pas encore de négociations à proprement parler», explique l'un d'eux. «Le mois de discussions que nous avons mené a porté sur des choses concrètes mais il n'a pas été aussi fructueux que prévu. Il est difficile d'avancer sur un projet qui semble déjà écrit et qui se focalise encore une fois sur les coûts», explique à La Tribune, Emmanuel Mistrali, porte-parole du SNPL, espérant néanmoins "aboutir à un accord, mais peut être pas d'ici au 31 janvier..."

Le SNPL ne veut pas d'une filiale

La grosse divergence porte sur le projet Boost de la direction de créer une nouvelle compagnie aérienne,  filiale d'Air France, qui serait basée à l'aéroport de Roissy, avec des pilotes provenant d'Air France mais sous contrat avec cette nouvelle filiale, des hôtesses et stewards embauchés sur le marché volant eux aussi aux conditions de travail et de rémunération de cette nouvelle filiale (la direction table sur un coût PNC inférieur de 40% à celui d'Air France), le tout avec une assistance en escale d'Air France. Censée débuter son activité fin octobre 2017 sur les vols court et moyen-courriers et fin mars 2018 sur le réseau long-courrier, cette nouvelle compagnie exploiterait, toujours selon le projet de la direction, entre 25 et 30 avions d'ici à 2020.

Lire ici : Quel avenir pour Air France avec ce nouveau plan stratégique?

Si le SNPL affirme ne pas être opposé au lancement d'une nouvelle activité, il refuse néanmoins qu'elle soit assurée par une filiale avec des contrats différents de ceux d'Air France, mais souhaite au contraire qu'elle soit qu'une simple entité d'Air France avec du personnel sous contrat Air France.

«Les pilotes sont las de ces contrats multiples», fait valoir Emmanuel Mistrali, en faisant allusion à Transavia où les pilotes détachés d'Air France disposent de deux contrats, l'un Air France, l'autre Transavia.

"Un projet dangereux pour les salariés"

La position du SNPL n'a donc pas bougé d'un iota depuis deux mois. Fin novembre, dans une lettre destinée à l'ensemble des salariés de la compagnie, le président du SNPL, Philippe Evain, avait déjà dénoncé un «projet qui recèle de nombreux dangers pour les salariés, quels qu'ils soient, dès lors qu'il prévoit la découpe de l'entreprise en appartements».

Lire ici : Le SNPL rejette le projet de création d'une compagnie B

Par ailleurs, pour Emmanuel Mistrali, ce projet n'est que la duplication «à Roissy de Transavia avec un autre nom», basé sur la baisse des coûts salariaux. «Pour les mêmes salaires, on demande aux pilotes de voler 10% de plus sur le long-courrier et 20% de plus sur le moyen-courrier», déplore-t-il.

Les efforts demandés aux pilotes d'Air France limités

Les discussions sur l'amélioration de la performance d'Air France portent sur des objectifs nettement moins ambitieux. Loin des 20% de gains de productivité demandés en 2015 par l'ancien PDG d'Air France-KLM Alexandre de Juniac, la direction actuelle a commencé la négociation avec un objectif minimaliste de ....1,5% de gain de productivité par an jusqu'à 2020. Un schéma qui n'est déjà plus le bon, Pierre-Olivier Bandet, responsable du projet Boost, ayant même évoqué dans la presse néerlandaise, une fourchette de 0,5% à 1% de gains de productivité par an.

Aussi limités soient-ils, ces éventuels efforts devront s'accompagner d'un système d'intéressement pour les pilotes, a indiqué Emmanuel Mistralli, qui parle de «retour sur investissement» et rappelle que «les salaires des pilotes n'ont pas augmenté depuis 2011».  Le SPAF, l'autre syndicat représentatif de pilotes, demande toujours une hausse de rémunération. Pour l'heure, c'est chez Transavia, la filiale low-cost d'Air France, qu'une telle hausse semble sur la bonne voie. Les négociations entre le SNPL et la direction d'Air France sur une hausse de la rémunération des copilotes, qui est l'une des causes du profond malaise au sein de la compagnie, semblent en effet bien avancées.

Les PNC attendent le résultat de la négociation pilotes

La négociation avec les pilotes conditionne celle avec les syndicats de personnels navigants commerciaux (PNC), lesquels sont tout aussi réticents que les pilotes à s'engager à faire de nouveaux efforts. Pour rappel, achevé fin octobre, l'accord à durée déterminée définissant les conditions de travail et de rémunération de cette catégorie de personnels a été prolongé de quelques mois pour donner une chance à la négociation. Alors que la direction a accepté la demande des syndicats de négocier un  un contrat d'une durée de 5 ans, les différends portent là aussi, à la fois sur le niveau d'efforts à effectuer au sein d'Air France et sur la définition des contrats des PNC de la nouvelle compagnie. Les syndicats sont notamment hostiles à mettre en place ce qui s'apparenterait à une double échelle des salaires.

Pour les efforts à faire à Air France, la direction a déjà révisé à la baisse ses prétentions. Alors qu'elle tablait sur un gain de productivité de 1,5% par an au cours des 5 prochaines années, soit 7,5% sur l'ensemble de la période, elle propose désormais un gain de 5,2%.

Au final, même si un décalage de quelques jours des négociations n'est pas dramatique les négociations avec les navigants sont néanmoins mal emboîtées. Quand bien même elles débouchaient sur des accords, ces derniers risqueraient d'être insuffisants pour permettre à la compagnie d'affronter une forte hausse du prix du carburant combinée à une baisse structurelle de la recette unitaire en raison de la surcapacité sur un grand nombre de marché et d'un accroissement de la concurrence qui en découle.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 10
à écrit le 30/01/2017 à 19:00
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Pour moi, une solution serait, comme cela a été étudié l'an dernier, le rachat de Wizz Air ! Ainsi, entre Transavia et Wizz Air, une des 2 compagnies se spécialiserait sur le long courrier, et l'autre récupérerait l'ensemble de l'activité court et m...

à écrit le 30/01/2017 à 13:03
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Prenons les paris pour la prochaine grève de ces saigneurs : Les vacances de février , ou celles de Paques ? Pour info , j'ai fait un paris/Province avec eux vendredi dernier : arrivée avec plus de retard qu'au départ !!! un service pro des PNC rie...

le 31/01/2017 à 14:44
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Ah qu'il est amusant de lire ce genre de commentaires.... "Arrivée avec plus de retard à l'arrivée qu'au départ"... Ah oui le vent ....l'avion se déplace dans l'air .... Sa vitesse par rapport au sol est donc fonction du vent en altitude... L...

à écrit le 30/01/2017 à 11:58
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Seule moyen , à mon avis, de faire passer la pilule aux pilotes tout en leur permettant de sauver la face, c'est la croissance externe, c'est à dire l'acquisition d'une compagnie à coût plus bas que chez AF ! A partir de là, la direction d'AF-KLM ne...

le 30/01/2017 à 17:58
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Ce serait bien beau mais AF n'a pas les moyens d'acheter qui que ce soit

à écrit le 30/01/2017 à 10:19
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La seule solution pour AIRFRANCE consiste à répartir les charges sociales (chomage et retraites) sur la production (les salaires) et sur la consommation d'énergie (pour l'ensemble des Français). Mais comme les responsables de l'aviation civile refuse...

le 30/01/2017 à 13:06
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@ gépé : remember " attitude plus "" ? C'est ça la seule solution pour AF: se rappeler que : "un client , c'est comme un passager en plus chiant "

le 30/01/2017 à 18:51
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encoorre ?!!

le 31/01/2017 à 10:07
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Vous pourriez être un peu plus clair ? Mon tout petit cerveau n'arrive pas à comprendre. Merci...... Que veut dire " répartir les charges sociales ( chômage et retraites) sur la production ( salaires). Il me semble que c'est le cas pour toutes les e...

le 31/01/2017 à 23:58
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sont où les aut'comments ?

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