C'est un fait. Le fret ferroviaire a connu un déclin progressif en France. Une situation dont a fait état la commission d'enquête sur les effets de libéralisation du fret ferroviaire. Dans son rapport présenté en décembre dernier, elle indique en effet que la part du transport ferroviaire de marchandises s'établissait à 10,6% en 2022 en France, contre 17% dans le reste de l'Union européenne, et même 19% en Allemagne ou encore 33,6% en Suisse.
« Le trafic fret de la SNCF a connu une baisse significative, passant de 50,4 milliards de tonnes-kilomètres en 2000 à 35,9 milliards en 2008, soit une diminution de plus de 28% », précise le document.
Alors que l'objectif du gouvernement est de doubler la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030, la faisant passer de 9% à 18%, une PME met en œuvre les moyens d'accroître le report modal et de rendre le fret ferroviaire plus attractif au regard de la route. Il s'agit de Carrières de l'Ouest (120 collaborateurs et 55 millions d'euros de chiffres d'affaires).
Un recours accru au rail
Cette filiale du groupe Basaltes, premier carrier indépendant français, extrait chaque année 3,2 millions de tonnes de matériaux. Elle exploite 18 sites entre la Bretagne et l'Île-de-France, dont la carrière de Voutré, en Mayenne. Celle-ci peut produire jusqu'à 3,5 millions de tonnes par an (2,6 millions en moyenne). Les matériaux sont acheminés vers des chantiers de construction (travaux publics et ferroviaires, sociétés de fabrication de béton...) : soit pour le marché local (Sarthe, Mayenne, Orne), soit pour le marché distant (de l'Ile-de-France à Chartres).
Acteur du fret ferroviaire depuis 1858, Carrières de l'Ouest a déjà fait parler d'elle pour avoir mis en œuvre d'une solution de fret ferroviaire combiné (train et camion) inédite. Elle lui permet d'acheminer des granulats vers les chantiers de construction et d'évacuer les terres excavées en retour pour combler ses carrières. Elle a lancé ses premiers trains allers-retours entre la carrière de Voutré et l'Ile-de-France en mai 2022, puis quelques mois plus tard, entre Voutré et sa plateforme du Mans.
Aujourd'hui, elle continue d'optimiser le remplissage de ses trains double fret avec une nouvelle desserte à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) opérationnelle depuis septembre 2023. « Aujourd'hui, trois trains partent chaque jour de la carrière de Voutré, deux en direction de Paris et un vers le Mans. »
« La part des matériaux transportés en train est passée de 500.000 tonnes en 2017 à 900.000 tonnes en 2022 puis à 1 million l'année dernière », indique son président Thomas Dupuy d'Angeac.
Dans le détail, en 2023, l'entreprise a transporté 850.000 tonnes de granulats à l'aller et 150.000 tonnes de remblais au retour, grâce à ce système de fret.
Interrogé sur les prévisions pour les mois à venir, le chef d'entreprise ne cache toutefois pas ses inquiétudes, en raison d'un manque de visibilité sur l'activité du BTP en Ile-de-France. « De plus, pendant les Jeux olympiques de Paris 2024, nous allons peut-être devoir fermer la plateforme embranchée de Trappes pendant un mois », craint le patron de la PME.
Et c'est sans compter les multiples barrières qui freinent encore, à ses yeux, l'accès au fret : des travaux d'infrastructures coûteux pour remettre en état les réseaux, une incompréhension par les chargeurs de l'offre ferroviaire, le refus des autorités locales, etc.
Un système de fret désormais ouvert aux autres entreprises
Soucieuse d'optimiser le remplissage de ses trains double fret, l'entreprise propose également un nouveau service : celui de commissionnaire de transport multimodal. Elle s'est appuyée pour cela sur la société sœur de Cinérites de Rouessé-Vassé qui s'est transformée, en septembre dernier, en Cinérites Transport et Logistique. L'occasion d'ouvrir son système de double-fret à d'autres entreprises (chargeurs et transporteurs).
« Pour l'instant, nous sommes en phase de prospection commerciale et n'avons pas encore de clients. Quelques essais réalisés avec des majors du BTP (Vinci, Bouygues, Lafarge) et des opérateurs de transport combiné se sont avérés concluants. Des flux pourraient démarrer en mars prochain. »
Quid des objectifs ? « En 2024, nous voudrions transporter entre 200 et 500 conteneurs. Ce serait un bon début », prévoit Thomas Dupuy d'Angeac alors que la société CTL projette d'ouvrir une nouvelle plateforme embranchée au rail en Loire-Atlantique au cours du second semestre 2024, pour relier Paris au Grand port de Nantes - Saint-Nazaire en train.
En parallèle, Carrière de l'Ouest approfondit ses investissements dans le report modal ferroviaire en lançant des travaux sur son principal site industriel de Voutré. Objectif, créer une nouvelle voie ferroviaire qui sera en service à la fin du premier semestre. Montant du chantier : 2 millions d'euros.
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