De quoi permettre à Air France d'entrer sereinement dans "le monde d'après", alors que la vaccination, aussi laborieuse soit-elle, laisse entrevoir le bout du tunnel dans quelques mois. Un an après avoir sauvé la compagnie de la faillite en lui accordant un prêt d'actionnaire de trois milliards d'euros et garantissant un prêt bancaire de 4 milliards d'euros, le gouvernement français vole une nouvelle fois au secours de la compagnie française. En accord avec la Commission européenne, Paris va convertir son prêt de trois milliards d'euros accordé à Air France-KLM (mais fléché vers Air France) en instrument obligataire hybride perpétuel.
Sans impact sur la trésorerie, (Air France-KLM disposait fin février de 8,8 milliards d'euros de liquidités et de lignes de crédit), cette opération va renforcer les fonds propres d'Air France, aujourd'hui négatifs, et diminuer son taux d'endettement. De quoi présenter un bilan plus solide afin de financer plus facilement ses investissements. KLM travaille également sur une opération similaire.
Des mesures supplémentaires sont à l'étude et seront prises avant mai 2022. Car Air France-KLM avait besoin, selon certains analystes, d'au-moins de 1 ou 2 milliards d'euros supplémentaires.
Chamboulement de l'actionnariat
Dans le même temps, l'Etat français va participer à une augmentation de capital que va lancer Air France-KLM d'un montant maximal de 1 milliard d'euros. Déjà actionnaire d'Air France-KLM à hauteur de 14,3%, l'Etat français va participer à cette opération mais maintiendra une participation inférieure à 30%, pour ne pas être contraint de lancer une OPA sur le reste du capital comme l'exige le droit boursier lorsque ce seuil est dépassé.
"L'injection de capital ne dépassera pas le minimum nécessaire pour garantir la viabilité d'Air France et de sa holding et pour rétablir la situation de fonds propres qui était la sienne avant la pandémie de COVID-19", a précisé la Commission européenne.
"Dans le cadre d'un renforcement stratégique", China Eastern a également l'intention de participer en restant en dessous de 10% du capital comme aujourd'hui. Grosse surprise, l'Etat néerlandais (14% du capital), qui avait déboulé dans le capital du groupe en 2019 pour avoir les mêmes droits que l'Etat français, ne souscrira pas à l'augmentation de capital et sera donc dilué. Delta ne participera pas non plus.
Pour autant, comme l'a expliqué Frédéric Gagey, le directeur financier d'Air France-KLM, les règles de la Commission européenne imposent que les Etats reviennent d'ici à six ans à leur niveau de participation d'avant la crise.
"La France s'est engagée à élaborer une stratégie de sortie crédible dans un délai de 12 mois à compter de l'octroi de l'aide, à moins que l'intervention de l'État ne soit ramenée à un niveau inférieur à 25 % des fonds propres d'ici là. Si la participation de l'État à la holding n'est pas sensiblement réduite, conformément aux dispositions de l'encadrement temporaire, à l'issue d'une période de six années après la réception de l'aide à la recapitalisation, un plan de restructuration d'Air France sera notifié à la Commission", précise Bruxelles.
Cession de 18 créneaux à Orly
En contrepartie, Air France devra restituer à la concurrence 18 créneaux horaires quotidiens de décollage et d'atterrissage à l'aéroport d'Orly, correspondant à 9 vols aller-retour par jour. Initialement, Bruxelles demandait à la compagnie de rendre 24 créneaux comme Lufthansa l'avait acceptée à Francfort et Munich. Un niveau jugé inacceptable par la compagnie française qui avait proposé d'en lâcher 12. Ces créneaux ne pourront être attribués qu'à des compagnies basées à Orly. C'est par exemple le cas aujourd'hui d'Air Caraïbes, de French Bee, de Corsair, d'Easyjet, de Vueling, mais pas de Ryanair ou Wizzair. L'impact de cette mesure est estimé à 36 millions d'euros sur le résultat d'exploitation.
Au final, même si Air France a été fortement secouée par la crise du Covid-19, la compagnie va se retrouver en bonne situation au moment de la reprise, peut-être meilleure qu'elle ne l'était avant la pandémie. La crise a en effet justifié une baisse significative des effectifs sans contestation sociale, puisque près de 8.500 postes seront supprimés d'ici à fin 2022. Selon nos informations, le coût de ce plan de départs s'élève à près de 800 millions d'euros.
Restructuration du réseau domestique
La crise a également permis de restructurer le réseau domestique, structurellement déficitaire, en réduisant drastiquement l'activité de sa filiale régionale HOP et en lançant sa compagnie low-cost Transavia sur les vols intérieurs. Transavia n'utilisant pas les services d'Air France, beaucoup plus chers que la concurrence, dans les aéroports français, ce mouvement permettra à Air France de régler ce surcoût. Par ailleurs, la crise ayant fait table rase de l'offre de ses concurrents, Air France va se retrouver au moment de la reprise sur un pied d'égalité avec les Easyjet, Volotea, Vueling ou autre Ryanair, alors qu'avant-crise, son retard dans le low-cost domestique semblait irrécupérable. Enfin, la crise lui a également permis de rationaliser sa flotte en sortant les avions les moins performants tandis que les aides de l'Etat ont convaincu les banques de financer les achats d'avions.
Et pourtant, Air France devra encore faire plus. Car, pour de nombreux experts, les mesures prises auraient dû être prises avant la crise, et ne seront pas suffisantes pour rattraper IAG et Lufthansa qui ne sont pas restés les bras croisés. Au contraire. Déjà plus compétitifs avant la crise, ces deux concurrents ont pris des mesures plus lourdes que celles décidées par de la compagnie française. Le directeur général d'Air France-KLM, Ben Smith, en a conscience "Nous devons accélérer notre plan de transformation", a-t-il indiqué en conférence de presse.
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