Carburants durables : Air France salue les annonces de Macron mais veut des aides à l'achat

En marge du Paris Air Forum, la directrice générale d'Air France Anne Rigail a salué les annonces du chef de l'Etat visant à soutenir la production de carburants durables pour l'aviation. Mais selon elle, il est aussi indispensable de subventionner l'achat de ces nouveaux carburants, qui restent aujourd'hui en moyenne quatre fois plus chers que le kérozène d'origine fossile. En la matière, les Etats-Unis ont déjà une longueur d'avance.
Juliette Raynal
Anne Rigail, la directrice générale d'Air France, au Paris Air Forum
Anne Rigail, la directrice générale d'Air France, au Paris Air Forum (Crédits : La Tribune)

« Nous saluons les annonces d'Emmanuel Macron. Elles sont extrêmement positives et vont dans le bon sens. C'est la première étape d'un long processus », a commenté Anne Rigail, la directrice générale d'Air France, en marge du Paris Air Forum, organisé ce vendredi 16 juin par La Tribune.

« En plus du soutien aux investissements, il est nécessaire d'avoir également un soutien à l'achat des carburants durables. Il faut des aides pour limiter le surcoût payé par les compagnies aériennes, qui sont le dernier maillon de la chaîne de valeur », a-t-elle ajouté.

En termes de coûts, « 1% de carburants d'aviation durable c'est 100 millions d'euros, 10% c'est plus d'un milliard », a précisé Anne Rigail.

Soutien à la production de biocarburants

Lors d'une visite à l'usine de Villaroche (Seine-et-Marne) du motoriste Safran, le chef de l'Etat a annoncé, ce matin, une slave d'investissements pour décarboner le secteur de l'aviation. Au total, 8,5 milliards d'euros seront mobilisés d'ici à 2027. Dans cette enveloppe, l'Etat prévoit notamment de débourser 200 millions d'euros pour monter une filière française de biocarburants ou SAF (pour sustainable aviation fuel).

Ces fonds vont servir à l'implantation du projet BioTJET dans la zone de Lacq (Pyrénées-Atlantiques), qui vise à construire et opérer la première unité commerciale française de biocarburants à destination du secteur de l'aéronautique. Ce carburant sans pétrole sera produit à partir de biomasse composée de résidus issus majoritairement de la sylviculture locale et de déchets de bois en fin de vie.

Aujourd'hui, les volumes de production de SAF demeurent encore très embryonnaires. Ainsi, à elle seule, Air France-KLM aurait consommé 17% de la totalité des carburants d'aviation durables produits à l'échelle mondiale l'année dernière. Selon l'Association du transport aérien international (Iata), qui représente l'essentiel des compagnies aé, 125 millions de litres de SAF ont été disponibles en 2021. Ce volume reste infime par rapport à la consommation annuelle mondiale de carburants pour l'aviation. Estimée actuellement à 300 millions de tonnes, elle devrait atteindre 500 millions à l'horizon 2050.

Ces petits volumes, qui ne permettent pas de dégager des économies d'échelle, conduisent mécaniquement à des prix très élevés. Les SAF restent ainsi, en moyenne, quatre fois plus chers que le kérosène d'origine fossile.

Subventionner les achats comme aux Etats-Unis

Pour tenter de faire décoller le marché de ces biocarburants, Bruxelles a mis en place des mandats d'incorporation. La loi européenne, connue sous le nom de ReFuelEU, prévoit ainsi qu'à partir de 2025, tous les vols au départ d'un aéroport de l'Union européenne seront obligés d'incorporer une part minimale de carburants d'aviation durables, en commençant par 2% en 2025, puis 6% en 2030, 20% en 2035 pour atteindre progressivement 70% d'ici à 2050.

De son côté, Air France-KLM entend aller au-delà de la régulation européenne et vise une incorporation de 10% à l'horizon 2030 sur tous ses vols, afin d'atteindre ses objectifs de décarbonation, qui consistent à baisser de 30% ses émissions de CO2 par passager-kilomètre, unité de référence du secteur, en 2030 par rapport à 2019.

« Nous soutenons l'approche européenne axée sur les mandats d'incorporation. Cela donne un signal absolument nécessaire pour sécuriser les producteurs de carburants durables. Mais l'approche américaine de subventions est également vertueuse. Nous considérons que les deux sont complémentaires », a souligné Anne Rigail à La Tribune.

La dirigeante d'Air France plaide ainsi pour que les compagnies aériennes européennes puissent également bénéficier de contrats pour différence, à l'image du dispositif mis en place outre-Atlantique.

Impact sur le prix des billets

« Actuellement, la tonne de SAF en France est à 5.000 euros. Le prix moyen dans le monde s'élève à 3.500 euros. Et nous pouvons trouver la tonne à 2.000 euros aux Etats-Unis », a-t-elle rappelé.

Ce différentiel de coût devrait, en partie, se reporter sur le prix des billets payés par les voyageurs. « Lorsqu'on se projette en 2030, avec un mandat d'intégration de 10%, le surcoût pour un aller-retour Nice-Singapour en classe économique est de 110 euros, a expliqué la directrice générale à l'auditoire. Certains clients pourraient préférer partir par Turkish Airlines via Istanbul, parce que là le surcoût sera de l'ordre zéro, ou un petit peu plus de zéro. Donc on a un vrai enjeu de ne pas raisonner aux bornes de l'Hexagone, ni aux bornes de l'Europe », a insisté la directrice générale d'Air France.

Juliette Raynal

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Commentaires 2
à écrit le 18/06/2023 à 16:05
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De nombreux scientifiques non influencés s'accordent à dire qu'il est impossible aujourd'hui de prouver que l'action humaine sur l'augmentation du taux de CO2 est responsable de l'instabilité climatique actuelle et/ou du réchauffement globale des tem...

à écrit le 16/06/2023 à 19:37
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1) la biomasse n'est pas inépuisable, elle est en outre très utile pour produire de la chaleur en hiver. 2) La biomasse est encombrante et lourde à transporter par camion. Lancer le développement de carburants biomasse à Lacq, c'est sacrifier le prin...

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