Pour sauver le fret ferroviaire français, Elisabeth Borne mise sur l'amélioration des infrastructures

Face aux députés d'une commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire, Elisabeth Borne a affiché une confiance sans faille dans la modernisation du réseau ferré, pierre angulaire de sa stratégie pour faire repartir le fret ferroviaire face au transport routier. Et tant pis pour ceux qui s'inquiètent du démantèlement annoncé de Fret SNCF.
Léo Barnier
Elisabeth Borne a fait du réseau l'alpha et l'oméga du redressement du fret ferroviaire français.
Elisabeth Borne a fait du réseau l'alpha et l'oméga du redressement du fret ferroviaire français. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Est-ce qu'un réseau modernisé et régénéré suffit à assurer la pérennité des activités ferroviaires ? C'est en tout cas la question centrale qui ressort de l'audition d'Elisabeth Borne par la commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire ce mardi. Tout au long de son propos liminaire comme de ses réponses aux députés, la Première ministre a insisté sur les bénéfices qu'apportent les investissements accrus pour la remise en état du réseau. Elle n'a ainsi répondu que partiellement à Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF, qui avait évoqué la veille le besoin d'aides à l'exploitation du fret. Et elle s'est montrée peu loquace sur les avancements du plan de 100 milliards d'euros d'investissements promis, qui tarde à se concrétiser.

A plusieurs reprises, Elisabeth Borne a réaffirmé son objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030, la faisant passer de 9 à 18 %. Ce qui ne constituerait en soit qu'un retour au niveau du début des années 2000, période à partir duquel le secteur a connu un long déclin de l'aveu même de celle qui fut ministre des Transports de 2017 à 2019.

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Le réseau comme principal levier

Et pour cela, la Première ministre compte sur quatre leviers qui ont, selon elle, déjà été activé ces dernières années : « La réindustrialisation depuis 2017, la régénération du réseau, la priorisation de sillon de qualité pour le fret et le désendettement de cette activité avec la possibilité d'avoir une trajectoire économique soutenable constituent des leviers importants pour réussir là où cela n'avait pas été le cas lors des plans précédents. » Elle a notamment salué la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019 et le nouveau pacte ferroviaire de 2018, estimant que « la réforme ferroviaire a porté ses fruits ».

Durant toute son audition, Elisabeth Borne a particulièrement insisté sur l'importance de centrer les efforts sur l'infrastructure ferroviaire après des décennies de sous-investissement. Cela doit notamment permettre au réseau de gagner en capacité et de réduire les conflits d'usage avec les trains de passagers qui obligent aujourd'hui les convois de fret à se rabattre sur des circulations de nuit : « Nous avons déployé des moyens financiers importants pour moderniser le réseau ou aider les segments de marché structurellement déficitaires en concurrence avec la route. [...] Ce travail a permis de redresser la barre : le réseau s'est modernisé et la part modale du fret ferroviaire a cessé son érosion et à même commencé à se redresser, malgré le Covid, en passant au-dessus de la barre des 10 %. »

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Impasse sur la loi de programmation

L'occasion pour l'ancienne directrice de la stratégie de la SNCF entre 2002 et 2007 d'affirmer que son gouvernement continue d'accélérer en la matière : « Ce sont 100 milliards d'euros d'investissements supplémentaires pour le ferroviaire d'ici à 2040, avec une importante composante de modernisation, de régénération du réseau et d'investissements. » Et elle ajoute que « rien que pour la décennie à venir, ce plan prévoit 4 milliards d'euros pour le fret ferroviaire dont la moitié est portée par l'Etat ».

Pourtant, la Première ministre s'est montrée bien plus laconique sur la concrétisation de ce plan, qu'elle a elle-même annoncé en février, et qui doit passer par des contrats de plan État-Région (CPER) toujours en négociation. Elle a ainsi éludé la question de la députée écologiste Christine Arrighi sur le sujet, tout comme celle portant sur la possibilité de mettre en place une loi de programmation ferroviaire pluriannuelle pour sécuriser une trajectoire d'investissement. Une option qui intéresse pourtant fortement du côté du ministère des Transports, qui a lancé une consultation sur le sujet auprès des groupes politiques. D'autant que cela semble avoir suscité de l'intérêt au-delà de la majorité, notamment à gauche.

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Fret SNCF, la stratégie du moins pire

De même, Elisabeth Borne a rejeté les attaques, venues de la gauche comme de l'extrême-droite, d'avoir cédé trop vite face à Bruxelles, après le lancement d'une enquête par la Commission européenne pour des aides présumées illégales de l'Etat français à destination de Fret SNCF, la filiale fret du groupe SNCF. Pour éviter que cette dernière se retrouve obligée de rembourser une dette de 5,3 milliards d'euros, contractée entre 2007 et 2019 - ce qui signerait « son arrêt de mort » selon la Première ministre - Paris a accepté dès le début une solution de discontinuité.

A ce titre, Fret SNCF va devoir laisser la place à une nouvelle entité qui ne pourra reprendre que 90 % des salariés, 80 % des trafics et 70 % du chiffre d'affaires, ainsi que 23 lignes de transport. Et surtout, elle devra abandonner l'activité de trains entiers, la plus rentable du secteur, pour se concentrer sur les wagons isolés.

Convaincue qu'il fallait prendre les devants pour éviter un scénario catastrophe comme celui de la compagnie aérienne Alitalia, Elisabeth Borne a affirmé sa confiance en la solution retenue : « Loin de revenir sur nos objectifs d'augmentation de la part modale du ferroviaire, cette structure vise à pérenniser et à développer le fret en France.  C'est une solution d'équilibre, raisonnable. Elle permet le remboursement d'une aide d'Etat qui signerait l'arrêt mort de Fret SNCF d'une part, et d'autre part elle garantira la préservation intégrale du cœur de métier de l'entreprise. »

Léo Barnier

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Commentaires 14
à écrit le 21/09/2023 à 1:04
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Une lapalissade consiste à affirmer une évidence immédiatement perceptible, ce qui déclenche en général le rire de l'interlocuteur, prêtant irrémédiablement à la déduction irréductible : « La Palice en aurait dit autant !

à écrit le 20/09/2023 à 21:19
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Le rail n'est compétitif que pour de grandes quantités sur des longues distances et ne le sera jamais en terme de délais , la route assure des livraisons en des temps records porte à porte pour tous les industriels qui ont opté pour une organisation ...

à écrit le 20/09/2023 à 21:10
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Le rail n'est compétitif que pour de grandes quantités et ne le sera jamais en terme de délais , la route assure des livraisons en des temps records porte à porte pour tous les industriels qui ont opté pour une organisation en flux tendus ( zéros sto...

à écrit le 20/09/2023 à 18:33
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Bonjour, Il faudrait rajouter des taxes sur les péages de tout poids-lourd qui circule sur nos autoroutes (je parle pas de nationales) et utiliser pour investir sur le rail.

le 20/09/2023 à 21:17
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Cela existe déjà et s'appelle la taxe à l'essieu. Rappelez vous la révolte des bonnets rouge bretons quand Ségolène voulait imposer une écotaxe aux poids lourds .Et une taxe finit toujours par être payée par le consommateur !!

à écrit le 20/09/2023 à 16:17
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Pourquoi ne pas autoriser la vente à perte des billets SNCF? A oui c'est vrai, c'est déjà le cas...

à écrit le 20/09/2023 à 14:09
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Un bon réseau ferroviaire...et des taxes sur le transport routier longues distances qui consomme des énergies fossiles, utilise et dégrade les infrastructures routières. SANS oublier une INTERDICTION de paralyser le fret par les Syndicats, avec un...

à écrit le 20/09/2023 à 13:22
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"A ce titre, Fret SNCF va devoir laisser la place à une nouvelle entité qui ne pourra reprendre que 90 % des salariés, 80 % des trafics et 70 % du chiffre d'affaires." Il serait juste que la nouvelle entité reprenne 70% des salariés, 70% des trafics...

à écrit le 20/09/2023 à 13:00
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" modernisation du réseau ferré" Reste à savoir si cette concurrence que veut ce gouvernement va participer financièrement à cette modernisation du réseau ferré ou juste en profiter .

à écrit le 20/09/2023 à 8:31
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Le problème du train est qu'il y a eu tellement de lobbys ennemis qui ont passé les 60 dernières années à le dépecer via leurs larbins politiciens que pour savoir ce qui lui ferait du bien actuellement ça devient extrêmement compliqué dans cette atmo...

le 20/09/2023 à 13:03
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encore le en meme temps cela fait bien longtemps que les dirigeants francais ont saborde le fret ferroviaire au profit des camions pour se goinfrer sur les gazole et des autoroutes et ont sacrifier par la meme les voie navigables depuis plus de 6...

à écrit le 20/09/2023 à 8:17
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Borne a raison : l´infrastructure est la condition sine qua non pour que des trains roulent (et vu la taille de la France et sa position géographique, le ferré devrait jouer un rôle majeur dans le transport de marchandises, par. ex. de la frontière e...

le 21/09/2023 à 10:10
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Bonjour, Ben Mme Botne à intérêt à se presser car toutes les petites lignes 1 voie qui servaient encore au fret deviennent des pistes cyclables. Nantes croix de vie est une exception rare. Un truc rigolo, l'ancienne ligne de Bordeaux le Mans tours...

à écrit le 20/09/2023 à 7:27
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Encore un truc national qui fonctionne à perte! Je reconnais que l'Ecole Française de base laisse peu de place à l'Economie et au principe qu'une entreprise est en meilleure santé quand elle fait des bénéfices, mais tout-de-même... (maudits soient l...

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